Délivre-nous du mal, Chrystel Duchamp

 

Couverture Délivre-nous du mal de Chrystel Duchamp

Délivre-nous du mal de Chrystel Duchamp

Février 2018. Anaïs sollicite l’aide de son ami Thomas Missot, commandant à la PJ de Lyon. Pour elle, pas de doute, sa soeur Esther a été enlevée. Pourquoi aurait-elle, sinon, laissé derrière elle ses clés de voiture, ses papiers et son téléphone portable ?
Les mois passent et, tandis que l’enquête s’enlise, d’autres jeunes femmes se volatilisent. Jusqu’à ce qu’un corps soit retrouvé pendu dans une usine désaffectée, le crâne rasé, la langue sectionnée. Puis un deuxième…
Thomas sait désormais qu’un tueur en série sévit dans la région. Mais il ignore encore que ces cadavres ne sont que la partie immergée du plan machiavélique d’un individu avide de vengeance…

L’Archipel (20 janvier 2022) – 297 pages – 19€

AVIS

Roman lu dans le cadre du Mois du polar 2022

Après l’excellent L’art du meurtre et le sanglant Le sang des Belasko, j’étais impatiente de découvrir le nouveau roman de Chrystel Duchamp, une autrice dont j’apprécie le travail et la plume. De nouveau, sa plume s’est révélée aussi addictive que redoutable, l’autrice réussissant toujours à tisser autour des lecteurs une sorte de toile grisante dont les fils se resserrent jusqu’à craquer pour dévoiler l’indicible vérité.

Après un prologue mystérieux présentant différents personnages dont on ne peut s’empêcher de chercher le lien pouvant les unir, l’autrice nous présente une tragique, mais en apparence banale, histoire de disparition. Esther, la sœur d’une auteure de thriller, a disparu en laissant chez elle ses papiers et son téléphone portable ! Devant l’inertie de la police qui lui rappelle que tout adulte a le droit de disparaître, Anaïs se tourne vers Thomas Missot, ami et commandant à la PJ de Lyon… Celui-ci sollicite alors l’aide d’une ancienne collègue l’impliquant dans une affaire qui va dépasser l’entendement.

Car loin de rester cantonner à une seule disparition, l’autrice les multiplie… Commence alors une enquête sur les pistes d’un tueur en série dont les motivations restent à déterminer. Y a-t-il un message derrière les langues coupées des femmes mortes retrouvées ? Comment et pourquoi choisit-il ses victimes ? D’ailleurs, les victimes le sont-elles toutes ou certaines jouent-elles un rôle dans cette farce macabre à l’instar d’Esther sur laquelle le commandant commence à avoir des doutes ?

Je me suis tout de suite sentie investie dans l’enquête, mais j’ai surtout apprécié de suivre le fil des pensées de Thomas, découvrir ses doutes et ses incertitudes, d’autant que plus les mois défilent, plus la situation semble inextricable. Je n’entrerai pas dans les détails pour vous laisser le plaisir de la découverte, mais l’autrice va opérer un surprenant et audacieux changement dans le fil de son intrigue. Avec un sens de la mise en scène indéniable et une très bonne gestion du suspense, l’enquête sur ces disparitions et meurtres de femmes va glisser vers quelque chose de bien plus macabre, effroyable et fascinant.

L’autrice va ainsi s’inspirer de faits réels pour aller plus loin dans l’horreur et imaginer un scénario diabolique dans lequel l’art de la vengeance prend une portée inédite. La police semble d’ailleurs désemparée, mais Thomas fera de son mieux pour lier des événements en apparence indépendants et lever le voile sur le visage du mal. Je dois dire que je n’avais pas anticipé la révélation finale et que si elle a quelque chose de grandiose, elle n’en demeure pas moins réaliste. Pour moi, c’est le parfait exemple de la manière dont certains instrumentalisent le désespoir des autres pour arriver à leurs fins et commettre des atrocités. Si je n’ai évidemment pu approuver les décisions extrêmes de certaines personnes, j’ai néanmoins compris leur logique… Quand la justice défaille, que reste-t-il si ce ne sont des représailles ?

