Hazel Wood, Melissa Albert

« Ne t’approche sous aucun prétexte d’Hazel Wood. »

Ces quelques mots laissés par la mère d’Alice juste avant son enlèvement scellent à tout jamais le destin de la jeune fille.
Hazel Wood, la résidence légendaire d’Althéa Proserpine, auteur des célèbres « Contes de l’Hinterland ».
Hazel Wood, dont vient d’hériter Alice.
Hazel Wood, où Alice doit s’aventurer pour espérer sauver sa mère.
Hazel Wood, cette demeure d’où semblent s’échapper des personnages inventés par Althéa.
Hazel Wood, dont personne ne revient jamais.

Et si Hazel Wood était bien plus qu’un simple manoir ? Un leurre ? Une porte d’entrée sur l’Hinterland ?
Et si Alice était bien plus qu’une simple New-Yorkaise ? Une princesse ? Une tueuse ?

Il était une fois… Hazel Wood.

Editions Milan (25 avril 2018) – 384 pages – Broché (17,90€) – Ebook (12,99€)

AVIS

Possédant ce roman dans sa sublime version Fairyloot et en français, j’ai hésité un long moment avant d’opter pour la version française d’autant que j’avais un peu de mal à me souvenir de l’endroit où se trouvait la VO. Mais maintenant que j’ai refermé le roman, je pense que ce n’est pas plus mal parce que Melissa Albert nous propose ici un univers riche et complexe qui nécessite une parfaite compréhension des différents événements pour savourer sa lecture.

Alice vit une relation quasi symbiotique avec sa mère, Ella. Une relation d’autant plus forte qu’elles sont toujours sur le qui-vive déménageant sans cesse pour éviter la malchance et tous ces événements étranges qui semblent irrémédiablement les poursuivre. Mais un jour, Ella décide de se poser et de se marier avec Harold. Un mariage qui n’enchante guère Alice, mais qui aura au moins le mérite de lui permettre de faire la rencontre de Finch, un jeune homme attachant dont elle va se rapprocher, notamment suite à un dramatiquement événement.

Fils d’un richissime homme qui le délaisse complètement, ce garçon m’a beaucoup touchée par sa gentillesse, mais aussi en raison de sa tendance à fuir sa vie et la réalité dans la lecture.  Au fil des pages, nous découvrons les raisons de sa passion pour le recueil des Contes de l’Hinterland écrits par la grand-mère d’Alice, une femme que l’adolescente n’a jamais rencontrée, sa mère s’y opposant tout comme elle lui a toujours refusé le droit de lire les histoires de son aïeule. Ce recueil de contes, qui suscite des réactions passionnées, est devenu quasiment introuvable, ce qui n’empêchera pas nos deux amis de tenter de mettre la main dessus avant de se lancer dans la plus périlleuse des aventures, l’assaut d’Hazel Wood et du monde dangereux que la demeure semble ouvrir !

Si la première partie est auréolée de mystère et soulève de très nombreuses interrogations sur Alice et sa mère, la seconde partie du roman est beaucoup plus onirique, l’autrice proposant une mise en abyme d’un conte dans un conte. Cela donne une tout autre envergure au récit qui se pare d’une richesse folle. Ce changement de ton pourra néanmoins déstabiliser certains lecteurs, voire complètement les dérouter.

Pour ma part, j’ai adoré tomber dans une histoire à la Alice au pays des merveilles avec cette sensation de perdre le contrôle sur ce qui se passe et de me faire ballotter d’une scène à l’autre sans trop savoir à quoi m’attendre. Mais rassurez-vous, l’autrice ne nous perd jamais en cours de route puisque par un savant équilibre entre rêve, ou plutôt cauchemar, et réalité, elle veille à ce que chacun puisse suivre Alice dans ses multiples péripéties, la jeune fille devant affronter un certain nombre d’épreuves pour retrouver une personne qui lui est chère et sur laquelle nous faisons de surprenantes découvertes. J’ai d’ailleurs été assez surprise de la réaction de l’adolescente qui réagit assez bien à une révélation qui fait pourtant vaciller son monde.

Mais il faut dire qu’elle n’est plus à une surprise près, l’Hinterland où elle finit par être plongée étant le lieu de bien d’autres découvertes, notamment sur sa nature profonde. Je resterai volontairement évasive parce que ce qui fait tout le charme de ce roman, c’est le mystère dont il est auréolé. Je peux néanmoins vous assurer que si vous aussi, vous adorez les contes d’autrefois avec leur cruauté et leur bestialité, l’univers qui se déploie sous vos yeux va vous enchanter bien que le terme captiver serait peut-être plus adéquat, l’Hinterland n’ayant rien d’enchanteur…

En plus du côté conte dans un conte qui m’a complètement conquise, Hazel Wood s’est aussi l’histoire du jeune fille qui lutte contre elle-même, contre ses démons et qui refuse avec courage une vie qui n’est pas la sienne, une vie qu’on lui a imposée et dans laquelle on essaie de l’emprisonner. C’est donc tout autant une histoire fantastique que le voyage d’une adolescente sur le chemin de sa propre vérité et de cette vie qu’elle va essayer de prendre à bras-le-corps nonobstant les épreuves. Alice n’est pas toujours agréable, elle est rarement souriante, mais elle est forte, déterminée et prête à tout pour sauver sa famille, la seule qui n’ait jamais compté pour elle. Le genre d’héroïne courageuse et imparfaite qui devrait plaire aux adolescent(e)s, et que je trouve diablement inspirante !

