Rocaille, Pauline Sidre #PLIB2021

Couverture Rocaille

Gésill est mort, et il le serait resté si les Funestrelles, des bandits de la pire espèce, ne l’avaient pas ramené à la vie pour l’inciter à reprendre le trône. En quête de son assassin et d’un sens à sa non-vie, il devra partir à la recherche du dernier représentant des Magistres, des êtres mythiques autrefois persécutés et exterminés par son aïeul. C’est le début d’un périple qui changera à jamais la Rocaille.

#ISBN9782490700035

AVIS

Rocaille était le roman des cinq sélectionnés du PLIB 2021 qui me tentait le moins malgré une très belle, quoique plutôt effrayante couverture. Si j’ai adoré les premières pages et la plume des plus évocatrices de l’autrice, j’ai fini par ressentir un certain ennui en cours de lecture. La faute principalement à un rythme inégal et à des personnages qui, à l’exception de l’un d’entre eux, m’ont semblé manquer de profondeur, voire parfois de cohérence. J’ai ainsi eu le sentiment de ne pas avoir les informations nécessaires pour m’attacher à eux et comprendre leurs réactions, ce qu’ils ressentent et traversent…

Cela ne m’a néanmoins pas dérangée pour Gésill, un roi ramené d’entre les morts pour reprendre son trône et trouver l’identité de son assassin. On ne peut, en effet, guère attendre d’un homme en décomposition, qui perd ses sens à mesure que l’on tourne les pages, et dont la mémoire est défaillante, d’être cohérent du début à la fin. Certaines de ses réactions sont plutôt déstabilisantes, mais elles ont le mérité de nous prouver que sous sa carcasse qui pue la mort, reste un brin d’humanité. Notre zombie ou mort-vivant, qui n’a plus besoin de dormir ni de se sustenter, reste d’ailleurs capable de ressentir cette violence des sentiments, qui conduit certaines personnes à avoir des réactions disproportionnées et irrationnelles. J’ai toutefois regretté qu’il reste assez en retrait de l’action. Car même s’il a des élans propres à un souverain, même déchu, il est bien souvent traité comme un pantin par les mercenaires qui l’ont ressuscité en échange d’une petite fortune et de la promesse de privilèges.

La plongée dans l’antre de ce repère de brigands et de mercenaires complètement dégénérés fut une expérience intéressante, bien que parfois éprouvante. Si on ne s’appesantit pas dessus, et que seul un personnage semble s’en émouvoir, et encore parce que ça contrarie ses histoires de cœur, attendez-vous d’ailleurs à de l’inceste et à une culture du viol conjugal banalisé. Parmi nos brigands, un homme se révèle néanmoins attachant, bien que son rôle reste minime : un être simple et un peu lent maltraité par les siens, mais doté d’une grande gentillesse et d’une touchante naïveté et spontanéité. Seule sa sœur, Iliane, veille sur lui et tente de le protéger, autant qu’il est possible de le faire dans un monde où la loi du plus fort domine.

Avec Iliane, l’autrice nous propose au départ un personnage fort, une sorte de criminelle badass avec du répondant, qui sait se faire respecter et qui n’hésite pas à sortir le couteau pour se faire comprendre. Malheureusement, au fil du roman, tout ce qui faisait le charme du personnage est abandonné au profit de ses sentiments pour l’un des personnages. Je n’ai pas compris cette évolution peu subtile, avec à la clé des passages qui m’ont fait lever les yeux au ciel, et des scènes décalées par rapport à l’intrigue et à sa dureté. Toutefois, Iliane, de par ce qu’elle vit au sein de son propre groupe, permet d’évoquer les relations toxiques et la difficulté pour les victimes de s’en sortir.

