L’accompagnateur, Sebastian Fitzek

Couverture L'accompagnateur de Sebastian Fitzek

Je remercie les édition de l’Archipel de m’avoir envoyé L’accompagnateur de Sebastian Fitzek en échange de mon avis.

À Berlin, peu après 22 heures, Jules est au standard d’un service d’accompagnement dédié aux femmes en danger.
Son premier appel est celui de Klara, terrorisée à l’idée d’être suivie par un psychopathe. Un homme qui a peint en lettres de sang la date de sa mort dans sa propre chambre à coucher. Et ce jour se lèvera dans deux heures !
Oppressant, troublant, angoissant… L’un des romans les plus maîtrisés du numéro 1 allemand du thriller, qui une fois de plus, à l’image de ses personnages pervers, joue avec nos nerfs en virtuose.

L’Archipel (10 mars 2022) – 359 pages – Broché (22€)

AVIS

Ayant apprécié Le cadeau, j’étais curieuse de découvrir un autre roman de l’auteur et je dois dire que j’en ressors avec la même impression : un thriller efficace rondement mené qui tient en haleine et qui apporte son lot de frissons, mais qui manque quelque peu de subtilité…

Mais cela ne m’a pas empêchée d’apprécier ce roman qui fait son travail et qui le fait bien ! Dès les premières pages, la tension s’installe pour ne jamais repartir, elle aurait même tendance à monter crescendo jusqu’à susciter chez le lecteur une angoisse qui le prend à la gorge. Angoisse qui passe par l’empathie que l’on développe pour des personnages dont le destin va être lié par un simple appel. Ainsi, en appelant par erreur le numéro d’un service d’accompagnement, Klara va sceller son sort à celui de son interlocuteur, Jules, qui a accepté de remplacer son meilleur ami le temps d’une soirée… Une bonne action lourde de conséquences !

Fort de son expérience au standard des pompiers et de son empathie naturelle très développée, Jules fait de son mieux pour rassurer Klara, complètement terrorisée. Persuadée d’être la cible du Tueur au calendrier, Klara lui raconte son histoire, sa vie de femme battue et humiliée, et la manière dont l’étincelle de bonheur à laquelle elle pensait pouvoir se raccrocher est devenue son pire cauchemar. Elle voulait oublier son monstre de mari dans les bras d’un doux et gentil homme, elle est tombée sur un monstre d’un tout autre acabit. Un tueur qui lui laisse le choix : soit elle tue son bourreau de mari avant le délai imparti, soit il la tue dans d’atroces souffrances. 

S’engage alors une course contre la montre pour la vie, car si Klara semble prête à abandonner la partie, Jules semble prêt à tout pour la sauver des monstres qui la hantent, voire d’elle-même. Après tout, Klara doit aussi penser à sa fille… Alternant entre les deux personnages et différentes temporalités rapprochées, l’auteur nous fait entrer avec force dans ce récit où les blessures des personnages entrent étrangement en résonance. Ils n’ont pas vécu les mêmes drames, mais ils développent, au fil des pages, un lien symbolisé par ce coup de téléphone qui les relie de manière invisible. Jules fera d’ailleurs de son mieux pour garder Klara au téléphone et ainsi éviter qu’elle renonce. Ses tentatives de toujours relancer la communication, et de ne pas rompre les échanges, ajoutent un point de tension supplémentaire plutôt efficace.

Plus on avance dans le récit, plus on se sent oppressé et impuissant devant les événements : Klara se fait violenter et Jules redoute qu’un individu soit entré chez lui, les indices s’accumulant. Avec prudence et non sans angoisse, il explore son appartement à sa recherche, inquiet de ce que ce dernier pourrait faire à sa fille malade. Une petite fille encore très affectée par le drame qui a touché sa mère et son petit frère… Si la situation de Klara m’a révoltée au plus profond de moi, c’est celle de Jules qui m’a réellement angoissée, car elle se révèle plus plausible et réaliste. J’ai imaginé sans peine être chez moi et avoir la sensation dérangeante que quelqu’un s’y était subrepticement introduit. Je peux vous dire que je ne suis pas allée me coucher l’esprit tranquille. Cela m’apprendra à lire des thrillers en soirée !

Jouant avec nos nerfs, Sebastian Fitzek nous fait douter de tout, de certains faits, mais surtout des personnages, dévoilant sur chacun certaines vérités et failles, et glissant par-ci, par-là, des phrases qui nous poussent à nous poser des questions. À cet égard, la fin, que j’étais très loin d’avoir anticipée, m’a permis de comprendre certains propos que j’avais trouvés complètement décalés et dérangeants par rapport au contexte. Sur ce point, l’auteur a su faire montre de finesse dans la mesure où il dénonce par l’exemple une tendance sociétale qui me dégoûte profondément.

