Le voyage de Nathan : petit fossoyeur d’âmes, Frédéric Neveur

Couverture Le voyage de Nathan : Petit fossoyeur d'âmes

Dans les ruelles de son petit village de vacances, Nathan voit des choses étranges. Emprisonné dans un monde alternatif bien sombre, il fait la rencontre de Lenka, une jeune fille aux pouces coupés, et Grogoron, un fossoyeur d’âme bourru au cœur d’or. Dés lors, Nathan va tenter de comprendre pourquoi il est enfermé ici et pourquoi un Négociant, un être monstrueux qui calcule la valeur des âmes, cherche à l’emmener avec lui. En terminant son voyage, Nathan apprend ce qui lui est arrivé dans le monde réel.
Une émouvante histoire qui cache une vérité effroyable dont l’amour de ses nouveaux amis parviendra à guérir les blessures.

Évidence Édition – 320 pages – Papier (16,99€) – Ebook (7,99€)
Adapté aux lecteurs dyslexiques – Illustrations : Hadley Seymore

AVIS

En ce moment, j’enchaîne les livres publiés par Évidence édition ! Et après la très bonne série Aria, c’est un autre roman jeunesse qui m’a captivée. Je dis jeunesse parce qu’il est accessible aux lecteurs à partir de 12 ans, mais je lui ai trouvé une sensibilité et une portée symbolique telles que je me demande si finalement, il ne serait pas plus sage de le conseiller à des lecteurs un peu plus âgés. Je ne suis, en effet, pas certaine que l’enfant de 12 ans que j’étais, pourtant grande lectrice, aurait su saisir toute la portée de ce livre…

L’auteur nous transporte dans la vie du jeune Nathan, un enfant très seul puisque personne ne semble lui accorder la moindre attention si ce n’est pour le brimer et, dans le cas de son père, lui reprocher la mort de sa mère. Mais si Nathan a du mal à se connecter avec les gens, il voue une passion sans borne aux oiseaux et, plus particulièrement, aux corbeaux. Original comme animal préféré, mais vous verrez qu’original et hors norme, Nathan l’est !

Lors de ses vacances dans un petit village, Nathan fait la rencontre d’un gardien de cimetière, Grogoron, avant de plonger dans un monde alternatif surprenant et auréolé de mystère. Aux côtés de Nathan, nous découvrons ainsi des concepts comme celui de fossoyeur d’âmes ou, comme aime à le dire notre jeune héros, faux soigneur d’armes. Et puis, il y a cette menace que représentent les Autres, ces êtres dont on ne connaît pas la nature et que Grogoron demande à Nathan de ne pas nommer. Fascinant de voir que la peur de l’Autre poursuit Nathan même dans un monde qui n’est pas le sien !

Ce que j’ai préféré dans ce roman, c’est de découvrir, petit à petit, le monde alternatif dans lequel Nathan vogue, de comprendre les règles qui le régissent et les entités qui l’habitent. Raison pour laquelle je préfère rester très évasive sur ces points, ce qui, je l’avoue, tend quelque peu à me frustrer. Je me permettrai néanmoins de vous dire que j’ai beaucoup aimé la manière dont l’auteur a développé tout le commerce autour des âmes, chacune d’entre elles étant notée en fonction de différents critères, récoltée par les fossoyeurs d’âmes, donnée aux Négociants et revendue à prix d’or… Une loi de l’offre et de la demande assez cynique comme sait si bien l’être l’économie de marché. On appréciera d’ailleurs la petite critique sous-jacente vis-à-vis d’un système économique créateur d’inégalité, de souffrance et d’injustice. Mais comme dans la vraie vie, qui dit inégalité, dit révolte et rébellion !

L’auteur, à travers une histoire forte et non dénuée d’onirisme, évoque également des sujets parfois difficiles comme les préjugés et la peur de ce que l’on ne connaît pas, la perte, la mort, la résilience, les violences domestiques, la maltraitance infantile… Mais je vous rassure, tout reste assez suggéré, ce qui rend ces problématiques supportables même pour les jeunes lecteurs ou ceux particulièrement sensibles. Et puis derrière le drame et ce commerce d’âmes auquel sont soumis, contre leur volonté, nos héros, il y a aussi beaucoup de vie et d’optimisme ! Des élans de beaux sentiments et de tendres émotions apportés par les protagonistes et les magnifiques liens qu’ils ont su tisser.

