La délicieuse imposture du chant des sirènes, Charlotte Léman

Couverture La délicieuse imposture du chant des sirènes

Je remercie les éditions de l’Archipel de m’avoir envoyé La délicieuse imposture du chant des sirènes de Charlotte Léman en échange de mon avis.

Jeune trentenaire, Claire se laisse un peu trop bercer par les illusions. Un samedi matin, dans les rayons d’une librairie, elle choisit un roman à la hâte : 422 pages qui vont chahuter son quotidien, au point de questionner son couple.

Emportée par sa lecture, Claire décide de marcher dans les pas de son héroïne et de prendre le large. Loin de ses repères, elle part à la découverte des sentiers côtiers, espérant se retrouver elle-même.

Mais que faire lorsque le destin met sur sa route un marin pêcheur qui pourrait bien la faire chavirer ? Se laisser porter par le courant ou résister ? Et s’il était temps d’arrêter de rêver sa vie pour commencer à la vivre ?

L’Archipel (16 juin 2022) – 281 pages – Broché (18€)

AVIS

J’aurais aimé apprécier ce roman au titre particulièrement poétique et à la belle et douce couverture, mais cela n’a pas été le cas même si j’ai trouvé le style de l’autrice vraiment très agréable. La plume n’a néanmoins pas suffi face à une héroïne difficile à apprécier et à un événement qui m’a rebutée. En lisant le résumé, j’aurais pu m’y attendre, mais j’avais espéré que l’autrice choisisse une autre voie. Cela n’est pas un point négatif en soi, mais cela explique en partie pourquoi je n’ai pas apprécié ce roman qui n’était tout simplement pas pour moi. Si vous ne souhaitez pas découvrir la chose à laquelle je fais allusion, je vous invite à sauter la partie SPOILER et à passer au paragraphe suivant. Sinon, vous pouvez passer le curseur sur le texte pour le voir apparaître.

SPOILER La trahison est quelque chose qui peut arriver dans un couple, mais les phrases du type : ‘il fallait peut-être que je m’oublie dans les bras d’un autre pour nous et me retrouver » ont le don de me hérisser le poil. Justifier sa lâcheté et son égoïsme a posteriori par des phrases toutes faites, ça ne suscite pas en moi de très tendres sentiments. Je n’ai donc pas eu beaucoup de sympathie pour Claire, d’autant qu’elle était très consciente de ce qu’elle faisait, mais n’en avait que cure, obsédée par son envie de nouveauté. FIN SPOILER

Râleuse et désobligeante, du moins en pensée, Claire se plaint de tout, de tout le monde et tout le temps. J’ai une certaine indulgence avec cette manière d’être au monde et à la vie pour les personnes âgées, mais pour les personnes de son âge, ça me donne juste envie de souffler et, dans la vraie vie, de m’éloigner. Pour autant, j’ai parfois partagé son exaspération, notamment devant des réunions de famille que son conjoint lui impose et qui l’indisposent, mais une fois sur place, j’aurais apprécié qu’elle essaie au moins de voir de temps en temps le verre à moitié plein.

Son compagnon n’est pas non plus irréprochable puisqu’il semble pratiquer avec un certain talent la politique de l’autruche, refusant bien souvent de s’ouvrir au dialogue. Je n’ai toutefois pas non plus trouvé que Claire cherchait particulièrement à communiquer, préoccupée par ses ruminations intérieures. Lasse de se trouver face à un mur qui ne comprend pas qu’elle veuille du changement, et en pleine crise précoce de la quarantaine, la jeune femme profite d’être en free-lance pour partir en Bretagne, mettant Julien devant le fait accompli. Sur place, elle fera de nouvelles expériences et des rencontres, certaines plus déterminantes et dangereuses que d’autres pour son couple et sa vie. Bien qu’elle n’ait qu’un petit rôle, j’ai beaucoup aimé sa voisine de vacances qui va conduire Claire à réaliser qu’il est quelque peu vain et blessant de juger les personnes sur les apparences. Toutes les deux noueront une jolie relation de voisinage que j’aurais adoré voir se développer.

J’ai, en outre, apprécié la manière dont Charlotte Léman nous plonge dans un décor qui marque une réelle rupture avec le mode de vie parisien de l’héroïne. Sur place, elle découvrira la joie de la spontanéité et un nouvel équilibre vie professionnelle/vie privée qu’on cherche tous. Mais un appel et le retour à la réalité susciteront en elle une prise de conscience : et si finalement, sa vie n’était pas si dénuée d’intérêt et vide que cela ? Et si la routine dans son couple ne signifiait pas qu’il était sur le déclin, mais plutôt qu’il était prêt à passer à une autre étape ? À force de se focaliser sur ce qu’elle n’a pas, n’est-elle pas passée à côté de tout ce qu’elle possède déjà, et tout ce qu’elle a encore à construire, à son rythme sans devoir coller à un cliché Instagram ? Et si elle avait tout gâché avec Julien, un homme doux et tendre qui n’est pas le plus extravagant des compagnons, mais qui semble sincèrement l’aimer ?

