L’empire des femmes, tome 1 : Sapientia, Cassandre Lambert #PLIB2023

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L’empire des femmes, tome 1 : Sapientia de Cassandre Lambert fait partie des 5 finalistes du PLIB 2023 que je dois lire en tant que membre du jury. 

À Sapientia, les règles sont claires : les femmes dirigent et les hommes servent.
Le grand tournoi annuel de gladiateurs approche. Toutes les jeunes filles attendent l’événement avec impatience. Toutes, sauf Adona, que l’enjeu terrifie : il faut y choisir son favori…Dans les geôles de l’arène, les hommes n’ont qu’une idée en tête : survivre à l’épreuve. Mais pour Elios, survivre n’est que le début d’une mission bien plus ambitieuse… Pour chacun, un long combat commence !

Didier Jeunesse (21 septembre 2022) – 352 pages – 18,90€
Couverture : Germain Barthélémy – #ISBN9782278120901

AVIS

Ce roman ne faisait pas partie de mes 5 finalistes pour le PLIB 2023, mais le résumé m’intriguait. Une curiosité récompensée par une lecture prenante que j’ai dévorée, happée par le style simple mais prenant de Cassandre Lambert, et une intrigue mouvementée non dénuée de réflexions intéressantes et pertinentes.

L’autrice nous plonge rapidement dans un univers dystopique qui renverse les codes non pas pour nous proposer un régime égalitaire, mais un monde impitoyable dans lequel les femmes dominent et les hommes obéissent. Et c’est un euphémisme puisqu’ils sont tenus en esclavage ! Condamnés à se soumettre et, pour les plus « chanceux », à servir de géniteur avant de pouvoir espérer des conditions de vie un peu plus favorables, les hommes n’ont guère une vie enviable. Même le frère jumeau de notre héroïne, et donc fils de la plus puissante des femmes de Sapientia, est molesté et complètement ignoré par son illustre mère. Si j’ai regretté que ce personnage reste finalement peu exploité, il m’a fait beaucoup de peine, l’indifférence de sa mère à son égard étant encore pire que les coups.

C’est parce qu’Adona est très proche de ce frère, qu’elle ne peut pas voir autant qu’elle aimerait, qu’elle se révèle bien moins indifférente que les autres femmes devant le sort réservé aux hommes. Sans s’opposer franchement aux traditions barbares de ses ancêtres, elle se pose des questions et aimerait que les choses soient différentes. Une volonté qui s’affirmera et se confirmera au contact d’Elios et de son grand ami Nikos. Deux jeunes hommes en provenance d’une île où sont parqués les hommes, bébés mâles inclus, les mères ne souhaitant pas s’encombrer de cette inutile et encombrante descendance masculine…

Sélectionnés pour participer au tournoi de la Procréation, Elios et Nikos sont officiellement là pour avoir le grand honneur de devenir des géniteurs, mais leur réel objectif est tout autre. Déjouant les dangers, que ce soient ceux représentés par les autres candidats ou l’homme le plus important de Sapientia, ils vont devoir jouer une comédie dans laquelle l’un d’entre eux risque de se perdre. Mais leur mission doit passer avant tout, les enjeux étant bien plus importants qu’une amitié de toujours ou une complicité naissante !

Une fois prise dans la lecture, il m’a été difficile de quitter les personnages, l’autrice plaçant Elios et son acolyte dans des situations périlleuses et révoltantes. Il y a ainsi des scènes particulièrement difficiles, notamment quand sera venu le temps, après des entraînements exigeants, de se battre, ou plutôt de s’entretuer. Reprenant la tradition barbare des combats dans les arènes, l’autrice nous plonge ainsi dans l’horreur à l’état pur. On tremble devant le sort réservé aux combattants, tout en se demandant ce qui est le pire :  les voir se battre à mort pour survivre ou voir toutes ces femmes, se pensant civilisées, profiter du spectacle ?

Chacun se fera sa propre opinion, mais ce qui est certain, c’est que les événements appellent à la révolte toute personne avec un minium de compassion et de sens de la justice. Pour ma part, j’ai trouvé intéressant que Cassandre Lambert nous propose une société matriarcale extrême mais qui reprend quand même certains poncifs du patriarcat. En inversant les rôles, elle permet à tout le monde de voir l’injustice d’un monde où un groupe domine sous prétexte de la supposée supériorité de son genre. Pour ce faire, elle s’appuie sur une intrigue bien ficelée et des extraits de citations détournées, certaines réelles, d’autres de son invention, pour introduire les chapitres. Un procédé qui apporte un supplément d’authenticité rendant la lecture d’autant plus immersive.

