Prospérine Virgule-Point et la Phrase sans fin, Laure Dargelos #PLIB2022

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Dernier roman lu pour le PLIB 2022, Prospérine Virgule-Point et la Phrase sans fin de Laure Dargelos est sans contexte le roman le plus original des 5 finalistes !

À Demi-Mot, petite bourgade sans histoire reposant sur un manuscrit inachevé, les habitants polissent et réparent les lettres tout au long de l’année. Mais Prospérine Virgule-Point, qui ne fait jamais rien comme les autres, préfère bichonner ses Trompettes à pétales plutôt que de faire fleurir l’empire des points et des virgules. Tout bascule un beau matin lorsqu’elle découvre un corps à l’intérieur de sa boutique. Accompagnée d’Honoré, un citadin passablement exécrable, et de son frère, champion de plongée littéraire, Prospérine va devoir fouiller parmi les secrets les plus enfouis de la Capitale pour sauver Demi-Mot. Et si tout était lié à cette mystérieuse phrase sans fin laissée en suspens par l’Auteur ?

Rivka (30 avril 2021) – 342 pages – #ISBN9782957023745 

AVIS

Imaginatif à souhait, l’autrice semblant avoir une imagination sans frontière ni barrière, voici un cosy mystery comme je n’en avais jamais lu ! D’une plume pleine de panache et d’humour, Laure Dargelos a su créer et développer un monde qui tourne tout autour des mots, du langage, de la syntaxe, des livres et de la littérature. Un monde mis en valeur par les éditions Rivka qui ont fait un travail incroyable avec de belles illustrations et des jeux sur la typographie, rendant la forme indissociable du fond. C’est beau, vivant et diablement captivant !

Imaginez qu’à chaque fois qu’un auteur couche des mots sur le papier ou tape des phrases sur son clavier, un village se construit afin d’entretenir ce texte qu’il soit pur chef-d’œuvre, texte inachevé ou histoire sans prétention. C’est exactement l’idée que développe avec brio l’autrice dans ce roman, nous plongeant, entre autres, dans le village de Demi-Mot. Un village sans histoire qui entretient jour après jour Peines perdues, roman inachevé sur la fameuse phrase sans fin qui tient en haleine les habitants depuis des années… Que voulait dire Pauline à Hector, cet amant qu’elle ne cesse d’éconduire avant de lui proclamer son amour ? Les paris sont ouverts !

Mais plus que cette question, ce qui taraude Prospérine, fleuriste excentrique, c’est la mort de Tom W dont elle a découvert le corps dans sa boutique. Un décès inattendu traité de manière bien sommaire par les deux policiers en charge du dossier. Peu convaincue par leur conclusion, la jeune femme décide alors de mener sa propre enquête, d’autant qu’il se passe autre chose d’étrange à Demi-mot, comme l’effondrement de la lettre Z. Un effondrement qui sème la discorde et qui laisse craindre le pire pour l’avenir du village… Dans ses investigations, Prospérine pourra compter sur sa fidèle Trompette à pétales, son frère Ernest reconnu pour ses talents de « plongeur », et sur Honoré, un citadin rencontré depuis peu. Une fine équipe qui s’engage sur une voie dangereuse, bien plus dangereuse que les apparences ne le laissent présager.

Faux-semblants, mensonges, manipulation, inventions secrètes terriblement dangereuses, menace d’une arme de destruction massive, meurtres à coup de délettreur, complot de grande envergure… Le roman ne cesse de surprendre, de faire sourire par ses jeux de mots et ses dialogues qui font mouche, de captiver par toutes les possibilités qu’il nous fait miroiter, et de nous balloter sur une piste puis une autre, faisant naître en nous de multiples interrogations. De fil en aiguille, l’enquête se complexifie, devient de plus en plus dangereuse, et plonge nos protagonistes dans un océan de perplexité. Cela ne fera d’ailleurs que renforcer leur envie de découvrir la vérité, même si les doutes ne seront jamais loin, la situation prenant une tournure quelque peu dramatique. Les motivations varient d’un personnage à l’autre, mais même Honoré, embarqué dans l’aventure bien malgré lui, se prend au jeu.

Quoique jeu n’est pas vraiment le bon mot quand l’on considère les dessous d’une enquête qui a commencé à Demi-Mot, mais qui va prendre son envol à la Capitale où nos protagonistes affronteront bien des dangers. La vérité a un prix et ils ne vont pas avoir d’autre choix que de le payer ! À cet égard, si on reste dans un cosy mystery avec cette ambiance propre au genre, j’ai été surprise par la manière dont l’autrice n’hésite pas à multiplier les cadavres, M. A-N-O-N-Y-M-E., tueur à gages, ne faisant pas dans la dentelle et encore moins dans le sentimentalisme. Mais comme dans Prospérine Virgule-Point et la Phrase sans fin tout est inattendu, ses outils de travail changent de ceux du tueur à gage lambda !

