Le jeu de l’assassin, Ngaio Marsh

Couverture Le jeu de l'assassin

Six invités sont conviés par un excentrique collectionneur d’armes à participer à une murder party dans sa propriété campagnarde. Seulement, c’est un véritable cadavre qui est retrouvé à l’issue du jeu de rôles… La victime ? Charles Rankin, un quadragénaire aisé et coureur de jupons.
Parmi les coupables possibles ? Le maître des lieux, son majordome russe, un professeur d’origine russe, lui aussi, la maîtresse du défunt, son mari jaloux, la femme que Rankin devait épouser…

Parue en Grande-Bretagne en 1934, la première enquête de Roderick Alleyn, de Scotland Yard, aristocrate cultivé et élégant, est à savourer pour son humour à froid so british.

Archipoche (21 octobre 2021) – 260 pages – Papier (14€)

AVIS

Réédition d’un roman paru dans les années 30, Le jeu de l’assassin marque les débuts d’une série de cosy mystery que je prendrais plaisir à continuer, ayant apprécié la plume de l’autrice et son style assez particulier. Il se dégage, en effet, quelque chose de très théâtral dans la manière dont l’autrice met en scène les personnages, et plus particulièrement, son enquêteur et un journaliste qui, de fil en aiguille, va passer du stade d’invité à une murder party, à celui de suspect avant d’endosser le rôle d’assistant.

J’ai, en outre, été agréablement surprise par l’enchaînement des scènes qui m’a donné l’impression d’assister à une pièce de théâtre grandeur nature, avec des dialogues ciselés, précis et bien souvent relancés par un inspecteur assez insaisissable. Courtois, compréhensif, mais guidé par un instinct affûté et une intelligence froide, Alleyn est le genre de personnes dont il est quasiment impossible de deviner les pensées. Un côté insaisissable qui lui sera fort utile pour enquêter sur les dessous d’une murder party à l’issue mortelle, la personne jouant le rôle de la victime ayant été réellement assassiné.

Qui a pu tuer Charles Rankin, un coureur de jupon bien fait de sa personne, et pour quelle raison ? Est-ce l’un des six invités, l’hôte lui-même, un(e) domestique ou une personne de l’extérieur ? Pour le déterminer, Alleyn n’aura pas d’autre choix que de passer la scène du crime au crible, interroger chacun en essayant de gratter la surface pour comprendre les non-dits et les relations entre les personnes présentes, sans oublier de creuser la piste d’une société secrète russe et d’une arme du crime qui semble susciter les passions et cristalliser les tensions. La tâche est de taille, mais notre inspecteur pourra compter sur son flair de fin limier, son sang-froid et l’aide, entre autres, du cousin de la victime et participant à la muder party, un journaliste qui détonne parmi les autres invités.

Au fil des pages, on voit le duo se former selon une dynamique qui ne sera pas sans rappeler, dans une certaine mesure, celle du célèbre duo Sherlock/Watson, bien que nos deux comparses soient quand même bien moins impressionnants et doués. Mais comme le souligne Alleyn, une tête pensante n’a-t-elle pas toujours besoin d’un faire-valoir pour avoir l’impression de briller ? Si la pique peut-être blessante, elle est dite sans méchanceté et caractérise assez bien l’humour non dénué de dérision d’Alleyn, qui flirte entre le sarcasme et une froideur de bon aloi. D’ailleurs, Nigel ne s’en offusque guère et prend son rôle d’assistant au sérieux : s’il n’était pas proche de son cousin, il aimerait néanmoins en débusquer l’assassin. Et puis, un journaliste, comme un inspecteur, ça aime enquêter… Un point commun qui les rapproche dans leur manière assez froide de considérer la situation.

L’enquête en huis clos se révèle intéressante et dynamique, Alleyn sollicitant régulièrement les invités, parfois de manière peu conventionnelle, tout en prenant le temps de récapituler les faits et son avancée. J’ai apprécié le procédé qui m’a donné le sentiment de participer activement à l’enquête, voire à une murder part en raison du côté très théâtral de la plume de l’autrice et du scénario. Le suspense sans être intenable est, quant à lui, au rendez-vous, certains invités ayant un mobile, quand d’autres semblent cacher des informations et/ou réagir de manière suspecte. Le parti pris de l’autrice de ne pas développer outre mesure la psychologie de ses personnages leur confère, en outre, une certaine aura de mystère, puisque difficile de savoir qui est capable de quoi.

J’ai néanmoins regretté des personnages féminins assez clichés (le contexte historique et social n’aide pas), bien qu’une femme sorte heureusement du lot. Intelligente, indépendante, conductrice intrépide, voire chauffarde en puissance, et courageuse, Angela n’hésite pas à prendre des risques pour innocenter son amie et aider notre duo Alleyn/Nigel. J’ai d’ailleurs trouvé Angela plus intéressante que Nigel qui m’a semblé avoir tendance à subir les événements plutôt qu’à les anticiper. En ce sens, il respecte parfaitement son rôle de faire-valoir d’un inspecteur, peut-être pas brillant, mais intuitif et méthodique, qui aime ménager ses effets. 

J’ai douté jusqu’à la fin du ou de la coupable, éliminant et revenant régulièrement sur des suspects en fonction des raisonnements de l’inspecteur et de ses découvertes... Si j’aurais souhaité une fin plus flamboyante, je reconnais son réalisme notamment quant aux raisons expliquant un crime qui a transformé une soirée de jeu amusante en un véritable drame. Alors un petit conseil, réfléchissez-y à deux fois avant d’accepter de participer à une murder party et plongez-vous plutôt dans ce roman qui allie charme anglais, plume vive et dynamique, meurtre et enquête à la mise en scène très théâtrale !

Je remercie les éditions de l’Archipel pour m’avoir envoyé ce roman en échange de mon avis.

33 réflexions sur “Le jeu de l’assassin, Ngaio Marsh

  1. Cela à l’air bien amusant ! Un Cluedo apparemment bien fait 🙂 Mais il est vrai que se replonger dans des livres qui ont presque 100 ans est souvent surprenant du point de vue de la place des femmes dans la société !

    Je ne connais pas cette auteur mais il à l’air de bien gérer son enquête, avec un style qui s’y prête bien !

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  2. Je sais bien que le contexte n’aide pas, mais je comprends ta déception quant aux personnages féminins pas assez mis en avant malgré Angela qui sort du lot. J’aime ta conclusion pleine d’humour sur les murders party. Effectivement, mieux vaut réfléchir à deux fois, afin d’éviter les mauvaises surprises comme ici ! 😀

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  6. J’ai découvert ce roman un peu par hasard et je ne le regrette pas. Je dois même avouer que je ne connaissais pas l’auteure (Honte à moi).

    En ce qui me concerne, j’étais persuadé de détenir le nom du coupable très rapidement et cela s’est avéré exact, même j’aurais été incapable de justifier autrement que « C’était sur que c’était pas lui, donc c’est lui ^^ ».

    Je pense me plonger dans une autre enquête d’Alleyn (que je préfère à Poirot ^^) très rapidement.

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