Le développement de la sœur et du frère du roi m’a également laissée sur ma faim, me donnant le sentiment que le roman aurait gagné à être étoffé pour laisser de la place à chacun. C’est assez frustrant de voir à quel point des personnages avec du potentiel sont laissés sur le côté, même si je comprends bien que l’autrice ait dû opérer des choix. Un personnage m’a heureusement semblé bien plus convaincant dans sa construction, son développement et sa complexité : Luèlde. Ce caméléon humain qui a eu autant de prénoms que de vies est supposé être le dernier magistre vivant, un sorcier aux pouvoirs immenses et particulièrement puissants. Des pouvoirs dont il ne connaît pas vraiment l’étendue, et qui ont été pour lui, jusqu’à présent, une source constante de rejet, de convoitise, de violence… Ainsi, on le déteste pour ce qu’il est, mais on l’exploite pour ce qu’il peut faire ! C’est toutefois grâce à sa nature si particulière, dont il doute constamment à la plus grande irritation des lecteurs, ou du moins de la mienne, qu’il croisera la route de notre roi.

Un roi en décomposition puant la charogne associé à un sorcier qui refuse de croire en ses capacités qu’il ne maitrise pas au demeurant, soutenus par une bande de criminels et de coupe-gorge en campagne pour le trône… Que peut-il bien arriver de fâcheux ? Pour le découvrir, il vous faudra lire ce roman, mais je peux néanmoins vous dire que vous pouvez vous attendre à des complots, du sang et à un voyage sur les traces des magistres décimés par un roi qui, en voulant nourrir son peuple, a fini par l’affamer. Pour ma part, j’ai apprécié de découvrir toute la mythologie autour des magistres, leur organisation, leurs pouvoirs, mais également leur terrible chute. Des découvertes qui ne seront pas sans conséquence sur Luèlde et son avenir, le jeune magistre ne pouvant ignorer l’horreur vécue par ses ancêtres ! La présence de fantômes, la manière dont on est parfois plongés dans les souvenirs de personnages décédés, et les voyages entre le monde des vivants et des morts apportent, en outre, un plus indéniable à l’intrigue, et offrent une sorte de parenthèse dans laquelle tout semble pouvoir vaciller…

Mais ce qui fait toute l’originalité et la force de ce roman est son univers stérile, soumis aux caprices d’un climat épouvantable et changeant, faisant porter sur la lignée des Rois verts, seule capable de faire pousser plantes, légumes et fruits, une lourde tâche : nourrir le peuple. Mais trois individus, deux maintenant que le roi Grésill a perdu son pouvoir de floraison, semblent bien insuffisants pour pallier une nature quasi inexistante… J’ai apprécié cette idée d’individus possédant, de par les exactions de leur illustre ancêtre, un lien aussi étroit avec la nature, même si j’aurais peut-être apprécié que ce côté soit un peu plus développé. À l’inverse, l‘autrice fait preuve d’une maîtrise absolue de l’atmosphère rude, aride et brutale de son roman, nous faisant ressentir jusque dans nos os les variations du climat, et ce sentiment de désolation omniprésent. Seul Luèlde arrivera à détecter le potentiel derrière la Rocaille et à se concentrer sur ce qu’il y a et pourrait y avoir, plutôt que sur ce qui fait cruellement défaut…

En conclusion, roman de fantasy à l’univers original et particulièrement soigné, Rocaille fut néanmoins pour moi une lecture en demi-teinte, bien que je lui reconnaisse des qualités indéniables. Ainsi, si les personnages m’ont semblé manquer de profondeur, à l’exception d’un mage dont on prend plaisir à découvrir les capacités, et que l’intrigue n’a pas su me captiver sur la longueur, je ne peux nier avoir été saisie par la plume de l’autrice. Une plume fluide, imagée et immersive qui vous plonge avec brutalité et sans concession au cœur d’une aventure mouvementée, dont il est bien difficile de deviner tous les tenants et aboutissants avant d’en avoir tourné la dernière page.

Je remercie les éditions Projets Sillex d’avoir mis l’ebook du roman à disposition des membres du jury.

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40 réflexions sur “Rocaille, Pauline Sidre #PLIB2021

    • J’avoue avoir lu surtout des avis positifs, mais je suis rassurée de voir que je ne suis pas la seule à ne pas avoir complètement adhéré… Je ne peux être catégorique, mais vu que tu sembles prêter une certaine attention à la construction et à la complexité des personnages, je ne suis, en effet, pas certaine que tu trouves ici ton bonheur, du moins à ce niveau.

