Tambaqui, tome 1 : Naissance d’une nation, Sébastien Habel Blais

Couverture Tambaqui, tome 1 : Naissance d'une nation

Chaque royaume possède son histoire. Sa chronologie. Ses héros. Mais surtout, ses fondateurs. Comment naît une nation, en fait? Voilà ce que découvriront des exilées de la Grande-Britonie. Elles trouveront refuge dans la jungle, où triomphent les règnes animal et végétal. Sur ce territoire hostile, elles tenteront d’établir une communauté amazone, Tambaqui. Survivront-elles sans l’aide des hommes? Sauront-elles protéger leurs futures héritières des mains de la civilisation quand cette dernière aura vent de leur existence?D’un tome à l’autre, vous vivrez les épreuves sanglantes de Tambaqui à travers ses ères. Mais d’abord, débutons par sa création, la période la plus vulnérable d’une nation.

Sébastien Habel Blais (20 mars 2021) – 576 pages – Broché (17,94€) – Ebook (5,04€)
Couverture : Samir Guessab

AVIS

Attirée par la couverture et intriguée par le résumé, j’ai accepté avec plaisir la proposition de l’auteur de découvrir son roman de presque 600 pages. Et je dois dire que je ne le regrette nullement, ayant été captivée de la première à la dernière ligne par l’histoire de ces quelques femmes qui, lasses d’être sous le joug des hommes et révoltées par leurs conditions, décident de prendre leur destin en main. Et pour ce faire, elles ne reculent devant rien, ni le vol, ni le meurtre ! Après une situation délicate de laquelle la plupart réchappent, elles finissent par s’enfoncer dans la jungle et bâtir le fondement d’une nation créée par et pour les femmes : Tambaqui. Un nom dont l’origine peut prêter à sourire, mais qui marque le début d’une longue aventure riche en péripéties et en dangers.

L’idée d’une société de femmes vivant en autarcie n’est pas nouvelle en soi, mais j’ai apprécié la manière dont l’auteur nous narre l’exil de ces femmes qui décident qu’elles seront dorénavant les seules maîtresses de leur vie et de leur destin. Exit le père autoritaire, le mari violent, et tous ces hommes qui dominent, brutalisent et briment les femmes comme si elles n’avaient pas de volonté propre, ou n’étaient pas capables d’ambition. Or, Helvetia, Hasda, Mahdie, Aïcha et Xaverine vont nous prouver, au fil des pages, qu’elles savent parfaitement planifier, construire, se défendre, apprendre de leur environnement et en tirer parti… Très différentes les unes des autres, chacune va développer ses propres forces et travailler à la construction d’une société matriarcale basée sur l’entraide, la transmission entre générations, la solidarité, le travail, le respect et l’écoute.

Helvetia, devenue la reine de cette jeune nation, va découvrir la difficulté de concilier au mieux les souhaits et les attentes de chacune, tout en assurant la protection d’une communauté qui a grandi au fil des mois et des ans, au gré des rares rencontres avec des hommes des tribus locales. Mission ardue, voire impossible à mesure que les difficultés se multiplient et que les dangers mettent en péril l’avenir de Tambaqui. Entre les tensions internes, les mensonges des unes et des autres, les rivalités, l’égoïsme de certaines bien loin de l’idéal de solidarité défendu par la reine, le besoin d’indépendance et l’esprit de découverte des plus jeunes, et la menace des hommes de la ville, la vie à Tambaqui va prendre une tournure inattendue, si ce n’est dramatique. 

Devant ce groupe qui va connaître bien des déboires, j’ai souvent retenu mon souffle, l’auteur n’épargnant ni ses personnages ni ses lecteurs. Attendez-vous donc à des scènes assez difficiles d’autant que très immersives ! Pour ma part, je n’ai pas réussi à détacher mes yeux du roman, désirant tout connaître du sort de ces femmes que l’on finit par apprendre à connaître, mais pas toujours à apprécier. Ainsi, si l’on ne peut qu’approuver les idéaux de liberté derrière la naissance de Tambaqui, certaines décisions du groupe m’ont saisie d’effroi, comme la manière dont les matriarches veillent à ce que le groupe reste 100% féminin. Je dois également avouer avoir été choquée par cette mère qui oblige sa fille à s’accoupler pour engendrer une fille, après avoir tué le bébé mâle qu’elle venait de mettre au monde. Un exemple de la cruauté et de la brutalité que vous trouverez dans ce roman, qui nous prouve que la ligne entre le bien et le mal peut-être aisément franchi, a fortiori quand l’on est dans une optique de survie.

