C’est auprès d’elle, Dorothée Catoune

Cest-Auprès-d-Elle-Dorothée-Catoune

Je remercie les éditions de l’Archipel de m’avoir envoyé C’est auprès d’elle de Dorothée Catoune en échange de mon avis.

Ne jamais juger son prochain sans le connaître

Un accident se déroule sous les yeux d’une boulangère. Un pompier, premier arrivé sur les lieux, explique que la principale victime est un bébé de neuf mois, resté seul dans la voiture. L’infirmier qui soigne l’enfant décrit la longue convalescence de ce dernier. Se succèdent ainsi plusieurs personnes dont le seul point commun est d’avoir croisé la route de Marie, la mère de cet enfant. Chacun y va de son impression et de son jugement.

Mais qui est réellement Marie ?

Mêlant humour et gravité, ce roman montre que la vie est faite de chutes, de virages, de remontées et d’amour. Mais aussi de belles surprises, lorsque l’on sait s’affranchir des regards accusateurs.

L’Archipel (8 septembre 2022) –  272 pages – Broché (18€)

AVIS

Voici un roman qui m’a fait passer par différentes émotions, de l’agacement, voire de l’énervement, à la compassion en passant par l’empathie. Si je préfère lire des œuvres qui me plaisent de A à Z, j’aime aussi parfois ce genre d’histoire qui me bouscule, me pousse dans mes retranchements, et m’aide à prendre du recul sur mes propres ressentis.

Le roman commence sur un drame, celui d’une maman qui assiste impuissante à l’inimaginable. Une voiture, un bébé laissé seul à l’intérieur juste pour quelques minutes, le sang et les premiers jugements, suivis de nombreux autres. Il faut dire que les êtres humains ont cette « formidable » capacité à juger sans savoir, ni connaître le contexte ou les personnes… Sorte de réflexe pavlovien pour se rassurer sur sa propre supériorité morale. Mais Marie n’en a cure de ces jugements, restant dans sa propre bulle au chevet de son bébé, aidée par la présence de Zoé, une enfant attendrissante hospitalisée…

Le lecteur lui n’aura pas la chance de pouvoir ignorer tous ces jugements, Dorothée Catoune nous plongeant dans les pensées de différents personnages : la boulangère ayant assisté à l’accident, le pompier intervenu sur les lieux du drame, un infirmier de l’hôpital, une assistante sociale plus toxique que bienveillante, la seule amie de Marie, son premier amour, son ex-mari… Des personnes toutes très différentes les unes des autres, ce qui ne se ressent pas vraiment dans la narration. L’écriture étant néanmoins très plaisante, cela ne m’a pas dérangée outre mesure.

À l’inverse, j’ai été très gênée, si ce n’est profondément agacée, que la plupart des pensées des intervenants tournent autour du physique de Marie. Elle vit un drame, son bébé est dans un état critique, mais la première chose qui vient à l’esprit des gens, c’est que Marie ait de très beaux yeux, et que ce soit une belle femme. À ce stade, et si ça n’avait pas été un service presse, j’aurais probablement abandonné ma lecture. Pas parce que le roman est mauvais, mais parce que l’autrice a mis le doigt sur cette obsession des apparences que je ne supporte pas. Même en plein drame, Marie n’est réduite qu’à son physique et est condamnée à être la belle femme, enviée, jalousée et critiquée par certain(e)s, vue comme un trophée à conquérir par d’autres.

Ce poids du regard des autres, Marie le vit depuis qu’elle est enfant où cette fois, ce n’est pas sa beauté qui éclipsait sa personnalité et ses émotions, mais son supposé surpoids moqué par certains de ses camarades. Devenu cygne blanc, l’ancien vilain petit canard a heureusement découvert, au fil des années, l’importance de se dégager du regard de l’autre pour être soi. Une transformation qui nous est narrée, l’autrice proposant, dans une deuxième partie, de nous raconter Marie, la vraie Marie, pas celle imaginée et fantasmée par les autres. Un retour dans le passé qui m’a enchantée, notre héroïne étant touchante quel que soit son âge.