En conclusion, captivant, riche et complexe, ce roman fut une très bonne lecture que je recommanderai à tous les amateurs de contes et à toutes les personnes appréciant de se laisser bercer par un imaginaire puissant et empreint d’un certain onirisme. Le livre se suffit à lui-même, mais j’ai été ravie de découvrir qu’une suite était parue récemment. J’attends donc avec impatience sa traduction curieuse de retrouver Alice que ce soit dans notre monde ou celui de l’Hinterland…

Photophobia, Tom Becker

Voici une chronique qui dormait dans mes brouillons depuis quelques mois : Photophobia de Tom Becker.

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Je vis sur les routes pour fuir le passé mystérieux de ma famille.
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À mon arrivée à West Academy, des reines de beauté sont sauvagement assassinées.
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Je partage les meurtres du Preneur d’Anges à travers des visions cauchemardesques.
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Je doute de tous ceux qui m’entourent, à commencer par moi-même.
SOURIEZ ! VOUS ÊTES ASSASSINÉ !

Éditions Milan (3 mai 2017) – 288 pages – Broché (14,90€) – Ebook (9,99€)
Traduction : Emmanuelle Pingault

AVIS

Après ma lecture de La maison des oubliés de Peter James plutôt intense, Photophobia s’est révélée plus « douce » dans le sens où je n’ai pas frissonné. Pour autant, ce thriller young adult se révèle efficace pour instaurer une ambiance glauque et malsaine dans cette ville huppée et cossue de Saffron Hills. Une ville où il fait bon d’être riche, beau et jeune. Du moins jusqu’à ce qu’un serial killer frappe et assassine de manière plutôt brutale les « stars » du lycée local. Vous savez ces beaux gosses et ces pimbêches nés avec une cuillère dans la bouche qui se pensent supérieurs et le font sentir aux autres. Cette folie meurtrière ravivera des blessures, la ville ayant déjà été le témoin de tragiques événements…

C’est dans cette ville malsaine embourbée dans ses silences que Darla et son père, Hopper, posent leurs valises après avoir fui de ville en ville poursuivis par les débiteurs du patriarche alcoolique et escroc notoire. Hopper semble prêt à faire un effort pour se libérer de ses démons et offrir une vie plus stable à sa fille. Énième promesse ou vrai nouveau départ ? Ce qui est certain, c’est que la fille et le père prennent, bon an mal an, leurs marques : Hopper trouve un travail dans un magasin de musique et Darla intègre le lycée. L’intégration est toutefois difficile parmi cette jeunesse pourrie gâtée obnubilée par les apparences et l’argent, mais Darla se lie d’amitié avec Frank et Sacha, une adolescente à la personnalité bien marquée…

Alors qu’elle tente de se faire à sa nouvelle vie, Darla a d’étranges et sanguinaires visions qui, pour son plus grand désarroi, se révèlent justes. J’aurais apprécié que l’auteur développe un peu plus cet aspect de l’histoire qui apporte une touche agréable de fantastique… Mais j’ai également apprécié qu’il choisisse plutôt de se focaliser sur l’enquête en elle-même et la psychose générée par ces meurtres qui ne sont pas le fruit du hasard, le tueur choisissant avec soin ses victimes. Il veut du beau, de l’esthétique, à l’image de ses proies obnubilées par leur image et la beauté. À une époque où les selfies sont devenus quasiment une obsession collective et où chaque instant de vie se doit d’être mis en scène et publié sur Instagram, la critique sous-jacente n’est pas dénuée d’intérêt !

Mais le charme du livre réside avant tout dans le suspense et la tension qui sont distillés page après page. Le démarrage est un peu long, l’auteur prenant le temps de poser le contexte familial particulier de Darla avec un père instable et une mère décédée, mais le rythme s’intensifie jusqu’à vous faire tourner les pages avec autant d’empressement que d’appréhension. Il faut dire que Darla, poussée par l’intrépide Sacha, ne reste pas sans rien faire devant les actes odieux du serial killer. Bien décidée à trouver ce meurtrier qui hante sa vie et peuple ses cauchemars, elle se lancera sur sa piste ce qui la mettra, bien évidemment, dans des situations dangereuses. Certains passages m’ont ainsi donné des sueurs froides !

L’auteur, comme dans tout bon thriller, essaie de semer le doute dans l’esprit des lecteurs en les mettant sur différentes pistes. Pour ma part, j’ai deviné l’identité du tueur très vite, mais je pense qu’un lecteur peu habitué aux romans à suspense ou des adolescents moins coutumiers des mécanismes mis en place dans ce genre d’histoires, se laisseront plus facilement bernés. Si j’avais deviné l’identité du tueur, il y a néanmoins une chose sur ce dernier que je n’avais pas anticipée…

Le roman faisant moins de 300 pages se lit très vite d’autant que la plume de Tom Becker est très fluide et qu’elle met en exergue avec réalisme et simplicité certains enjeux actuels comme cette course à l’image favorisée par les nouvelles technologies. La relation entre Darla et son père, faite de reproches et d’amour, est quant à elle touchante. Hopper est défaillant et il s’en rend compte, mais il essaie, petit à petit, et avec ses moyens de rattraper ses erreurs. Cela n’efface pas ses manquements en tant que père, mais l’auteur offre néanmoins un joli message d’espoir sur la capacité de chacun à changer. Et puis j’ai apprécié que l’auteur inclue la présence d’un parent, même défaillant, dans son histoire. Hopper laisse une grande marge de manœuvre à Darla, conscient qu’il n’est pas crédible dans le rôle du père strict et irréprochable, mais sa présence reste palpable dans la vie de sa fille.

En conclusion, Tom Becker nous propose ici un thriller young adult bien construit et particulièrement efficace pour susciter de nombreux doutes et une certaine angoisse chez les lecteurs. Non dénué de réflexions pertinentes sur des sujets comme l’obsession de la beauté et de l’apparence, ce roman devrait vous tenir en haleine et vous faire passer un moment de lecture des plus intenses !