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  1. Je comprends parfaitement ce que tu reproches à ce roman et c’est ce que j’ai apprécié pour ma part. J’ai aimé ce rythme cassé qui fait des allers retours entre passé et présent et nous fait découvrir toujours un peu plus les tenants et aboutissants de la Rocaille. Les personnages je les ai trouvés atypiques et non conventionnels et j’aime le fait qu’au départ on est du mal à s’attacher à eux. après je suis d’accord avec toi pour le personnage d’Iliane mais c’est parce que j’aimerais bien des romans de sfff sans romance (j’en demande peut être trop ?). Et puis cette évolution laisse entrevoir un petit espoir a la fin du roman … Dans tous les cas j’ai trouvé l’univers fou et très original.

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    • J’ai aussi beaucoup aimé les allers-retours entre présent et passé, je pense que c »est ce que j’ai préféré. Mais ça n’a pas suffi à me donner cette impression de dynamisme que j’apprécie dans une lecture…
      Non-conventionnels, c’est vrai, surtout le roi 🙂
      J’aime de plus en plus la romance, alors ça ne me gêne pas quand il y en a une à condition qu’elle soit bien amenée. Là, ça manque clairement de subtilité et de réalisme. Par contre, sans spoiler ceux qui n’auraient pas lu le roman, la fin laisse, en effet, entrevoir cet espoir déjà représenté par notre mage.
      Je te rejoins complètement sur l’univers. L’autrice propose quelque chose d’original et de super visuel !
      Enfin, je te l’ai déjà dit, mais j’ai beaucoup aimé ton avis. J’aurais aimé réussi à passer outre les points qui ne m’ont pas convaincue pour avoir une lecture du roman aussi enthousiaste que la tienne.

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  2. C’est vrai qu’elle a le mérite de ne pas passer inaperçue cette couverture !
    Inceste et viol conjugale banalisée, il faut avoir le coeur bien accroché pour la lecture alors. Malgré cette avis en demi teinte, tu penses découvrir d’autres livres de l’auteure pour retrouver sa plume ?

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  3. Comme toi, je n’ai pas su trouver mon compte malgré les bons éléments et les excellents échos. J’ai également ressenti un manque de tension/de rythme malgré la jolie plume de l’autrice. Quant à Illiane, elle est l’une de mes plus grandes déceptions. Je n’ai pas accroché à son évolution et j’en attendais davantage, surtout en raison du fait que c’est une femme qui semblait si badass et intéressante. Tu as raison sur les forces de ce roman, notamment sur l’univers (même si j’aurais, encore une fois, souhaité un développement plus approfondi). En tout cas, bonne chronique intéressante et pleine de nuances.

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    • Nos avis semblent se rejoindre sur ce roman et les points qui ne nous ont pas convaincue…
      Iliane fut aussi ma plus grande déception. J’ai ressenti un sentiment de gâchis devant cette femme badass qu’on transforme en guimauve en raison de sa lubie amoureuse (pour moi, il n’y a pas assez d’éléments pour parler d’une réelle romance).
      Merci beaucoup 🙂

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  4. Ça me rassure de lire un avis comme le tien, j’ai le sentiment que tout le monde a adoré ce roman alors que moi aussi je me suis ennuyée et n’ai pas trouvé l’évolution des personnages plus cohérente que ça 😅 j’étais frustrée parce que le principe était tellement prometteur ! 😭

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  5. C’est drôle, j’ai l’impression qu’on est passées par les mes mêmes déconvenues tout au long du roman ^^. Je suis d’accord avec toi sur la majorité des points évoqués, surtout le manque de profondeur de la plupart des personnages (sauf le magistre qui bénéficie d’un traitement à part). En fait, je suis presque déçue de ne pas avoir adhéré plus que cela à l’histoire, car le roman a vraiment quelque chose d’unique. Mais c’est comme ça… :/.

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