Pièces détachées, Phoebe Morgan

Pièces détachées par [Phoebe Morgan, Daniele Momont]

Corinne, Londonienne de 34 ans, a déjà eu recours à trois FIV. Mais cette fois, elle en est sûre, c’est la bonne. Elle va tomber enceinte. Cette cheminée miniature en terre cuite, qu’elle découvre un matin sur le pas de sa porte, n’est-elle pas un signe du destin ?
Cette cheminée coiffait le toit de la maison de poupée que son père adoré – célèbre architecte décédé il y a bientôt un an – avait construite pour elle et sa sœur Ashley quand elles étaient enfants.
Bientôt, d’autres éléments de cette maison de poupée font leur apparition : une petite porte bleue sur le clavier de son ordinateur, un minuscule cheval à bascule sur son oreiller…
Corinne prend peur. Qui s’introduit chez elle ? Qui l’espionne ? La même personne qui passe des coups de téléphone anonymes à Ashley ? Y a-t-il encore quelqu’un en qui la jeune femme puisse avoir confiance

L’Archipel (18 juin 2020) -384 pages – Broché (21€) – Ebook (14,99€)
Traduction : Daniele Momont

AVIS

Encore très affectée par le décès de son père dont elle était très proche, Corinne doit également faire face à des difficultés pour devenir mère. Mais après une nouvelle FIV, elle en est persuadée, son plus grand rêve est sur le point de se réaliser. C’est donc avec le sourire et beaucoup de joie qu’elle accueille cette cheminée miniature trouvée sur le pas de sa porte et qui ressemble à celle de la maison de poupée de son enfance. Une maison fabriquée avec amour et un sens du détail impressionnant par son défunt père, un architecte de renom. L’enthousiasme des débuts devant ce signe du destin laisse toutefois place à l’angoisse quand la jeune femme commence à se sentir menacée par l’apparition soudaine et inexpliquée de nouvelles pièces de maison de poupée dans son appartement. 

Qui envoie ces pièces et pourquoi ? Appartiennent-elles vraiment à la maison de poupée d’enfance de Corinne et de sa sœur Ashley ou Corinne est-elle victime d’une imagination un peu trop riche ? Pourquoi sa mère fuit-elle les questions sur la maison de poupée et son époux décédé ? Et que cachent les absences et le comportement de plus en plus distant du mari d’Ashley ? Cela est-il lié aux appels anonymes et muets qu’Ashley reçoit et qui lui mettent les nerfs à vif ou cette dernière est également victime d’une personne aux intentions obscures ?

Quelques questions, parmi beaucoup d’autres, qui viendront hanter votre lecture en même temps que l’esprit de Corinne partagée entre l’envie de faire toute la lumière sur cette étrange et inquiétante histoire de pièces de maison de poupée et celle de devenir mère à tout prix.

Cette thématique de la maternité revêt d’ailleurs une certaine importance dans le roman que ce soit à travers le désir d’être mère et la difficulté de procréer ou la charge mentale écrasante qui repose sur les femmes. Ashley adore ses trois enfants, mais entre une adolescente qui semble en pleine crise, un bébé sujet aux terreurs nocturnes et un mari passant son temps à travailler, elle se sent dépassée par la situation. Sa seule bulle d’oxygène, un travail dans un café, seul endroit où elle n’est plus soumise aux impératifs domestiques…

J’ai apprécié ce parallèle entre les deux sœurs qui, d’une certaine manière, se coupent toutes les deux du monde : l’une en raison du désir viscéral d’être mère qui supplante tout et l’autre en raison d’une vie de famille dont le poids écrasant l’empêche de souffler. Elles pourront heureusement compter l’une sur l’autre, leur complicité ne faisant aucun doute. Mais cela sera-t-il suffisant devant l’aura de danger qui semble planer sur leur vie et qui, à mesure que l’on tourne les pages, nous prend à la gorge ? L’autrice a, en effet, un talent certain pour faire monter la tension crescendo et nous pousser à suspecter toutes les personnes qui gravitent autour des protagonistes.

Elle s’amuse également à jouer avec les nerfs de Corinne et d’Ashley qu’elle pousse dans leurs retranchements suscitant par là même une vive empathie de la part des lecteurs. Quand Ashley est pétrifiée à l’idée que son couple vole en éclats devant les sirènes de l’adultère, Corinne a, quant à elle, l’impression de devenir folle… Il faut dire que si son compagnon se montre d’un total soutien en ce qui concerne son désir d’enfant, partageant ses espoirs et ses peines, il se révèle bien plus sceptique en ce qui concerne son impression d’être épiée et menacée. Ce dernier m’a d’ailleurs passablement agacée par son refus obtus d’étudier avec impartialité les propos de sa compagne, considérant d’emblée que c’est son désir d’enfant et la mort de son père qui la poussent à voir des choses là où il n’y a que des hasards. Pour un journaliste, je ne l’ai pas trouvé très curieux… On ne pourra pas lui reprocher d’être victime de déformation professionnelle.

Ashley et Corinne adoraient leur père, mais pour Corinne, cela m’a semblé parfois être assez malsain, un peu comme si la jeune femme voyait en lui non pas seulement un père, mais une idole, un modèle de perfection. Il faut dire que l’homme semble avoir toujours veillé à briller et à être au centre de l’attention que ce soit dans sa vie personnelle et/ou professionnelle. Mais ce père adoré et adulé était-il vraiment aussi parfait que cela ? Une question que je laisserai volontairement en suspens… Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’on perçoit parfaitement l’aura de toute-puissance de ce personnage qui continue à avoir une certaine emprise sur la vie de sa famille, un peu comme si son ombre n’était jamais loin.

En parallèle de la vie des deux sœurs, on découvre, grâce à des flash-back, l’enfance difficile d’un personnage mystère aux côtés d’une mère maltraitante psychologiquement qui ne lui a jamais apporté ni amour ni stabilité émotionnelle. Une enfance passée à épier, à jalouser et à inventer une autre vie, une vie bien plus heureuse. De fil en aiguille, on en vient à faire le lien avec le reste du roman et à entrevoir les conséquences funestes que l’obsession malsaine d’une mère aura sur la vie de sa fille, une fille autant victime que bourreau. À cet égard, la fin m’a donné quelques frissons, l’autrice lui insufflant une bonne dose d’horreur (mais pas de gore) qui ne devrait pas manquer de comprimer votre poitrine si, comme moi, vous êtes entrés en empathie avec les personnages.

Bien que la narration m’ait semblé parfois manquer de liant, j’ai passé un très bon moment avec ce thriller qui alterne les phases de doute et d’angoisse avec des moments plus chaleureux, ce qui le rend aussi réaliste qu’effroyable. On se plonge sans réserve dans la vie d’Ashley et de Corinne, deux sœurs qui n’auraient jamais imaginé devoir faire face à l’indicible… Sortiront-elles indemnes de cette épreuve ?  Il vous faudra vous plonger dans cette lecture pour le découvrir, mais ce qui est certain, c’est que les amateurs de suspense, de secrets de famille et de thrillers psychologiques prenant le temps de faire monter la tension devraient trouver ici leur bonheur !

Découvrez un extrait du roman sur le site des éditions de l’Archipel que je remercie pour ce partenariat.

18 réflexions sur “Pièces détachées, Phoebe Morgan

  1. J’ai été beaucoup plus intéressée par la vie familiale d’Ashley qu’au soucis quotidiens de Corinne qui, elle, n’a pas réussi à m’intéresser. Le fait que personne ne veuille la croire et qu’ensuite la situation se renverse d’une manière qui m’a semblé bizarre et facile ne m’a pas vraiment aidé.

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