Le serpent majuscule, Pierre Lemaitre

Couverture Le serpent majuscule

C’est en fouinant dans les livres audio du catalogue de La Médiathèque Numérique de la Loire que je suis tombé sur Le serpent majuscule, un roman dont le titre et la couverture m’ont tout de suite intriguée.

« Avec Mathilde, jamais une balle plus haute que l’autre, du travail propre et sans bavures. Ce soir est une exception. Une fantaisie. Elle aurait pu agir de plus loin, faire moins de dégâts, et ne tirer qu’une seule balle, bien sûr. »

Dans ce réjouissant jeu de massacre où l’on tue tous les affreux, Pierre Lemaitre joue en virtuose de sa plume caustique. Avec cette œuvre de jeunesse inédite, il fait cadeau à ses lecteurs d’un roman noir et subversif qui marque ses adieux au genre.
Dialogues cinglants, portraits saisissants, scénario impitoyable : du pur Pierre Lemaitre.

 

AVIS

Pierre Lemaitre fait partie de ces auteurs que je voulais absolument découvrir et un heureux hasard m’a permis de le faire à travers son premier roman, probablement moins connu que ses autres livres, mais absolument génial ! J’ai lancé l’écoute de ce livre audio sans aucune attente et en suis ressortie conquise par le ton du récit, l’auteur faisant preuve d’un délicieux humour noir qui offre un décalage intéressant entre ce qui se passe et ce que l’on ressent.

Alors que l’on assiste aux dérapages d’une tueuse à gages qui commence clairement à perdre la tête, on ne peut s’empêcher de sourire. Les cadavres s’empilent, les bavures s’enchaînent et pourtant, on n’a envie que d’une chose, que Mathilde se sorte de ce bourbier dans lequel elle s’enfonce avec un aplomb étonnant. Avec facétie et une certaine impertinence, l’auteur nous offre ici un récit absolument jouissif où les règles de la morale s’effacent au profit d’une anti-héroïne en roue libre.

Et quand on connaît l’efficacité de Mathilde dans son métier, on comprend très vite que ça ne sent pas très bon pour les personnes qui ont le malheur de l’agacer, comme ce policier venu chez elle l’interroger, ou celles qu’elle va prendre pour les cibles de contrats imaginaires. Mathilde a son métier de tueuse à gages dans la peau pour le meilleur, mais surtout pour le pire ! On ne devrait pas se réjouir des morts qu’elle sème derrière elle, mais l’auteur nous présente chaque situation de telle manière qu’on ne peut s’empêcher au minimum de sourire !

J’ai également apprécié le glissement qui s’opère progressivement, rendant le roman de plus en plus haletant avec une impression de duel au sommet entre Mathilde et son ami/béguin de longue date, tous les deux anciens résistants et tous les deux tueurs à gages très doués. J’ai aimé découvrir leur relation bâtie sur des rendez-vous manqués, une attirance jamais consommée et des espoirs pas vraiment envolés, mais j’ai surtout savouré la manière dont l’un va tenter d’arrêter l’autre. Une délicate mission, car si Mathilde a perdu la tête et n’est plus vraiment en prise avec la réalité, elle n’a rien perdu de son efficacité légendaire ! Vous verrez qu’elle a plus d’un tour dans son sac et d’une arme en réserve.

Cette tueuse à gages lunatique, dont l’amour des chiens ne se retrouve guère dans son comportement, est un personnage atypique, et ambivalent pour lequel on développe une sorte de fascination empreinte de répulsion. Elle tue des gens contre de l’argent, mais la manière dont elle vit son métier et gère sa carrière donne le sentiment que tueur à gages est une profession comme les autres. Un décalage entre ce qu’elle fait et ce qu’elle ressent qui ajoute à l’aura particulière entourant cette femme dont l’apparence ne reflète en rien son degré de dangerosité. À cet égard, Pierre Lemaitre joue à merveille sur les apparences, nous prouvant qu’il est parfois mortel de se fier à ce que l’on voit…

Quant à la fin, elle m’a semblé parfaite pour ceux qui pensent que le karma finit toujours pas nous rattraper et/ou ceux qui aiment tout simplement les situations qui les frappent par leur ironie ! Je pense pouvoir dire que je fais invariablement partie de cette deuxième catégorie.

Les termes « drôle, immoral et réjouissant » présents sur la couverture définissent à merveille ce roman dont l’écoute m’a captivée, ayant eu un mal fou à quitter Mathilde, et la voix absolument envoûtante de Nicolas Djermag. L’acteur interprète à merveille les héroïnes à côté de la plaque, qui se sentent néanmoins dans leur bon droit, et qui décident de régler leurs comptes de manière radicale ! La justesse de son interprétation rend la lecture absolument savoureuse.

Le serpent majuscule est un roman à conseiller aux amateurs d’humour noir, de textes irrévérencieux et de protagonistes hauts en couleur qui ne brillent pas par leur moralité, mais qu’on n’arrive pas à se forcer à détester.

44 réflexions sur “Le serpent majuscule, Pierre Lemaitre

  1. J’avais bien aimé Alex de l’auteur, mais depuis je n’ai jamais relu sa plume. Celui-ci me plairait bien d’autant que Mathilde semble être un personnage atypique. J’ai bien fait de lire ton avis, car je t’avoue qu’en voyant la couverture, je n’aurais pas parié sur une histoire de tueuse à gage. 🤭

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  2. Une lecture sympa pour moi, avec cet agréable côté rétro à base de messages cachés dans des cabines téléphoniques… J’ai (trop) peu lu cet auteur, dont j’avais aussi aimé « Cadres noirs », un thriller impeccable. En revanche, je n’ai pas approché ses derniers romans, historiques. Il y a tant de livres…
    Bonne soirée à toi!

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