C’est d’ailleurs la réelle force de ce roman, son côté ovni littéraire, Laure Dargelos proposant quelque chose d’absolument unique, qui ravira tous les lecteurs ayant parfois l’impression de lire souvent la même chose. Ici, tout est imaginatif, un brin loufoque, quelque peu excentrique et 100% original ! Cela explique à quel point j’ai aimé découvrir cet univers où des villages sont bâtis sur des livres, et dans lequel les plantes sont animées et ont, pour certaines, un sacré caractère en plus d’être gloutonnes. Même le nom de certains personnages se révèle savoureux à souhait ! Je pense notamment aux membres d’un trio qui s’oppose au pouvoir en place avec courage et détermination, apportant un vent de révolte plus que salutaire. Le charme du roman réside également dans toute cette aura de mystère qui l’entoure, et ces choses que l’on sait impossibles dans notre réalité, mais qui nous font pourtant rêver.

À titre d’exemple, j’adorerais pouvoir, comme le frère de Prospérine, plonger littéralement au coeur des livres, les vivre de l’intérieur, et en découvrir les secrets. Bien que ce ne soit pas mon personnage préféré, sa sœur occupant cette place dans mon coeur, Ernest possède ce quelque chose qui le rend attachant et particulier. De son talent de plongeur à sa manière de parler comme le dictionnaire qu’il a avalé plus jeune, tout en lui donne envie d’apprendre à mieux le connaître malgré son côté solitaire, qui le pousse souvent à agir en parallèle de Prospérine et d’Honoré. Un duo qui, contre toute attente, fonctionne d’ailleurs à merveille, et nous offre des échanges pétillants emplis d’humour et de mordant.

Prospérine est une excentrique, une originale qui voit le monde en couleurs et en fleurs ; une personnalité avenante et libre d’esprit que j’ai tout simplement adorée ! Elle refuse tout conformisme, tout en étant viscéralement attachée à son village, à Peines perdues et à sa famille. Elle semble également posséder un réel sens de la justice, au grand dam d’Honoré qui va en subir les conséquences. D’abord hautain et imbus de lui-même, notre personnage incarnant l’image du Parisien dans toute sa splendeur, ce dernier évoluera au contact de Prospérine, qui va insuffler à sa vie cet élan d’excentricité et d’imprévu qui lui manquait.

Intelligent, perspicace, et bien moins égoïste que ce qu’il veut faire croire, Honoré nous prouvera qu’il sait aussi bien jouer le rôle de suiveur récalcitrant et prudent, que celui de meneur prêt à se sacrifier. Il prendra ainsi des risques pour Prospérine, son frère, et Demi-Mot, ce village qu’il prétend pourtant détester de tout son coeur. Plus complexe qu’au premier abord, Honoré est un personnage que j’ai appris à apprécier, d’autant qu’il nouera avec Prospérine une belle complicité. L’autrice a su trouver un parfait équilibre entre ces deux personnages complémentaires qui semblaient faits pour se rencontrer, et avancer ensemble sur la piste de la vérité, aussi terrible soit-elle…

Un monde à l’intérieur des livres, une enquête auréolée de mystère, des rebondissements, des dangers bien réels aux contours parfois flous, un complot, un personnage capable de plonger littéralement au coeur des textes, des lettres qui tombent, prennent vie ou disparaissent… L’autrice a réussi le tour de force de proposer un cosy mystery qui joue à merveille sur les codes du genre, tout en s’en détachant grâce à un imaginaire riche, original et complètement loufoque qui offre un sentiment de liberté incroyable aux lecteurs. En se plongeant dans Prospérine Virgule-Point et la Phrase sans fin, on a le sentiment que tout est possible et bien plus encore ! Un roman parfait pour les amoureux des mots, des lettres, et de la littérature sous toutes ses formes, mais aussi pour ceux souhaitant une enquête complexe dans un univers unique, inoubliable et inimitable.

71 réflexions sur “Prospérine Virgule-Point et la Phrase sans fin, Laure Dargelos #PLIB2022

  1. Évidemment, je ne connaissais pas ce livre jusqu’à maintenant, mais ta description me rappelle fortement deux choses que j’adore, un livre et une nouvelle.