J’ai, en outre, apprécié la manière dont l’autrice utilise avec intelligence les doutes d’Adonia vis-à-vis d’une maternité qu’on lui a toujours présentée comme une obligation, alors qu’elle est loin d’être certaine de vouloir un enfant. Elle nous permet ainsi de réaliser que ce matriarcat, tellement injuste pour les hommes, dessert aussi les femmes en les emprisonnant dans un rôle qui ne leur convient pas forcément… Une réalité qui a accentué mon empathie et affection pour Adonia qui, malgré une éducation stricte et encadrée, fait montre d’une réelle capacité de réflexion. Alors certes, ses idées sont encore (trop) timorées vis-à-vis de la liberté à accorder aux hommes, mais difficile de se défaire d’un coup de baguette magique de principes qu’on vous a présentés comme des vérités absolues depuis votre plus tendre enfance…

J’ai trouvé la jeune fille touchante, notamment dans sa relation avec son frère, et ai ressenti de la peine pour elle qui souffre terriblement des exigences de sa mère. J’ai néanmoins été encore plus touchée par Elios et de Nikos et leur condition d’esclave, même si j’aurais souhaité que leur personnalité soit un peu plus développée. Cela ne m’a pas empêchée d’adorer la gouaille et le côté trublion de Nikos qui apporte une légèreté bienvenue. La relation fraternelle entre les deux amis se révèle très émouvante, et leur permettra d’avancer malgré le sang, la haine gratuite, les vengeances mesquines, la violence omniprésente, la brutalité sans concession…

J’ai mis un petit peu plus de temps à m’attacher à Elios, qui est plus sérieux et sur la réserve, mais j’ai aimé son évolution et sa capacité à prendre du recul sans perdre de vue son objectif. J’ai également apprécié ses échanges avec une personne dont la condition est bien différente de la sienne. Cela aurait pu être dérangeant, mais l’autrice les amène avec assez d’intelligence pour en faire un point d’ancrage en vue d’une potentielle prise de conscience plus vaste… Cela lui permet également de nous laisser sur une fin appelant à lire très vite la suite !

Entre injustice d’une société matriarcale oppressive et totalitaire, violences physiques et morales, mensonges, révolte imprimée dans le sang et esprit de rébellion, L’empire des femmes est un premier tome mouvementé et prenant porté par une plume fluide, entraînante et immersive. Cassandre Lambert nous prouve ici que les livres YA peuvent aussi porter des messages forts, notamment sur l’importance de l’égalité et de la justice sans prendre de gants, tout en veillant à faire de la violence et de l’esprit de domination des plaies à combattre et non des objectifs à atteindre.

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60 réflexions sur “L’empire des femmes, tome 1 : Sapientia, Cassandre Lambert #PLIB2023

  1. C’est toujours formidable d’être agréablement surprise par un roman qui ne suscitait pas d’attentes particulières. J’aime le concept du patriarcat renversé, une très bonne idée à condition d’être bien traitée, ce qui semble être le cas ici !

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  2. Le livre a l’air hyper intéressant. Et j’aime bien l’idée d’une société en miroir dans laquelle les codes du patriarcat sont inversés pour voir ce que donnerait un monde dirigé par les femmes. ça peut faire réfléchir même si comme tu le soulignes il y a l’air d’y avoir aussi pas mal de violence. Je me le note pour plus tard !

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    • La violence est parfois difficile mais symptomatique d’une société qui va mal… car dans un sens ou dans l’autre, la domination d’un genre ne peut qu’être délétère. Je trouve que l’autrice le montre avec force 🙂 J’espère que le roman te plaira 🙂

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  3. Eh bien, pour être extrême, elle a l’air extrême cette société matriarcale. Ca doit être révoltant a bien des égards. C’est super intéressant d’avoir mis en avant les défauts d’un tel système avec les deux points de vue, aussi bien des femmes et des hommes. Et d’avoir aussi intégré le devoir de maternité dans son intrigue. Merci pour cette découverte intéressante Audrey. 🙂

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