Les enfants d’abord : Janusz Korczak, une vie au service de l’éducation et des droits de l’enfant de Stéphane Tamaillon et Priscilla Horviller

Je remercie Babelio et les éditions Steinkis de m’avoir envoyé Les enfants d’abord : Janusz Korczak, une vie au service de l’éducation et des droits de l’enfant de Stéphane Tamaillon et Priscilla Horviller en échange de mon avis.

Journaliste, médecin, écrivain, pédagogue, Janusz Korczak (1878-1942), déjà préoccupé dans sa jeunesse par le sort des plus petits, a dédié sa vie aux droits des enfants. Pendant trente ans, il dirige La Maison de l’orphelin, un établissement pilote historique organisé en république, doté d’un parlement, d’un tribunal et d’un journal. En parallèle, il écrit pour la littérature jeunesse, dont le grand classique Roi Mathias 1er.

Steinkis (27 janvier 2022) – 150 pages – 20€

AVIS

Je ne connaissais pas Janusz Korczak avant de me plonger dans son histoire à travers cette magnifique BD qui allie simplicité et expressivité grâce aux dessins de Priscilla Horviller. Les traits sont simples, les décors précis et les touches de couleur utilisées avec grande justesse, permettant de mettre en avant de manière percutante le ou les protagonistes au coeur de chaque planche. Il se dégage une incroyable sensation de liberté dans l’agencement des cases et l’utilisation de l’espace, les dessins sortant parfois des cadres afin de laisser place à ce grain de vie et d’imagination si cher à Janusz Korczak.

Un homme définitivement en avance sur son temps qui semble avoir dès son enfance compris l’importance de l’éducation et de la pédagogie, deux choses encore peu communes à une époque où éduquer un enfant revenait à le mater. Au gré des pages, on découvre ses idées, son envie de travailler avec les enfants en respectant leur intégrité, en les écoutant vraiment et en suivant leurs besoins, et non en leur imposant ceux des adultes. Je n’ai pas approuvé toutes ses méthodes certaines m’ayant paru moralement discutables, et d’autres m’ayant semblé ne pouvoir fonctionner que dans des conditions très particulières. Mais dans l’ensemble, j’ai trouvé ses idées, comme la création d’un orphelinat doté de son propre tribunal et parlement, intéressantes et à son image, c’est-à-dire bienveillantes et humanistes.

Bien que le mot ne soit pas employé dans la BD, Janusz Korczak peut être sans conteste qualifié d’humaniste mais aussi de libre penseur, ce dernier, durant ses études de médecine, n’hésitant pas à côtoyer l’intelligentsia polonaise malgré les dangers. La Pologne est, en effet, sous influence russe et la Russie, veillant à effacer l’identité polonaise, ne voit pas d’un très bon œil que certains tentent d’en véhiculer la culture, la langue et les idées. Puis, la domination russe laisse place à l’arrivée des loups, de cette Allemagne nazie qui impose petit à petit sa haine des Juifs, poussant Janusz Korczak à devoir lutter encore plus dur pour assurer la protection de ses protégés. Bien qu’il fasse de son mieux pour ne pas leur faire oublier la magie de l’imagination, la réalité de la guerre va le et les rattraper.

Les autorités polonaises l’ont félicité et décoré pour son travail, elles vont finir par le persécuter parce qu’il est juif. Déterminé à sauver les orphelins dont il a la charge, Janusz Korczak prendra des risques, se relevant de chaque coup dur, mais petit à petit, on sent et on voit ses forces s’amoindrir, sa condition physique se détériorer et son mental s’évader et espérer un ailleurs dont on ne revient plus. Janusz Korczak, médecin, écrivain, éducateur, journaliste et pédagogue est un homme touchant qui impressionne de par sa force de caractère, sa détermination et ses fortes convictions. Des convictions qui lui coûteront beaucoup et qu’il suivra jusqu’au bout, quand d’autres auraient probablement fui devant le danger…

Pour autant, Stéphane Tamaillon ne fait pas le panégyrique de cet homme aux multiples talents, mais nous offre un portrait tout en nuances et en profondeur, Janusz Korczak n’étant pas parfait. Parfois entêté, il possède également ses propres faiblesses comme cette peur de la folie qui le rend incapable de tendre la main à certains enfants. Conséquence d’une enfance noircie par la folie d’un père qui a conduit sa famille à la déchéance, mais qui ne l’aura pas empêché de devenir ce grand homme dont le travail auprès des enfants mérite d’être (re)connu. Pour ma part, j’ai également envie de découvrir Janusz Korczak l’écrivain, le héros de son roman et grand succès Le roi Mathias Ier faisant quelques apparitions, et servant de fil conducteur, un peu comme si son tragique destin annonçait celui de son créateur. Un créateur à l’imagination foisonnante qui a dû concilier les attentes de sa mère avec ses propres désirs, ses idées à la réalité, et son grand coeur à une violence dont même les plus vaillants ne peuvent pas toujours sortir vainqueurs.

En conclusion, Une vie au service de l’éducation et des droits de l’enfant nous offre une plongée émouvante dans la vie de Henryk Goldszmit devenu Janusz Korczak. Un homme qui a consacré toute sa vie aux enfants, introduisant des principes éducatifs en avance sur son temps, et rappelant l’importance d’écouter les enfants pour les comprendre et non pas de les contraindre pour se faire obéir. Touchante et parfois difficile de par le contexte historique dans lequel elle nous plonge, cette BD respire aussi l’imagination et souffle un petit vent de liberté grâce à une mise en page originale et pertinente qui colle à merveille à l’esprit hors case d’un homme aux multiples talents. Que ce soit pour le contexte de cette Pologne passant du joug d’un bourreau à celui d’un monstre, les idées révolutionnaires d’un idéaliste qui n’a jamais cessé de lutter pour les droits des enfants, ou les illustrations insufflant vie et émotions, une BD à partager et qui prouve que l’on peut s’instruire tout en se divertissant.

16 réflexions sur “Les enfants d’abord : Janusz Korczak, une vie au service de l’éducation et des droits de l’enfant de Stéphane Tamaillon et Priscilla Horviller

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