Le cadeau, Sebastian Fitzek

Le cadeau par Fitzek

Il est des cadeaux qu’on préférerait ne jamais recevoir…

Arrêté à un feu à Berlin, Milan Berg aperçoit sur le siège arrière d’une voiture une ado terrorisée qui plaque une feuille de papier contre la vitre. Un appel au secours ? Milan ne peut en être certain : il est analphabète. Mais il sent que la jeune fille est en danger de mort.

Lorsqu’il décide de partir à sa recherche, une odyssée terrifiante commence pour lui. Accompagné d’Andra, sa petite amie, Milan est contraint de retourner sur l’île de son enfance. Là, il va découvrir des pans entiers de son passé qu’il avait oubliés…

Une cruelle prise de conscience s’impose alors : la vérité est parfois trop horrible pour qu’on puisse continuer à vivre avec elle – et l’ignorance est souvent le plus beau des cadeaux…

Comme à son habitude, Sebastian Fitzek a imaginé un scénario diabolique qui manipule le lecteur pour son plus grand plaisir.

L’Archipel (4 mars 2021) – 350 pages – Broché (22€) – Ebook (15,99€)

AVIS

Sebastian Fitzek est un auteur dont j’ai entendu beaucoup de bien. J’étais donc impatiente de le découvrir à travers son dernier roman, Le cadeau. Un titre qui ne manque pas d’ironie si l’on considère le piège infernal dans lequel va tomber Milan, un personnage souffrant d’une forme lourde d’analphabétisme : l’alexie totale.

Incapable de lire et d’écrire et ne voyant dans les lettres que des formes indéchiffrables, il a dû développer, au fil des ans, des stratégies de compensation et d’évitement pour faire face à la plupart des situations du quotidien. Son incapacité à lire ne l’a ainsi pas empêché de trouver un travail de serveur et de nouer une relation amoureuse avec sa collègue, Andra. Ce métier alimentaire ne lui permet néanmoins pas de valoriser ses talents, Milan étant un petit prodige des chiffres doté d’une mémoire photographique et d’une grande intelligence. Des qualités qui lui seront fort utiles quand il va se lancer sur la piste d’une jeune fille qu’il soupçonne d’avoir été kidnappée.

Une bonne action aussi héroïque que malencontreuse puisque de fil en aiguille, cette affaire de kidnapping va se complexifier et pousser Milan dans ses retranchements. Plus il tente de retrouver Zoé et de la sauver d’un triste sort, plus le brouillard autour de son enlèvement s’opacifie et le plonge dans un océan de doutes et de perplexité, d’autant que tout semble être lié à son passé ! Alors que certains auraient probablement appelé la police pour démêler cette affaire, Milan semble lui-même s’enfermer dans un piège qui prend de plus en plus des allures de jeu malsain duquel il n’a que peu d’espoir de sortir indemne. Devant la cruauté dont fait preuve le ravisseur de Zoé, Milan lui-même commence à changer et à dévoiler une part assez sombre de son être…

Et c’est l’un des atouts du roman, la manière dont l’auteur joue sur le côté limite de son personnage dont les méthodes se confondent bien souvent avec ceux des méchants. Il n’hésite pas à cogner et à menacer, s’enfonçant de plus en plus dans les ténèbres. Dépassé par la situation, il sera heureusement écouté et soutenu par sa compagne et collègue, Andra. Toutefois, dans ce roman, personne ne semble jouer franc-jeu ! Assez vite, on se pose des questions sur cette femme et ses mensonges qu’ils soient directs ou par omission. Peut-on totalement lui faire confiance ou la manière dont elle a pris Milan sous son aile malgré une première rencontre fracassante, cache-t-elle quelque chose ?

L’auteur joue indéniablement avec nos nerfs, nous poussant à nous méfier de tout et de tout le monde, de la victime qu’est finalement Milan aux personnes de son entourage, parfois très très proche. Ce sentiment de suspicion qui ne fait que s’intensifier introduit énormément de tension, de mystère et de suspense ! Il est quasiment impossible de ne pas enchaîner les chapitres, d’autant que courts et rythmés, ils offrent une alternance de points de vue et de temporalité intéressante. Si le présent est passionnant, notamment par l’enchevêtrement d’événements dans lequel il nous plonge, j’ai adoré creuser le passé de Milan. Au gré de son enquête et des révélations qui lui sont faites, il tente de faire la lumière sur tous les souvenirs qui semblent lui échapper depuis un terrible incident ayant coûté la vie à sa mère. Mais est-il vraiment prudent de réveiller le passé ? L’ignorance n’est-elle pas parfois le plus beau des cadeaux ?

