Valkyrie, Federico Saggio

Couverture La Saga de la Dernière Geste, tome 3 : Valkyrie

Depuis que Midgard a émergé du Ginnungagap et que du chaos primordial est née la vie, une mission est échue aux Valkyries : écumer les champs de bataille, et faire le tri entre les âmes des guerriers occis pour convoyer les braves au Valhalla… Afin qu’aux côtés des Dieux, ils affrontent le Ragnarök qui approche à grands pas.

Mais à mesure que le temps passe, Brunehilde est saisie d’un doute affreux ; Odin est-il réellement à même de les protéger du froid infernal qui avance et menace de les submerger ?

Et qui est ce mystérieux guerrier qui semble avoir la faveur des Ases, et auquel elle est censée apporter une épée ?

Tandis que les fils de sa destinée se nouent jusqu’à la faire suffoquer, la Valkyrie se sent plus seule que jamais. L’heure n’est plus au doute, ni à la passivité… Ou les neuf mondes partiront en fumée.

Auto-édité (28/02/2021) – Papier (14,99€) – Ebook (6,99€)

AVIS

Valkyrie s’inscrit dans la saga de La Dernière Geste dont j’avais adoré les deux premiers tomes Sigurd et Le Royaume des Brumes. Après nous avoir présenté le destin hors nome et quelque peu dramatique de Sigurd, héros qui a forgé sa légende dans la douleur, Federico Saggio remonte le passé pour s’attarder maintenant sur un autre personnage de la saga, Brunehilde. Nous l’avons découverte femme endormie, puis femme libérée et aimée, nous la retrouvons ici dans sa forme d’origine, une Valkyrie puissante, immortelle et guidée par la foi en Odin, le Père de Tout.

Une foi qui, petit à petit, s’étiole devant les incohérences et les injustices profondes d’un système régi par des dieux qui le bafoue sans le moindre remord dès que leurs intérêts sont en jeu. Comment accepter de prendre part à une comédie de justice cosmique qui glorifie les faits d’armes et l’honneur, mais qui condamne à l’enfer les guerriers vaillants qui n’ont pas eu le malheur ou, si l’on se fie aux dieux, la chance de mourir au combat ? Comment garder la foi en un dieu s’entourant de personnes faibles qui, à défaut de se battre vaillamment lorsque le Ragnarök surviendra, ne tenteront jamais de le renverser ? Un dieu censé protéger et veiller, mais qui finit par révéler sa vraie nature, celle d’un être faible et lâche, qui se laisse guider par ses peurs, créant ainsi le cycle de la haine et de la destruction.

Contrôler et éradiquer au lieu d’accepter, d’éduquer et de guider, condamner avant même de laisser l’autre s’amender, rompre le Cycle pour assouvir ses propres désirs… Dans ce tome, Odin perd l’aura divine qui l’entoure pour prendre celle d’un dieu qui ne mérite pas d’en porter le nom, celle d’un père prêt à sacrifier sa propre lignée pour se préserver. Rien d’étonnant donc à ce que Brunehilde finisse progressivement par briser ses chaînes, refusant de rester prisonnière d’une foi aveugle qu’elle ne peut plus cautionner. Une émancipation qui ne se fera pas sans heurt, mais qui nous prouvera plus que jamais la force de la Valkyrie qui est prête à tous les sacrifices pour ce qu’elle estime juste et digne.

Et cela englobe Sigmund, un ami inattendu pour lequel elle va éprouver et développer une pure et sincère affection. On peut dire que d’une certaine manière, cet homme que les dieux ont placé sur son chemin va se révéler être l’outil de sa délivrance. En voulant le protéger, lui et sa moitié ainsi que le futur fruit de leur amour défendu, elle trouvera le courage de couper ses ailes et de tourner le dos à un dieu qui l’a terriblement déçue et à une mission vidée de son sens. Son abnégation, son sens du sacrifice et sa force d’esprit rendent la Valkyrie terriblement inspirante et attachante et offre une belle leçon d’humilité, d’humanité et de courage à Odin. J’ai ainsi aimé la voir se battre pour ses idéaux, quitte à remettre en question une autorité divine pesante, écrasante et profondément injuste. Si les forces en jeu sont déséquilibrées, le combat en apparence perdu d’avance, on sait, on sent que rien n’est terminé et que de l’implacabilité divine peut naître une engeance encore plus retorse, fière et mortelle…