D’ailleurs, en plus de plonger les lecteurs dans une sorte de bulle, où le danger vient autant de l’intérieur que de l’extérieur, L’accompagnateur évoque un panel large de thèmes, le premier étant celui des violences faites aux femmes. Klara est constamment humiliée, battue, violée et maltraitée psychologiquement par son mari qui l’oblige à participer à des jeux pervers et filmés en compagnie d’autres hommes. Des jeux qui, l’un après l’autre, meurtrissent le corps et l’âme de Klara. Sa situation, bien qu’extrême, l’auteur allant loin dans l’enchaînement des violences physiques, ne pourra que vous révolter et vous toucher, car des Klara, il en existe énormément. Des femmes qui sont broyées par la vie maritale et démunies face à une justice et une société qui font porter le poids des responsabilités aux victimes. Une victime de violence domestique n’est jamais coupable, et il est bien facile de l’accuser de ne pas vouloir s’en sortir quand tout est fait pour qu’elle n’y arrive jamais…

Cette thématique étant centrale, le roman ne s’adressera pas forcément à tout le monde, ayant moi-même eu parfois du mal devant ce déchaînement de violence. Le fait qu’il y en ait beaucoup, trop pour être réaliste et, comme le dit l’auteur lui-même tant mieux, m’a néanmoins permis de prendre une distance salutaire. Occultant le drame, je me suis laissée porter par le suspense qui est lui maîtrisé d’une main de maître. Il m’arrive souvent de deviner la fin d’un thriller, ou au moins certaines révélations. Ici, que nenni ! Je n’avais pas du tout anticipé où l’esprit tortueux de l’auteur allait nous emmener.

Sans trop vous en dévoiler, je peux vous dire que si le voyage est intense et angoissant, la destination est quant à elle glaçante. On retombe encore et toujours sur une idée qui explique à elle seule pourquoi on a du mal à avancer sur une question sociétale pourtant d’importance… Et rien que pour cela, j’aurais envie de vous conseiller la lecture de ce roman qui se lit extrêmement rapidement, l’auteur ayant le talent pour offrir des histoires cinématographiques. Tout au long de ma lecture, j’ai eu les mêmes sensations que devant le film The Guilty avec Jake Gyllenhaal, bien que les histoires soient très différentes.

En conclusion, Sebastian Fitzek, d’une plume redoutable d’efficacité et de machiavélisme, nous plonge en plein enfer, dans celui vécu par Klara, proie d’un célèbre tueur en série, et Jules, un accompagnateur qui, en prenant l’appel de Klara, va vivre la soirée la plus angoissante de sa vie. Violences domestiques, humiliation, torture, instabilité émotionnelle… De page en page, l’atmosphère s’alourdit créant une bulle d’angoisse dans laquelle la tension monte crescendo, et la volonté de découvrir la vérité pour s’en libérer devient presque suffocante. Une vérité qui tombe comme un couperet, offrant une conclusion magistrale à une intrigue entraînant les lecteurs dans les recoins les plus tortueux de l’âme humaine. Quand le mal pervertit le bien, un choix s’impose : fuir ou lutter ! Mais n’oubliez pas, les monstres peuvent avoir bien des visages et des motivations…

35 réflexions sur “L’accompagnateur, Sebastian Fitzek

  1. Et bien on peut dire que ce thriller a eu un effet garantie sur toit ! Ce n’est pas mon genre favori même si j’apprécie les sensations qui peuvent découler de ces lectures, surtout avec Bernard Minier ou encore Nicolas Beuglet qui restent mes auteurs phares !

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  2. En effet, une bonne action qui va changer le cours des choses pour Jules apparemment ! Le choix qui s’offre à Klara est vraiment horrible, elle qui ne cherchait surement que du réconfort se retrouve dans un dilemme des plus cruels..
    Tu sembles avoir passé un moment fort avec ce thriller. En tout cas, ta chronique donne envie (même malgré la violence dont il semble faire preuve). Merci pour cette idée 🙂

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  5. Je reviens d’une semaine en Bourgogne où j’ai pas mal lu et je passe voir quelles sont tes lectures. Fitzek, je le lis. J’aime bien. Je lirai donc un jour celui-ci. Je suis en train de lire un pavé de près de 1000 pages, ça ne m’était jamais arrivé. J’y retourne d’ailleurs…
    Bonne semaine.

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