Sans entrer dans les détails, je peux vous dire que l’auteur vous réserve du grandiose, tout en abordant une thématique qui me passionne : l’inné et l’acquis. Existe-t-il un gêne de la méchanceté et de la malveillance ? Certaines personnes sont-elles mauvaises par essence ou possédons-nous tous un potentiel de destruction qui s’exprime ou non en fonction de notre éducation et de notre environnement ? Le regard que l’on porte sur quelqu’un, non pas en fonction de ce qu’il est, mais de nos croyances, ne risque-t-il pas à terme d’influencer négativement sa vie ? Ce sont des exemples, parmi d’autres, des questions passionnantes que soulève ce roman qui ne cherche néanmoins jamais à imposer certaines vérités. La fin en est bien une, mais elle n’apporte pas une réponse claire et définitive à cette question de l’inné et de l’acquis qui continue à diviser les foules et susciter des débats enflammés.

Si j’avais anticipé certaines révélations, dont l’une assez rapidement, je me suis laissée complètement surprendre par le twist final, qui prouve qu’il faut parfois se méfier de nos propres déductions. L’auteur réussit à nous mener là où il le voulait sans jamais éveiller nos doutes. Peut-être parce qu’il y a quelque chose de terriblement machiavélique derrière la raison de toute cette histoire qui n’est pas à conseiller aux âmes sensibles, certains passages se révélant assez durs. Je pense, entre autres au prologue qui m’a horrifiée ou à une scène avec une agrafeuse. Mais heureusement, l’auteur n’abuse pas des scènes de torture, préférant nous plonger dans l’angoisse et l’horreur grâce à un travail sur la psychologie torturée de ses personnages et sur le mystère omniprésent et entêtant.

J’ai néanmoins regretté un certain manque de profondeur concernant l’un des protagonistes, ce qui rend ses actions peu crédibles, sauf à considérer qu’il souffre d’une pathologie autre que la malveillance pure ! Mais ce qui m’a empêchée d’avoir un coup de cœur pour ce roman pourtant captivant, c’est cette impression d’être dans un blockbuster ou un thriller à l’américaine. L’enchevêtrement des événements, bien que diablement efficace, manque quelque peu de subtilité, voire en certaines occasions, de réalisme. Alors, j’aurais peut-être préféré que l’on occulte parfois le côté grand spectacle pour prendre le temps de se poser et de creuser certaines scènes, réactions et actions… Cela aurait permis d’ancrer le roman un peu plus dans la réalité, d’en faire ressortir toute l’horreur et d’en souligner la profondeur, l’auteur évoquant des thématiques importantes et sous-représentées en littérature.

En conclusion, Le cadeau est un peu le thriller des mauvaises décisions que l’on prend pour de bonnes raisons, mais c’est surtout un roman haletant qui vous plonge avec brio dans un jeu malsain entre présent et passé dont personne n’est certain de sortir complètement indemne. Sombre, rythmée, palpitante et auréolée d’une bonne dose de mystère et de nombreux secrets, cette histoire vous poussera dans vos retranchements, avant de vous faire réaliser que l’ignorance est parfois autant un fardeau qu’un cadeau.

Merci aux éditions de l’Archipel de m’avoir envoyé ce roman en échange me mon avis.

38 réflexions sur “Le cadeau, Sebastian Fitzek

  1. J’avoue : j’ai lu l’article en diagonale… Je me suis contentée de regarder si tu avais globalement aimé ou non… Étant donné que tu es conquise et que tu relèves un rythme haletant, (et que j’adore Fitzek), ben je note et espère bientôt l’acquérir pour le lire ! Je te reviendrai et lirai enfin ta chronique à ce moment-là. ❤

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  2. Ce roman a l’air génial ! Rien que le résumé m’a tout de suite plu, la condition du personnage central m’intrigue beaucoup, et je n’ai encore jamais de livre de cet auteur (pourtant j’en ai déjà repéré). Je sais par lequel commencé maintenant si je me lance dans les histoires de Fitzek, merci pour cette découverte ! (Décidemment, ma liste de souhait s’agrandit à vue d’œil en même temps que tes chroniques 😇)

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  3. J’avais été très déçue par son dernier, justement parce que je trouvais que ça manquait trop de réalisme, et le personnage ne m’avait pas été sympathique. Du coup j’ai pas encore passé le pas de lire celui-là !

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