En découvrant ce monde alternatif, Nathan a ainsi trouvé des amis, voire une famille avec des membres qui l’aiment, le respectent, l’écoutent et le voient ! Tout ce dont il a toujours été privé. Et ça, c’est tellement beau, fort et important pour lui qu’on ne peut que s’émouvoir devant ses émotions, ses pensées et la manière dont, jour après jour, il grandit, prend confiance en lui et en sa capacité d’être aimé. Nathan est un personnage attachant sur lequel on a envie de veiller très fort comme le font Grogoron dont le physique un peu bourru cache un grand cœur et Lenka, une jeune fille de caractère.

Ces deux personnages, tous les deux très touchants, feront de leur mieux pour protéger Nathan et l’aider à se fondre dans ce monde impitoyable des âmes qui n’est peut-être pas, au regard de certaines révélations, pire que le monde des vivants. J’aurais peut-être souhaité que Grogoron soit un peu plus présent, mais j’ai été ravie de la place donnée à Lenka. Haute en couleur, on sent chez elle une grande gentillesse ainsi qu’une certaine fragilité… Sa manière de taquiner ses acolytes, à grand renfort de surnoms plus tendres que méchants, m’a ainsi fait très régulièrement sourire. Cette jeune fille possède, en outre, une aura de mystère qu’on a très fortement envie de percer : pourquoi n’a-t-elle plus ses pouces ? Pourquoi, contrairement à ses amis, ne peut-elle pas aller dans le monde des vivants ? Des questions qui en appellent une autre bien plus importante : les lecteurs et la jeune fille sont-ils prêts à entendre la vérité et faire face à des révélations qui ne devraient pas manquer de les toucher ?

En plus des personnages pris dans leur individualité, j’ai adoré leur dynamique de groupe, leur complicité et leur très fort attachement. Cela leur sera d’ailleurs indispensable pour avoir la force d’affronter les épreuves qui se présenteront à eux, mais aussi d’accepter de faire ce saut dans l’inconnu qui leur faisait tellement peur. C’est peut-être là d’ailleurs que réside le plus grand rôle de Nathan, un enfant entre vie et mort, qui sera, sans le vouloir, le déclencheur d’une série d’événements à l’issue émouvante.

Quant au style de l’auteur, si on occulte un amour immodéré pour le mot venelle qui, je le concède, ne manque pas de charme, je l’ai trouvé très agréable avec un parfait équilibre entre rythme, mystère, action et émotion. C’est le genre de plume qui plaira, à juste titre, à un large public. Pour ma part, j’ai fortement apprécié la dose d’onirisme que l’auteur a su insuffler à ce roman plein d’intelligence qui ne manque ni de profondeur ni de sensibilité. Les quelques illustrations de Hadley Seymore, distillées par-ci, par-là contribuent également au sentiment d’immersion que l’on peut ressentir tout au long d’une lecture qu’on ne quitte qu’à regret et avec la forte envie d’y retourner en espérant… ne pas y perdre son âme.

En résumé, Le voyage de Nathan fut une très belle lecture qui, sous couvert d’une aventure auréolée de mystère, aborde des thématiques fortes et importantes allant de la famille à l’amitié en passant par la peur de l’Autre et les violences domestiques. Prenant, si ce n’est envoûtant, voici un roman que je conseillerais volontiers aux personnes en quête d’un roman différent, d’un roman qui divertit, qui attendrit et qui vous pousse à chérir chaque moment de vie.

Je remercie Évidence Éditions de m’avoir envoyé ce roman en échange de mon avis.

J. de Laurent Moulin

Nouvelle policière – collection Rouge – finaliste du prix Zadig 2019 – de Laurent Moulin

Trois cadavres découverts à quelques heures d’intervalle. Trois meurtres signés de la même main. Voilà qui va donner des sueurs froides au Commandant Lavrieux surtout lorsqu’il s’aperçoit que les preuves semblent désigner un coupable inattendu : le Maire de la ville !

Trois cadavres sont découverts par la Gendarmerie à divers endroits de la ville : un entrepreneur très en vue, une retraitée fouineuse et un agent municipal au passé trouble. Trois morts sur lesquels est retrouvée une signature identique : une plume d’oie et une carte de visite marquée d’un J. en lettres de sang.