    Le livre, c’est « The Phantom Tollbooth » par Norton Juster, littéralement « La poste de péage fantôme », mais jamais traduit, je crois. Dans ce livre, un garçon visite deux royaumes où les cours de grammaire et de maths deviennent la réalité plutôt que des idées. On peut, par exemple, faire son propre dîner en le décrivant plutôt que le cuisinant. C’est un livre pour les collégiens, alors pas trop difficile.

    La nouvelle est en espagnol, « El último viaje del buque fantasma » par Gabriel Garcia Marquez. C’est dans un livre traduit en français sous le nom « L’incroyable et triste histoire de candide Erendira et de sa grand-mère diabolique », mais je n’arrive pas à trouver le nom exact. J’imagine que ce serait intitulé « Dernier voyage du paquebot fantôme » ou similaire. De toute façon, en sa version espagnole, il s’agit d’une nouvelle de quatre pages en une seule phrase. En plus, ça marche !

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  2. Un article vibrant de passion, détaillé, argumenté pour une intrigue des plus originales et certainement captivante pour les lettreux dont je pense être… De ce fait je m’interroge sur son adaptation au cinéma… Ce serait totalement farfelu et innovant.

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  3. Ton avis positif est parfaitement transmis ! C’est un titre que j’ai croisé en bibliothèque et qui me donne envie depuis, d’autant que l’objet-livre attire de suite l’oeil par son bel habillage.

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  4. Tu donnes diablement envie !
    Du mystère, de l’humour, des jeux de mots, l’amour de la littérature, ça me rappelle en plus léger L’affaire Jane Eyre que j’ai lu et adoré récemment.
    J’avais lu pas mal d’avis mitigés et je n’avais pas cerné le charme et la dimension cosy mystery de l’œuvre comme chez toi
    Bref, il me le faut !

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    • Ravie de t’avoir donné diablement envie, en espérant que le roman te séduise autant que moi 🙂 L’amour de la littérature et des mots transparaît page après page. Un pur régal ! Quant à L’affaire Jane Eyre, d’après ton commentaire, ça devrait me plaire…

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  5. Et bien quelle édifiante et merveilleuse chronique qui me donne plus qu’envie d’enfin sauter le pas et de découvrir ce chef d’œuvre aussi atypique dans son fond que dans sa forme. Surtout que le côté cosy mystery ne peut que me plaire.

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  6. Je reconnais que le cadre est assez génial, l’écriture inventive, et le lien entre le mot et sa représentation vraiment bien trouvée, surtout dans l’univers livresque. il y a une jolie mise en abîme !
    En revanche, Prospérine. C’est comme Anne de Green Gables. Elle m’insupporte ^^ Moins emballée par les personnages donc, ainsi que l’intrigue que j’ai trouvée relativement convenue.

    Cela dit, ça a été une bonne surprise. A titre personnel, je regrette juste la réédition avec la nouvelle couverture. Mais ce n’est qu’un détail.

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  7. J’aime déjà beaucoup ce livre et son univers décalé rien qu’en te lisant ! Particulièrement la manière dont l’auteure joue avec les mots et les idées comme « M. A-N-O-N-Y-M-E. » ou encore « La Capitale ». Merci Audrey pour cette belle chronique, et pour cette découverte surprenante. 😁

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  8. Je n’ai pas lu ta chronique avec attention car le livre est dans ma PAL. Je l’avais commencé en avril, mais ma vie personnelle ayant été chamboulée à ce moment je n’ai pas poursuivi ma lecture. J’aimerais la reprendre un jour car elle me tentait beaucoup.

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  9. Je suis sous le charme de ta chronique. J’ai entrevu rapidement des avis au sujet de ce roman lors de sa sortie, et j’avoue avoir été intriguée ne serait-ce que par le titre. Ta chronique m’aide à y voir plus clair et me rend d’autant plus curieuse. Le fait qu’il se présente un peu comme un cozy mystery, même orienté jeunesse, n’est pas pour me déplaire et je pense moi aussi faire un petit tour du côté de Demi-Mot pour résoudre ce mystère.

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    • On va dire qu’avec le vote pour le finaliste du PLIB qui approche, le roman est automatiquement très présent sur la blog et les réseaux… Mais peut-être que fois la vague retombée, l’envie reviendra car ce serait dommage de passer à côté de son originalité 🙂

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  16. Je ne peux pas m’empêcher de penser à Thursday Next en lisant ton ressenti, pour le côté littéraire et déjanté. Je pense que l’histoire de Prospérine me plaira énormément, merci pour la découverte ^^

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