Sous la ville rouge, René Frégni

 

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Charlie Hasard habite à Marseille. Ce solitaire ne connaît que deux passions : l’écriture et la boxe. Il a subi de nombreux échecs auprès des éditeurs, et trouve un exutoire dans les séances d’entraînement. Quand un de ses textes attire enfin l’attention d’un éditeur parisien, Charlie est persuadé que sa vie va enfin changer… C’est en réalité le début pour lui d’un effrayant engrenage.
L’histoire de cet écrivain cherchant ses mots à coups de pioche se déroule dans le cadre lumineux et violent de Marseille, que René Frégni décrit avec le lyrisme sensuel qui est sa marque. Sous la ville rouge : à la fois un thriller redoutablement efficace et une fable sur le désir d’écrire.

  • Broché: 128 pages
  • Editeur : Gallimard (19 avril 2013)
  • Collection : Blanche
  • Prix : 11,90€

AVIS

Le propos est poétique, l’écriture est puissante, mais pourtant, je vais avoir du mal à vous parler de ce livre. D’une part, il fait partie de ces romans trop courts pour prendre le risque d’en parler longtemps sans vous dévoiler l’information de trop. Et d’autre part, c’est le genre d’ouvrage qui résonnera différemment d’un lecteur à l’autre, question de sensibilité sans aucun doute.

Placé sur ma route par hasard, j’ai choisi de lire ce roman en raison de son résumé et de la promesse d’une lecture rapide. Un choix judicieux puisque la lecture fut fulgurante et quelque peu intense ! L’auteur narre en moins de cent trente pages, la vie d’un écrivain qui ne recevra ses lettres de noblesse que dans la déchéance.

La vie de Charlie, Marseillais de cœur et de vie, est rythmée par ses entraînements de boxe, sport qu’il pratique dans un club où il a ses habitudes, et ses moments bien à lui où il laisse la passion de l’écriture et des mots s’exprimer. Entre les deux, il y a quelques boulots alimentaires… Allant de désillusion en désillusion sur le milieu littéraire trusté par l’élite parisienne et le copinage de circonstance, il recevra pourtant un jour ce coup de fil tant attendu d’un éditeur parisien ! Ce coup de fil que chaque auteur ne peut s’empêcher d’espérer…

Mais coup, non par de poing, mais de théâtre : l’opportunité s’évapore devant l’opposition ferme et définitive d’un membre du comité de lecture de l’éditeur. Exaltation puis stupeur, désespoir, colère… Des sentiments forts et antagonistes qui transformeront le feu en glace. Consumé par la rancœur et la haine, l’homme perd ainsi pied et laisse cette violence qui sourdait en lui, comme un monstre tapi dans le recoin sombre d’une rue, exploser. Il faut dire que depuis qu’il a décidé de consacrer sa vie à l’écriture, Charlie a eu le temps d’accumuler les camouflets, les désillusions et cette absolue certitude que le monde de l’édition est scindé en deux. D’un côté, les opportunistes sans talent qui ont du succès grâce à leurs relations, et de l’autre, ceux qui, comme lui, écrivent avec leurs tripes, mais qui ne font pas partie de cette élite parisienne que les médias s’arrachent.

Dans un déchaînement de violence face à l’injustice de la situation, Charles va commettre l’irréparable. Commencera alors pour lui une lente descente aux enfers faite de sueur, de peur, de terreur, mais aussi d’introspection. Déambulant dans les rues de Marseille, cette ville de tous les extrêmes, il essaiera de noyer sa culpabilité dans la luxure, du moins, sur écran, et dans le réconfort de ces rues qu’il connaît si bien. L’homme repense aussi au passé, et à cette mère qui l’a tant aimé… Puis dans un ultime geste de délivrance et d’abandon, à moins que ce ne soit dans un dernier sursaut de vie, il réussit ce dont il ne pensait plus être capable. Mais n’est-ce pas trop tard ? Le rêve ne s’est-il pas déjà évaporé ne laissant sur son sillage qu’un homme nu face à la vie ?

Ce roman est déstabilisant, l’auteur mêlant avec talent brutalité, voire bestialité, et beauté/poésie. L’écriture est belle, poétique, fluide tout en dégageant ce qu’il faut de noirceur pour poser, page après page, les jalons d’un futur drame. On sent cette violence émanant de Charlie quitter la salle de boxe pour s’insérer dans sa vie, par tous les pores de cette peau dans laquelle notre homme ne semble pas forcément à l’aise. Le drame prend alors corps sous nos yeux tout en nous invitant à nous interroger sur ce désir d’écriture tellement intense qu’il pousse un homme à tout sacrifier…

En conclusion, d’une très belle plume teintée de vérité, de beauté et de violence, René Frégni nous propose ici le portrait d’un homme bercé par des rêves d’écriture qui viendront durement et brutalement se fracasser devant la réalité. Un roman court et intense qui revisite avec succès, bien que de manière succincte, le mythe de l’écrivain maudit, ou du moins, de l’écrivain abîmé par la vie et cette écriture dans laquelle il s’est plongé corps et âme au point de s’y noyer…

Et vous, envie de découvrir le roman ?
Vous pouvez le feuilleter sur le site des éditions Gallimard.

 

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6 réflexions sur “Sous la ville rouge, René Frégni

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