Quel point commun y a-t-il entre ces trois personnes ? En existe-t-il seulement un ?

Ex Aequo éditions (26 février 2020) – 6€ – Ebook (1,99€)

AVIS

Trois personnes assassinées le même jour suivant le même mode opératoire ! La gendarmerie a-t-elle affaire à un tueur en série ? Qu’est-ce qui peut bien relier les victimes entre elles alors qu’a priori, elles n’ont rien en commun ? De fil en aiguille, un fil conducteur émerge et conduit les enquêteurs tout droit dans le bureau du maire, un personnage peu amène et pas vraiment décidé à collaborer…

À travers cet élu, l’auteur évoque quelques-unes des dérives du pouvoir politique : conflit d’intérêts, corruption, volonté farouche de rester au pouvoir au détriment d’un vrai engagement et d’actions concrètes… Sont également dénoncés les médias et leur légère tendance à tomber dans le sensationnalisme, rendant leur travail parfois plus proche de celui de charognard que de journaliste. Mais je vous rassure, on est loin de la diatribe virulente, ces critiques étant amenées avec une certaine finesse, et surtout, justesse…

J’ai néanmoins peut-être regretté que cette subtilité fasse quelque peu défaut dans la résolution de l’enquête. Tout va très vite, ce qui n’est pas gênant en soi puisque l’on est dans un format court, mais l’auteur a utilisé un procédé que je ne goûte guère dans les livres policiers… Il donne, en effet, la parole au tueur pour qu’il explique son plan de A à Z ainsi que ses motivations. Je trouve cela un peu lourd préférant nettement découvrir et comprendre ces points au fil de l’intrigue. Lire un compte rendu précis les détaillant rend le tout bien moins percutant et m’a presque donné l’impression d’être dans un de ces comics où le grand méchant expose, non sans fierté, son plan au grand jour… Cela reste toutefois très personnel et certains lecteurs accueilleront favorablement le fait que tout leur soit expliqué en détail par le coupable. 

La révélation frappant l’un de nos protagonistes à la fin de la nouvelle m’a, en revanche, convaincue. Un petit coup de théâtre efficace à l’instar de la plume de l’auteur qui, en plus de se révéler agréable, est plutôt fluide. On prend donc un plaisir certain à suivre le déroulement de l’enquête et à découvrir les différents personnages, certains se montrant plus agréables que d’autres. J’ai ainsi trouvé le maire vers lequel se portent les soupçons particulièrement antipathique au point d’espérer que l’auteur, Directeur de cabinet, n’a jamais eu, dans le cadre de ses fonctions, à côtoyer ce genre d’olibrius. Un grossier personnage qui va néanmoins apprendre que sa position sociale et politique ne lui donne pas tous les droits, et que l’on récolte ce que l’on sème…

À l’inverse de cet homme, j’ai beaucoup apprécié l’un des gendarmes, Kévin Guercin. Tout jeune diplômé, on sent à quel point il est motivé par son travail et possède déjà une belle conscience professionnelle. Très impliqué dans l’enquête, il compensera son manque d’expérience par une volonté à toute épreuve et un certain sens de la déduction. Kévin est donc un jeune gendarme plein de potentiel, ce dont semble être conscient son supérieur, le Commandant Antoine Lavrieux, qui n’hésitera pas à lui faire confiance et à l’écouter sans a priori ni un ostentatoire mépris pour sa jeunesse, ce qui n’est finalement pas si courant.

Quant à l’enquête en elle-même, je préfère rester vague, le livre étant court, mais l’auteur introduit un certain suspense, notamment avec la présence sur les lieux des meurtres, d’une plume d’oie et d’une carte de visite signée d’un J. ensanglanté. On essaie de comprendre la signification ou la symbolique de ces indices tout en suivant avec intérêt les révélations concernant les victimes et leurs relations avec le maire. La grossièreté et le manque d’empathie de l’élu font de lui le coupable idéal, mais les choses sont-elles vraiment aussi simples ?

Teintée d’un certain cynisme (réalisme ?), notamment sur le monde politique, J. est une sympathique nouvelle policière qui devrait plaire aux lecteurs souhaitant lire une enquête rondement menée.

Je remercie Laurent Moulin pour m’avoir envoyé, via le site Simplement pro, sa nouvelle en échange de mon avis.

Retrouvez l’ouvrage sur le site des éditions Ex-AEquo.

