Le vieux qui lisait des romans d’amour, Luis Sepúlveda

Couverture Le vieux qui lisait des romans d'amour

J’ai eu la chance de trouver ce roman, qui me tentait depuis longtemps, dans une boîte à livres. Je l’ai lu dans le cadre du Challenge Lire en thème et du Challenge Mystère.

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Lorsque les habitants d’El Idilio découvrent dans une pirogue le cadavre d’un homme blond assassiné, ils n’hésitent pas à accuser les Indiens de meurtre. Seul Antonio José Bolivar déchiffre dans l’étrange blessure la marque d’un félin. Il a longuement vécu avec les Shuars, connaît, respecte la forêt amazonienne et a une passion pour les romans d’amour. En se lançant à la poursuite du fauve, Antonio José Bolivar nous entraîne dans un conte magique, un hymne aux hommes d’Amazonie dont la survie même est aujourd’hui menacée.

  • Poche: 128 pages
  • Éditeur : Points
  • Prix : 5.90€

AVIS

Le vieux qui lisait des romans d’amour est un roman qui me tentait autant qu’il me faisait peur. J’en avais entendu tellement de bien que mes attentes étaient forcément élevées. Et je dois dire que sans être un coup de cœur, j’ai apprécié cette histoire qui nous fait voyager au cœur de la forêt amazonienne, un décor que l’on a peu coutume de découvrir dans les romans. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le voyage se révèle aussi dépaysant qu’immersif. En effet, l’auteur arrive en quelques phrases toujours concises, mais pleines de réalisme, à nous plonger au cœur de cette forêt tant convoitée par les hommes. La faune et la flore nous sont si bien décrites qu’on s’imagine aisément la voir prendre vie sous nos yeux, et le spectacle est grandiose à l’image de cette immense forêt.

Néanmoins, l’auteur n’idéalise pas non plus l’Amazonie ni la vie des Shuars ou des quelques habitants du village El Idilio puisque la vie sur place est rude et pleine de dangers. Pour vivre ou survivre, il vous faudra apprendre à respecter et à connaître cette foisonnante nature, une vérité que les Shuars ont depuis longtemps intégrée. Ce n’est pas forcément le cas des colons ou des chercheurs d’or qui, non contents d’envahir un territoire qui n’est pas le leur, font preuve d’un irrespect total envers leur nouveau lieu d’habitation…

Un comportement qui reste rarement impuni, l’Amazonie n’étant pas un lieu où l’on peut vivre sans respecter ses règles. Et cela, certains colons, chercheurs d’or et autres individus supposés civilisés en feront régulièrement les frais à l’instar de ce chasseur retrouvé mort par des Shuars. Accusés injustement par un maire plus intéressé par son enrichissement personnel que la justice, ces hommes ne seront innocentés que grâce à la perspicacité du « vieux » alias Antonio José Bolivar. Et celui-ci va vite comprendre que le mort a réveillé les instincts meurtriers d’un fauve en s’attaquant à ses petits… Plus ou moins forcé par le maire, le vieux accompagné d’autres hommes se lancera alors dans la traque d’un animal rendu fou par la folie et la bestialité des hommes.

Alors que le fauve tue implacablement des humains, le lecteur ne peut s’empêcher de comprendre son comportement et son raisonnement. On lui a pris les siens alors pourquoi ne pourrait-il pas prendre la vie de ces hommes sanguinaires qui, pour lui, se ressemblent tous ?  Ceci est d’autant plus vrai que dans ce roman, ce ne sont pas forcément les animaux qui sont sauvages, mais plutôt ces « gringo » qui débarquent comme s’ils étaient chez eux et ne respectent rien. A l’exception d’Antonio et d’un dentiste aux méthodes de travail originales, aucun des personnages de l’histoire n’attire donc la sympathie. Certains, comme le maire, attireraient plutôt du mépris. Seule figure d’autorité présente au sein du village, il symbolise ce qu’il y a de pire dans l’exercice d’un pouvoir détourné et dévoyé : lâcheté, corruption, malhonnêteté, obstination sourde face aux événements…

Devant une humanité peu attrayante, on comprend qu’Antonio préfère vivre éloigner des siens et se plonger dans ses romans d’amour où la passion et la découverte des sentiments amoureux des personnages lui permettent d’oublier, pendant un petit moment, la bêtise et la méchanceté humaines. C’est, en outre, intéressant de voir que l’auteur a su mettre en parallèle cet homme bourru et son appétence pour les histoires d’amour avec l’Amazonie, un endroit parfois difficile et dangereux, mais dont la beauté peut charmer. Une dualité qui lie donc notre homme à cette nature qu’il a appris à aimer et à respecter malgré les épreuves qu’elle a pu lui faire subir par le passé.

Avec un titre comme Le vieux qui lisait des romans d’amour, j’espérais que la lecture prenne une place importante dans l’histoire, qu’elle soit sur le devant de la scène plutôt qu’en toile de fond comme c’est le cas ici.  On pourrait estimer que ce qui compte ici, ce sont tous les sujets abordés par l’auteur et la sagesse qui se dégage de son histoire, mais cela ne changerait en rien ma légère déception sur ce point…

J’ai, en revanche, été séduite par le style très vivant de l’auteur ! Empreint d’un certain humour, il a un côté immersif qui vous pousse à vous plonger totalement dans le récit et à vivre les différents événements comme si vous y étiez. Les plongées dans les souvenirs d’Antonio apportent, en outre, un éclairage sur ce que fut sa vie et permettent, dans une certaine mesure, de mieux comprendre ses réactions et son envie de rester à l’écart des autres habitants du village. Cette alternance entre passé et présent dynamisme le récit et lui insuffle un certain rythme d’autant que les événements s’enchaînent rapidement et s’imbriquent parfaitement.

Au-delà de l’action bien présente, il y a également, tout au long du roman, cette idée d’introspection et de réflexion sur la nature, sur les hommes et leur capacité à ruiner ce que le monde leur offre, sur la colonisation, sur la déforestation… Une portée quasi philosophique qui fait toute la richesse et la profondeur du roman, mais qui peut parfois donner le sentiment étrange que malgré l’action, il y a une sorte d’inertie, un rythme différent de celui que nous connaissons dans nos sociétés. Tout se passe à la fois rapidement et presque lentement comme si l’auteur désirait que ses lecteurs s’imprègnent totalement de l’atmosphère si particulière de l’Amazonie.

En conclusion, Le vieux qui lisait des romans d’amour est une très belle histoire qui nous offre une plongée immersive au cœur de l’Amazonie que l’auteur semble prendre à cœur de défendre. Entre des descriptions concises mais percutantes, un humour teinté de cynisme, et un personnage haut en couleur, il signe ici un roman que l’on prend plaisir à lire autant pour l’intrigue que la sagesse qui se dégage du récit.

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16 réflexions sur “Le vieux qui lisait des romans d’amour, Luis Sepúlveda

  1. Bonjour, j’aimerais bien vous proposer de chroniquer mon nouveau ouvrage, l’enfant philosophe, à paraître début avril. Ouvrage de 50 pages. Un roman philosophique. Merci d’avance.

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