Alors que rien ne devrait nous pousser à nous identifier à cette Valkyrie engagée dans une dangereuse rébellion, notre cœur se retrouve inexorablement à battre au diapason du sien. J’ai saigné pour elle, j’ai pleuré avec elle et j’ai combattu à ses côtés pour des êtres que l’on sait condamnés, mais pour lesquels on ne peut s’empêcher d’espérer. Des trois tomes, celui-ci est celui qui m’a le plus remuée, me laissant presque démunie une fois la dernière page tournée. Il faut dire qu’il y a tellement d’injustice, mais aussi d’espoir et de nobles sentiments entre ces pages qu’il s’avère difficile de ne pas se sentir profondément touché, d’autant qu’il y a presque quelque chose d’universel dans la bataille que mène Brunehilde pour se sortir d’une foi aveugle et bornée, et s’émanciper d’une figure d’autorité peut-être pas si fiable et respectable que cela.

Notre Valkyrie ne démérite jamais en cours d’aventure, elle avance, prend des risques, remet en question ce qu’on veut lui imposer, doute parfois de sa légitimité à questionner les volontés du Père de Tout… Elle avance la tête haute au-devant d’un destin dont elle ignore tout, mais dont les lecteurs ont déjà eu l’occasion de connaître les contours. C’est d’ailleurs ce qui rend son histoire aussi prenante et touchante, et qui nous permet de ressentir autant d’empathie pour cette Valkirie bien plus noble que les dieux et bien plus humaine que beaucoup d’hommes. À cet égard, sa punition divine semble finalement presque une délivrance, comme la reconnaissance de ce qu’elle est et de ce qu’elle refuse d’être. Il est également fascinant de découvrir à quel point Brunehilde est liée à Sigurd et à ses parents… Je n’en dirai pas plus si ce n’est que si les voies du seigneur sont impénétrables, celles tissées par les Nornes nous semblent encore bien plus obscures !

J’ai apprécié l’incursion de l’auteur dans le domaine de la science-fiction avec sa duologie Lululand, mais Valkyrie me prouve que c’est dans le domaine de la mythologie qu’il arrive le mieux à déployer tout son talent. Celui d’un conteur qui arrive à s’effacer devant la légende pour en restituer avec poésie toute la quintessence et brouiller, durant un moment, la frontière entre fiction et réalité. On se laisse ainsi complètement immerger et submerger par les scènes qui prennent vie sous nos yeux avec une rare acuité, on est révolté par des volontés certes divines, mais pas très glorieuses, et on s’émeut devant ces destins humains qui se jouent dans le secret des cieux…

En résumé, l’auteur remonte les couloirs du temps pour nous présenter une héroïne à la complexité certaine, une combattante émérite qui, devant les injustices divines, a choisi de revoir son allégeance, et ainsi lier son destin avec une lignée marquée par les drames, et possédant une volonté de fer brimée, mais jamais broyée. Particulièrement prenant, Valkyrie pousse son héroïne sur la douloureuse voie de l’émancipation, et les lecteurs dans une sorte de zone émotionnelle où la curiosité se mêle à la fascination, à l’admiration, à l’empathie et à cette envie qui gronde de tout bouleverser afin que la justice du cœur et de l’honneur finisse enfin par l’emporter sur une justice divine foncièrement viciée. Entre doutes et prise de conscience, un roman qui ne manquera pas de vous toucher, de vous révolter et de vous prouver la force de la volonté !

Je remercie l’auteur de m’avoir envoyé Valkyrie en échange de mon avis.

 

31 réflexions sur “Valkyrie, Federico Saggio

  1. L’héroïne a l’air d’être vraiment bien travaillée. J’aime l’idée qu’elle se remette en question ou étudie son parcours. Ca a l’air très intéressant. En tout cas, tu as l’air d’avoir vraiment apprécié la saga en général. Ton enthousiasme au fil des tomes fait plaisir à lire.

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