Le sang des Belasko, Chrystel Duchamp

Couverture Le sang des Belasko

Cinq frères et sœurs se réunissent dans la maison de leur enfance, la Casa Belasko, une imposante bâtisse isolée au cœur d’un domaine viticole au sud de de la France.
Leur père, vigneron taiseux, vient de mourir. Il n’a laissé qu’une lettre à ses enfants, dans laquelle sont dévoilés nombre de secrets.
Le plus terrible de tous, sans doute : leur mère ne se serait pas suicidée – comme l’avaient affirmé les médecins six mois plus tôt. Elle aurait été assassinée…
Au cours de cette nuit fatale, les esprits s’échauffent. Colères, rancunes et jalousies s’invitent à table. Mais le pire reste à venir. D’autant que la maison – coupée du monde – semble douée de sa propre volonté.
Quand, au petit matin, les portes de la Casa se rouvriront, un membre de la fratrie sera-t-il encore en vie pour expliquer la tragédie ?

L’Archipel (14 janvier 2021) – 240 pages – broché (18€) – Ebook (12,99€)

AVIS

Ayant adoré le premier roman de l’autrice, L’Art du meurtre, je me suis jetée avec avidité sur Le sang des Belasko, pressée de découvrir où l’esprit diaboliquement tortueux de Chrystel Duchamp allait cette fois nous emmener. Et je peux d’ores et déjà vous dire que je n’ai pas été déçue du voyage !

Toutes les familles ont leurs petits, voire grands secrets, et quelques squelettes dans le placard, mais la famille Belasko pousse le concept à un niveau difficilement imaginable ! Alors, rien d’étonnant à ce que la situation devienne explosive quand les cinq frères et sœurs se retrouvent dans la maison de leur enfance suite au décès de leur père, survenu six mois après le suicide de leur mère. Deux drames rapprochés qui auraient pu pousser ces cinq adultes à faire table rase du passé. Mais c’était sans tenir compte du caractère rancunier de cette famille, des petites mesquineries jamais pardonnées, des trahisons injustifiables, des secrets peut-être pas si bien gardés que cela, des jalousies tenaces, et de tous ces non-dits qui ont fini par semer la discorde au sein d’une fratrie pourtant très unie par le passé. Et ce n’est pas une lettre faisant mention d’une nouvelle fracassante qui risque d’apaiser les tensions…

Avec ce roman, Chrystel Duchamp répond à cette question obsédante que l’on se pose quand on s’éloigne de personnes dont on a été proches, au point parfois d’en venir à ne plus les supporter : comment en est-on arrivé là ? Comment des enfants qui ont une enfance heureuse, entourés par des parents aimants, et ayant vécu dans un certain luxe, ont pu en arriver à se détester autant ? Les parents, en favorisant certains plus que d’autres, n’ont-ils pas participé à cette débandade des sentiments ? Cela n’explique pas tout, bien sûr, mais ayant personnellement vite pris en grippe Solène et sa manière de considérer ses traitements de faveur comme chose acquise et normale, j’aurais tendance à croire que oui. Mais comme dans tous les drames familiaux, la situation ne saurait être aussi simple : il semble y avoir quelque chose de fondamentalement mauvais et vicié chez les enfants Belasko…

Pourtant, au cours d’une soirée qui changera la vie à la Casa Belasko à jamais, on sent encore quelques sentiments fraternels, réminiscence d’un passé heureux et insouciant. Quelques bribes de lumière dans cette maison coupée du monde extérieur, témoin nostalgique du bonheur passé, avant de devenir le témoin silencieux, mais pas consentant, d’un drame annoncé.

Une maison qui tient ici un rôle particulier et qui, d’une certaine manière, faire preuve de cette humanité qui tend à avoir déserté le cœur et la conscience de Philippe, Mathieu, David, Garance et Solène. Alors que le temps s’écoule au rythme des ressentiments, l’autrice nous plonge sans faux-semblant dans l’âme noircie de ses protagonistes tellement égocentriques, vaniteux, vindicatifs et ingrats qu’ils se révèlent bien incapables de compromis, de concession et d’une once de compassion… Et ceci même envers des personnes de leur propre sang avec lesquelles ils ont pourtant vécu des jours heureux et emplis de tendresse. De fil en aiguille, et à mesure que les barrières de chacun tombent, on comprend comment ces frères et sœurs en sont venus à développer de bien vils sentiments. Pêché d’orgueil, de jalousie, de luxure… plus de doute, le mal est en la demeure, mais il ne prend pas la forme que l’on aurait pu craindre.

Si vous espérez trouver chez les Belasko des personnages touchants, vous risquez la déception, mais si vous acceptez de vous plonger dans ce qu’il y a de plus vil chez les humains, vous allez adorer ce huis clos familial addictif qui, dans une ambiance de tension extrême, aborde avec brio des thèmes divers et variés, et soulève cette question intéressante de l’inné et de l’acquis. Sans vous en dire plus, j’ai également adoré cette impression de prophétie auto-réalisatrice qui plane sur l’ombre des Belasko, nous prouvant qu’en se focalisant sur le passé, on tend parfois à devenir le propre artisan de son malheur !

L’autrice, d’une main de maître et avec un sens diabolique de la mise en scène, happe l’attention de ses lecteurs dès le prologue, en donnant la parole à un personnage atypique, et en nous faisant vite comprendre que va se jouer sous nos yeux un drame familial violent, mais non dénué de réalisme. Un drame en cinq actes qu’il est impossible de lâcher : on souhaite avec une curiosité presque malsaine découvrir tous les tenants et aboutissants d’une histoire teintée de mystères, de secrets, de cachotteries, et empreinte d’une violence implacable et aveugle qu’il semble impossible d’endiguer. Mais les frères et sœurs Belasko, sont-ils seuls responsables de leur malheur ou quelque chose qui les dépasse est intervenu pour faire de la Casa Belasko le témoin meurtri d’un drame familial dont personne, ou presque, ne ressortira indemne ?

Pour ma part, et c’est assez rare pour que je le mentionne, j’ai été surprise par les révélations finales qui m’ont poussée à repenser l’action depuis le début, avant de conclure que Chrystel Duchamp a le don de construire des intrigues, en apparence simples, mais qui cachent en leur fondement des secrets que seuls les esprits les plus tortueux, ou peut-être les plus attentifs, sauront démasquer. Je ne suis pas l’un d’entre eux et tant mieux, parce que j’aime cette impression d’avoir été baladée du début à la fin par une autrice qui sait où elle veut aller et n’hésite pas pour cela, à semer la discorde chez ses personnages, et le doute chez ses lecteurs !

Machiavélique et cynique, mais humainement réaliste, du grand Chrystel Duchamp, assurément !

Je remercie les éditions de l’Archipel pour m’avoir envoyé Le sang des Belasko en échange de mon avis, et l’autrice pour son gentil mot personnalisé ! Une attention rare et toujours hautement appréciée.

37 réflexions sur “Le sang des Belasko, Chrystel Duchamp

    • Les personnages sont vraiment bien croqués. Tu te dis parfois, bon, il y a encore quelque chose à sauver chez eux, et PAF, ils pensent ou font un truc qui te dégoûte ! Mais bien qu’extrêmes, ils sont également finalement assez humains, ce qui rend le truc bien affreux, mais diablement addictif…

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