Ainsi, un peu à la manière des séries comme Les 100, dont on retrouve ici le côté très addictif, la survie est au centre des préoccupations des Tambaquiennes qui, après une relative paix, doivent sortir les armes, et apprendre la douleur du deuil. Une blessure que les matriarches du groupe connaissaient déjà, mais que les plus jeunes vont découvrir. Les réactions des enfants devant la mort m’a d’ailleurs assez déstabilisée, et laissent craindre de nouvelles difficultés pour le groupe dans le futur. Elles soulèvent également quelques questions quant à l’éducation en vase clos dispensée par les matriarches et les conséquences de leur intransigeance. Entre ne plus se laisser dominer, à juste titre, par les hommes et ne voir en eux que des géniteurs qu’il faut détruire s’ils osent entrer dans leur sanctuaire, n’y aurait-il pas un juste milieu ? Un juste milieu qu’une des enfants du groupe semble découvrir par un concours de circonstances et la lâcheté de l’une des femmes du groupe…

Je ne vais pas évoquer les personnages dans le détail, mais en plus de la reine qui marque par sa sincère dévotion envers les siennes et sa capacité à avoir une vision sur le long terme, et d’une femme ayant des dons de médium que j’aurais adoré voir un peu plus exploités, une femme se démarque du lot. En apparence lâche, égoïste et menteuse, on réalise que sa personnalité est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Il serait aisé de la considérer comme simplement mauvaise, mais l’auteur a réalisé un très bon travail sur sa psychologie qui montre jusqu’où quelqu’un peut aller pour survivre. Je n’excuse aucun de ses gestes, je l’ai trouvée méprisable, abjecte, et elle m’a bien souvent dégoûtée, mais elle n’en demeure pas moins capable d’émotions et de remords. Jamais toutefois au point de se mettre en danger.

Une « méchante », tout en subtilité, qui cristallise un peu les limites d’une société bâtie sur des idéaux se confrontant à une dure réalité : homme ou femme, chaque être humain est capable de duperie et de violence. Elle ne sera d’ailleurs pas la seule à faire passer ses propres intérêts avant celle des autres, bien qu’elle n’ait elle pas l’excuse de l’âge contrairement à d’autres. À cet égard, l’auteur se montre assez audacieux dans la mesure où contrairement à l’image de naïveté que l’on associe volontiers aux enfants, les fillettes de ce roman sont assez particulières. Certaines m’ont franchement agacée par leur égoïsme et les risques inconsidérés qu’elles prennent, quand d’autres m’ont inquiétée par leur goût prononcé pour le sang et la violence. J’aurais envie de dire que vu le contexte et leur jeune âge, ça peut se comprendre, mais je n’en suis pas si certaine que cela…

En résumé, avec ce roman, l’auteur nous propose de suivre des personnages féminins forts qui ne nous semblent jamais lisses ou consensuels. Ces femmes sont éprises de liberté et leur reine souhaite inscrire leur jeune nation dans l’Histoire, mais pour ce faire, elles sont prêtes à agir avec la même brutalité et le manque d’humanité de ces hommes dont elles ont voulu s’émanciper. La fin justifie-t-elle les moyens ? Chacun répondra à cette question selon ses propres convictions. Pour ma part, je n’ai pas approuvé toutes les actions de notre groupe, mais j’ai été fascinée par ses péripéties, cette société matriarcale développée dans le sang et la sueur par des femmes de conviction prêtes à tout pour la défendre, et cette aura de danger omnisciente qui nous laisse toujours sur le qui-vive quant au devenir de Tambanqui. Entre les dangers, les luttes contre des ennemis de l’extérieur et de l’intérieur, vous ne devriez pas voir le temps passer, d’autant que la plume de l’auteur, tout en finesse et en fluidité, vous assurera une lecture aussi intense qu’immersive ! Âmes sensibles s’abstenir, mais que les autres n’hésitent pas à assister à la fascinante naissance d’une nation pas comme les autres…

Je remercie l’auteur de m’avoir envoyé son roman, disponible sur Amazon, en échange de mon avis.

11 réflexions sur “Tambaqui, tome 1 : Naissance d’une nation, Sébastien Habel Blais

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