Alors que j’ai fait traîner la première partie, j’ai dévoré cette seconde partie bien plus introspective et intime. J’ai adoré découvrir les pensées de Marie, ses joies auprès d’un père qui l’a élevée seul du mieux qui le pouvait, ses deuils, ses peines et colères souvent liées à l’abandon de sa mère, ses doutes, la manière dont elle s’est parfois laissé porter par la vie, n’ayant finalement pas d’objectif précis si ce n’est celui d’être mère. Petit à petit, se dessine le portrait en pointillé, puis en pleine ligne, d’une jeune femme indécise qui se cherche et finit par se trouver, qui arrive à rebondir malgré les épreuves, et qui laisse derrière elle ses rancœurs pour mieux construire son propre bonheur.

Je n’ai pas approuvé toutes ses décisions, mais j’ai apprécié de la voir s’émanciper et réaliser qu’elle-même s’est parfois permis de juger trop promptement les gens, à commencer par sa propre mère. Une mère qui a fait un choix de carrière peu commun, mais qu’il ne convient pas de juger, chaque femme étant libre de son corps ! À cet égard, l’autrice énonce avec pertinence une réalité qu’on a trop vite fait d’oublier sur l’autel d’une hypocrite bienséance. En revanche, je ne partage pas certaines conclusions, car si chaque personne est libre de son destin, elle est également liée à ses décisions. Or, un enfant ne s’abandonne pas pour faire carrière comme on abandonnerait un jouet dont on s’est lassé…

Quant à l’écriture de l’autrice, elle est aussi fluide qu’agréable. Certaines expressions m’ont semblé manquer de naturel dans la première partie, mais j’ai aimé la capacité de Dorothée Catoune de nous donner l’impression de parler à chacun d’entre nous. Une proximité lecteurs/auteur/personnages qui instaure un climat de confiance et de connivence, le genre d’ambiance qui favorise les confidences. Et cela tombe bien puisque finalement, ce sont bien les confidences des personnages que l’on récolte au gré des pages, ce qui incite indirectement à un certain travail d’introspection sur ses propres pensées, et la manière dont nous pouvons nous-mêmes tomber dans le piège du jugement... Une mauvaise habitude dont personne ne peut se vanter d’être dépourvu, mais sur laquelle, avec un peu d’effort, nous sommes tous capables de travailler.

En conclusion, C’est auprès d’elle est un roman qui m’a fait traverser par un certain nombre d’émotions, certaines plus agréables que d’autres. Au-delà du travail de l’autrice qui dénonce avec justesse la manière dont les êtres humains ont tendance à se laisser emporter par leurs jugements, sans dépasser le simple stade des apparences, je retiens de ce roman son héroïne. Une jeune femme courageuse, plus forte que fragile, et émouvante qui touche le lecteur en plein coeur, et qui saura malgré les épreuves et les douleurs, devenir celle qu’elle était destinée à devenir, une fois débarrassée du poids du regard et des attentes des autres. Touchant, parfois agaçant par les vérités et comportements qu’il dénonce, un roman qui ne peut laisser indifférent.

31 réflexions sur “C’est auprès d’elle, Dorothée Catoune

  1. Et bien moi j’adore ce genre de lecture qui est peut-être perçue différemment selon le lecteur qui le découvre. C’est vraiment intéressant de découvrir que la partie que tu as le plus apprécié reste celle que j’ai le moins aimée et inversement.
    Malgré tout je te rejoins sur le style de l’auteure qui se lit avec facilité et son agréable plume !

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  2. J’ai peur que la partie où nous découvrons les jugements de son entourage ou des témoins du drame me révolte légèrement, surtout si les critiques sont basés principalement sur le physique de Marie. Mais je trouve ça bien de remonter sur son enfance, où justement le regards des autres étaient déjà présent pour d’autre raison, mais qu’elle ait su se construire en faisant fi de tout ça tout en réalisant qu’elle aussi avait parfois eu le jugement un peu facile. Ce roman m’avait déjà interpellé sur le blog de Steven, et l’intérêt est maintenu par ta chronique. Merci Audrey pour cet avis. 😊

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  3. Après avoir lu plusieurs chroniques, je ne sais toujours pas si j’ai envie ou non de découvrir ce roman. Toi-même, tu as ressenti des émotions différentes au cours de ta lecture. En réalité, je suis curieuse du sujet, surtout quand j’imagine comme on fait face au jugement des autres. La protagoniste m’intéresse également, mais je ne sais pas, quelque chose me retient, mais je ne saurais dire quoi.

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