Je n’ai pas apprécié la manière dont elles sont amenées, mais j’ai aimé toutes les réflexions que l’autrice suscite à travers cette héroïne imparfaite, symbole d’une société individualiste et en perpétuel mouvement où aucune frustration n’est tolérée. Une société de l’apparence où l’on se compare aux autres, souvent sur la base de clichés déconnectés de la réalité, mais dans laquelle on ne prend pas forcément le temps de se poser et de savourer le moment présent. Tout en restant très subtile, l’autrice nous permet de ressentir parfaitement cette pression des réseaux sociaux, a fortiori pour les femmes, mais aussi les multiples pressions de la société, notamment sur la question de la maternité.

Vous aurez compris que je n’ai pas eu d’affinité particulière avec Claire, mais je reconnais que de fil en aiguille, de prise de conscience en réalisation, la jeune femme évolue et sort de sa position nombriliste. Gagnant en empathie, elle réalise que tout n’est pas de la faute des autres, et qui lui appartient de se construire la vie qui lui convient. Une évolution probante et louable qui permet de comprendre un peu mieux toute l’indulgence que son entourage et son compagnon semblent avoir pour elle. À cet égard, j’ai beaucoup aimé me plonger dans la famille de Julien et celle de Claire, l’autrice nous offrant de jolis instants de tendresse, de complicité et d’entente familiale. La meilleure amie de Claire m’a également plu, celle-ci, sans accabler son amie, n’hésitant pas à la mettre devant sa mauvaise foi et lui rappeler des vérités qu’elle a trop vite tendance à balayer d’une main. La galerie de personnages se révèle donc intéressante et variée, avec des personnalités pour lesquelles j’ai d’emblée développé une certaine affection. Dommage que l’héroïne n’en fasse pas partie parce que peu importe la qualité intrinsèque d’un roman, ne pas apprécier le protagoniste a inévitablement des conséquences sur l’expérience de lecture.

En conclusion, La délicieuse imposture du chant des sirènes n’a pas été la lecture détente que j’attendais, ayant eu beaucoup de mal à supporter son héroïne râleuse et perpétuellement insatisfaite même si elle finit heureusement par évoluer. Une jeune femme qui ira jusqu’à commettre un acte dont les conséquences lui feront réaliser qu’elle a finalement bien plus à perdre qu’elle ne le pensait. Ce n’est pas ce que je cherche dans un livre feel good ou une lecture légère, mais le roman pourrait plaire aux personnes s’intéressant aux relations de couple, et à la manière dont certains couples tentent de se reconstruire après une épreuve. Malgré une lecture qui ne m’a pas touchée outre mesure, je reconnais avoir apprécié la plume de Charlotte Léman, certaines thématiques (la routine dans le couple, le pardon, la quête de soi et de sens, la pression des réseaux sociaux et de la société…), et la place accordée à la famille.

38 réflexions sur “La délicieuse imposture du chant des sirènes, Charlotte Léman

  1. Finalement ton avis n’est pas si négatif que ça et seule l’héroïne et son mauvais caractère a semble avoir fait pencher la balance. Pour le reste, je me retrouve totalement dans ta chronique et nous rappelle que la vie peut être belle pour celle et celui qui sait la regarder.

    Aimé par 2 personnes

    • Il a fallu que je prenne le temps de distinguer mes émotions des qualités du roman, car passé le caractère de l’héroïne, le roman possède de beaux atouts. Mais les histoires de couple telles que celles-ci ne sont vraiment pas ce que j’attends dans un feel good…
      Sur l’importance de savourer la vie et de voir ce qu’elle a à nous offrir, je trouve que l’autrice a fait un bon travail 🙂

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  2. Dommage 😉 Je crois que la personnalité et les actions de l’héroïne auraient été rédhibitoires pour moi aussi, ceci dit ce n’est pas le genre de lectures vers lequel je me tourne en général.
    Au moins tu as pu apprécier d’autres aspects de l’histoire, c’est toujours ça 😉

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  3. J’avais vu passer sur les réseaux que ça ne l’avait pas fait pour toi, mais je te trouve résolument positive quand même dans cette chronique donnant des arguments solides pour défendre les idées et envies de l autrice. Je ne sais pas si j’aurais réussi avec une héroïne qui m’aurait autant cassé les pieds 😅

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  4. Ton avis n’est pas si négatif que ça au final, mais je comprends ce qui t’a dérangée dans le livre.
    J’avais lu un livre de cette auteure l’année dernière que j’avais bien aimé, peut-être que je me laisserai quand même tentée par celui-ci si l’occasion se présente.

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  5. Merci pour cette chronique 🙂 Je n’ai pas lu le roman mais j’ai lu ton spoiler et je te rejoins : je ne supporte pas non plus ce genre de propos censés justifier l’égoïsme et les mauvaises actions des gens. C’est malheureusement assez représentatif de la société dans laquelle on vit où on nous bombarde de messages déculpabilisants qui, au final, amène les gens à ne pas se remettre en question et à ne penser qu’à leur nombril sans se soucier de faire du mal autour d’eux. Et vu la description de l’héroïne, elle risque aussi fortement de m’agacer ^^ Merci pour ta chronique honnête et nuancée.

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