Mes sincères condoléances : les plus belles perles d’enterrements, Guillaume Bailly

Couverture Mes sincères condoléances, tome 1

J’avais vu passer ce livre notamment sur le blog Lire sous la lune

PRÉSENTATION ÉDITEUR

L’enterrement est un moment fort, solennel, unique. Mais le dernier hommage à un proche peut parfois devenir culte ! Les cérémonies sont souvent le théâtre d’événements étonnants, drôles, extravagants, tragiques, toujours originaux. Entre rires et larmes, l’auteur nous ouvre les portes de sa longue expérience de croque-mort et nous fait partager les petits et grands dérapages croisés dans sa carrière. Un ouvrage garanti  » 100 % vécu  » : bourdes familiales, lapsus macabres, incidents techniques et gaffes en tout genre. Tout est vrai, c’est la vie !

Pocket (1 octobre 2016) – Poche – 6,95€ – Autres formats : ebook, livre audio

AVIS

Lu il y a plusieurs mois, je n’en garde pas un souvenir assez précis pour vous en donner un avis détaillé, mais je peux néanmoins vous dire que cette lecture m’a permis de prendre un peu de recul vis-à-vis de la mort. Pour différentes raisons, c’est un sujet qui m’a toujours beaucoup affectée, je me souviens d’ailleurs, enfant vers 5/6 ans, avoir largement éprouvé la patience paternelle avec ma sempiternelle question du soir :  pourquoi doit-on mourir ?

Spoiler alerte : l’auteur ne répond pas à cette question ! Fort de son vécu et de son expérience, il partage plutôt ici différentes anecdotes notamment sur les demandes insolites de certaines personnes comme cette dame qui tenait à offrir une cérémonie funéraire humaine à son animal de compagnie, ce que soit dit en passant, je comprends parfaitement.

Il y a aussi des situations moins cocasses et plus tristes comme cette personne morte dans son logement sans que personne ne s’en rende compte alors qu’à deux pas de chez elle vivait un individu prompt à s’engager dans toutes sortes de causes humanitaires. Un petit rappel qu’aider son prochain commence aussi par ouvrir les yeux et regarder autour de soi…

Au fil des pages et de cette immersion dans un milieu qui peut sembler obscur, on apprend à dépasser ces clichés que, bien malgré elles, les personnes travaillant dans les pompes funèbres véhiculent. D’une certaine manière, cela désacralise le métier et lui ôte un peu de sa funeste aura. On se rend également compte de l’éthique bien présente dans le métier avec une certaine bienveillance et une juste distance permettant d’accompagner les proches dans une épreuve difficile et délicate. Cela nécessite d’ailleurs parfois un certain sang-froid et une bonne dose de  patience, le deuil n’étant pas vécu de la même manière par tous…

Et puis parce que côtoyer la mort, c’est aussi côtoyer les vivants et leurs bassesses, l’auteur évoque ces situations où les apparences sont trompeuses et pour lesquelles il vaut mieux éviter les jugements intempestifs. On évoquera, par exemple, cette femme mise de côté par la famille du défunt pour la plus grande indignation des employés des pompes funèbres jusqu’à ce qu’ils découvrent que derrière la veuve éplorée, se cache une croqueuse de diamants assez peu respectueuse…

La mort est partout, tout le temps et ne prend pas de vacances. Un fait évident mais qui prend toute son ampleur quand l’on découvre à quel point les pompes funèbres doivent être sur le pied de guerre en permanence pour faire face avec professionnalisme à toutes les situations, parfois humainement difficiles pour ceux qui n’ont pas l’habitude de côtoyer la mort…

Vous aurez donc compris que contrairement à ce que laisse présager le titre, l’auteur ne nous propose pas un livre humoristique, mais plutôt un livre témoignage avec des anecdotes qui prêtent parfois à sourire ou à réfléchir, et qui, pour certaines, ne devraient pas manquer de vous émouvoir. Mais je vous rassure, l’auteur ne tombe jamais dans le pathos, ce qui rend son livre accessible à tous.

Croque-morts, un métier comme les autres ? Pas certain si l’on considère les préjugés encore bien présents autour de cette profession, mais ce petit livre a le mérite de la rendre moins opaque et bien plus humaine. À lire pour mieux comprendre les réalités qui se cachent derrière le métier…