En plus de nous offrir une intrigue menée tambour battant, rythmée par des chapitres courts presque nerveux, Christel Duchamp évoque dans ce roman des thématiques difficiles et sensibles comme les violences faites aux femmes. Le viol est ainsi régulièrement mentionné même si aucune scène n’est explicitement détaillée. Difficile de ne pas être touché par les victimes, de ne pas être ulcéré devant la manière dont leur parole est remise en question, notamment par les personnes censées les protéger, et devant l’impunité de certains qui se victimisent quand ils sont bourreaux…

L’autrice aborde également, bien que brièvement, le mal-être de toute une profession dont le travail n’en demeure pas moins indispensable. Un travail que le commandant Thomas, formé à l’ancienne, prend très à cœur au point d’avoir sacrifié sa propre vie de famille. J’ai apprécié sa personnalité loin du stéréotype du policier cynique et désabusé porté sur la bouteille. Humain et très impliqué dans son travail, peut-être trop, il fait de son mieux avec son équipe, tout en jonglant avec sa fille qui semble se ternir et maigrir dangereusement de jour en jour… 

J’ai été touchée par la détresse de ce père qui arrive à faire parler des suspects, mais pas sa fille qui se claquemure dans le silence et une forteresse intérieure aux murs infranchissables… À travers ce commandant, l’autrice apporte une dimension humaine et personnelle qui joue incontestablement dans l’envie que l’on ressent à tourner les pages, d’autant qu’une fois la fin amorcée, on réalise que rien n’a été laissé au hasard ! Comme à son habitude, l’autrice, en quelques mots, termine son roman en insufflant à ses lecteurs un sentiment glaçant d’effroi. C’est un peu sa marque de fabrique et cela rend ses romans toujours très marquants.

En conclusion, Christel Duchamp signe ici un nouveau thriller particulièrement bien ficelé qui, sous couvert d’une enquête classique sur des disparitions et meurtres, met en place un plan machiavélique de grande envergure. Porté par un policier très humain qui va devoir jongler entre son travail et des problèmes familiaux, Délivre-nous du mal nous offre une lecture divertissante, addictive et effroyable de par son réalisme, tout en évoquant des thématiques difficiles comme les violences faites aux femmes… Rythmé, prenant et diabolique, un roman qui porte à merveille son nom, le mal pouvant s’écrire de différentes façons et revêtir bien des apparences, l’une n’excluant pas l’autre.

Je remercie les éditions de l’Archipel de m’avoir envoyé ce roman en échange de mon avis.

 

42 réflexions sur “Délivre-nous du mal, Chrystel Duchamp

  1. Ta chronique est superbe et très bien écrite ! J’ai recommencé à lire des romans policiers depuis peu et ton article m’a vraiment donné envie de le découvrir ! Il a l’air génial et plein de suspens.
    Merci pour cette belle découverte ! Bonne continuation ! 😁

    Aimé par 1 personne

  2. J’étais curieuse de voir ton avis sur ce titre 😉 Je ne pense pas l’ajouter à ma WL (il faut bien faire des choix ^^), mais je connais quelques personnes à qui il peut plaire et je vais m’empresser de le leur suggérer 🙂

    Aimé par 2 personnes

  3. Cette couverte déjà, elle en jette. Les cornes, le corps, le champ. Autant d’éléments qui nous offre un aperçu du voyage qui nous attend ! Et apparemment ton voyage a été sans pitié. J’aime beaucoup les chapitres courts et rythmé, l’idée d’un flic loin des stéréotypes (que tu énonce très bien d’ailleurs !) et plus humain, père de famille me plaît bien également. Il a l’air vraiment prenant ce roman. Merci pour cette belle chronique tentatrice 🤭

    Aimé par 2 personnes

  4. Pingback: Chrystel Duchamp – Délivre-nous du mal | Sin City

    • J’ai aussi apprécié la manière dont est abordée la thématique même si c’est tellement réaliste que j’ai parfois eu du mal à contenir ma colère contre l’injustice de cette société où la parole des victime est toujours remise en question…

      J’aime

  5. Pingback: [Bilan] Cold Winter Challenge 2021 | Light & Smell

  6. Pingback: C’est le 1er, je balance tout ! février 2022 | Light & Smell

  7. Pingback: Throwback Thursday Livresque #231 : lecture d’été | Light & Smell

  8. Pingback: 13 livres pour Halloween | Light & Smell

  9. Pingback: 10 livres dont la couleur de la couverture correspond à celle de votre pierre de naissance #318 | Light & Smell

  10. Pingback: 10 thrillers pour amateur de page turner #321 | Light & Smell

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.