J’ai lu Plus heureuse que moi, tu meurs de Joo Youngha en lecture commune dans le cadre d’un challenge autour de la littérature coréenne organisé par Céline du blog Mon journal Livresque.
AVIS
Dès les premières pages, j’ai apprécié l’ambiance dérangeante instaurée par l’autrice qui nous étale avec un sens de la mise en scène percutant les dessous les moins glorieux des réseaux sociaux… Et ceci à l’aune d’une enquête sur le meurtre d’une riche mère de famille qui s’était lancée, avec deux « amies », dans un étrange étalage de son bonheur sur les réseaux sociaux. Ainsi, chacune d’entre elles tentait de prouver à grand renfort de photos sur Instagram qu’elle était la plus heureuse d’entre toutes.
Au fil des pages, on réalise que pour atteindre cet objectif malsain tous les coups étaient permis ! Une photo d’une concurrente sur son propre compte avec un commentaire sibyllin, des propos semant le doute sur les photos d’une « amie », de la manipulation… La course au bonheur de ces mères de famille, qui sont plus intéressées par l’image du bonheur que le bonheur en lui-même, fait froid dans le dos, surtout quand on sait qu’elle se termine par un drame, la mort de Yoo-jin. Du moins, on se doute que sa mort est liée à ce jeu délétère dont il est évident que personne ne peut sortir vainqueur et encore moins indemne.
Profitant des vacances qu’on lui a plus ou moins imposées, notre protagoniste, Mi-ho, décide d’enquêter sur le meurtre de Yoo-jin, ancienne camarade avec laquelle elle semble avoir un passif. Elle pourra compter sur l’aide de Sekyeong également ancienne amie de la victime, mais aussi sur une certaine capacité à foncer malgré le danger. Je dois d’ailleurs dire que j’ai trouvé certaines de ses actions peu probables, sauf à n’avoir aucun instinct de survie, mais cela ne m’a pas empêchée de prendre beaucoup de plaisir à la suivre dans ses investigations. Des investigations qui la plongeront dans un panier de crabes, au milieu de femmes riches qui se distinguent plus par leur méchanceté et leur égotisme que par leur grandeur d’âme et décence.
Avec beaucoup de réalisme, l’autrice dénonce les méfaits des réseaux sociaux, pas en tant que tels, mais quand ils sont dévoyés sur l’autel du narcissisme et de la perversion, la vie de ces femmes étant tout simplement guidée par les apparences. La charge est d’autant plus forte que l’image et le statut social sont importants en Corée et que la pression que cela fait peser sur le poids de certain(e)s peut pousser à bien des extrémités, a fortiori quand la vie de chacun peut être étalée et décortiquée sur les réseaux. Mais ce qui fait la force de Plus heureuse que moi, tu meurs, c’est avant tout la manière dont à partir d’un drame actuel, Joo Youngha nous plonge dans les drames du passé.
Jouant sur les non-dits et les phrases qui ne dévoilent leur réalité/vérité qu’à mesure que les souvenirs du passé ressurgissent, l’autrice nous permet de saisir les réelles raisons poussant Mi-oh, et dans une certaine mesure Sekyeong, à se mêler de l’enquête. Relation familiale toxique, maltraitance psychologique, abus sexuels… les thèmes abordés ne sont pas simples, mais ils le sont sans pathos, ce qui n’empêche pas le lecteur de se révolter. Je pense notamment au silence impardonnable d’une adulte devant le pire.
La plongée dans le passé apporte un éclairage intéressant sur l’ancienne amitié entre Mi-oh, Sekyeong et Yoo-jin. Une amitié libératrice et salvatrice jusqu’à ce qu’un événement ne vienne tout remettre en cause. À cet égard, je dois dire que je n’avais pas anticipé la révélation finale, qui explique pourtant pleinement ce sentiment de dissonance qui m’a accompagnée durant une partie de ma lecture. J’ai apprécié de me laisser surprendre, d’autant que cela a engendré chez moi un puissant sentiment d’empathie pour deux personnages, victimes malgré elles de la violence et de la lâcheté humaine.
Quant au style d’écriture, je l’ai trouvé simple et rythmé ce qui permet une incursion accessible dans la littérature coréenne, d’autant qu’hormis les noms et quelques éléments de contexte, le roman aurait pu se passer dans bien des grandes villes occidentales. Pour ma part, j’ai aimé le rythme du récit qui ne laisse aucune place aux tergiversations et qui joue avec efficacité sur les doutes, les fausses pistes, les secrets du présent et les douleurs du passé. Des douleurs trop longtemps enfouies mais que l’enquête sur le décès de Yoo-jin permettra enfin d’exposer et de panser.
En conclusion, en plus de nous plonger sans ambages dans une ambiance malsaine à coups de bonheur factice partagé sur les réseaux sociaux, Joo Youngha nous propose ici une enquête rythmée et emplie de secrets, de manigances et autres coups tordus. Une peinture sombre et sans concession d’une classe sociale coréenne riche mais déshumanisée, pour laquelle l’image et la réputation valent tous les sacrifices, et plus encore. Prenant et saisissant, Plus heureuse que moi, tu meurs est un thriller qui nous tient en haleine avant de nous étourdir par un twist final savamment amené et particulièrement bien pensé !
Je vous invite à découvrir les avis de Maggie, Rachel et @couleursdeslys, doudoumatous
Ça me plaît ! Un livre sur ma liste, déjà bien remplie
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Ravie que tu lui laisses une place 🙂
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Les thématiques me parlent beaucoup. Mais je me tâte vu que tu dis que le pays est effacé dans le décor. J’aime quand les lieux dans lequel se déroule l’intrigue sont palpable par leurs différents aspects. Surtout quand le pays en question est si éloigné de nous.
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Ayant lu et vu des dramas/films se passant en Corée, j’ai peut-être développé une certaine familiarité, mais je n’ai pas été particulièrement dépaysé… Mais les thématiques sont vraiment intéressantes et, hélas, assez universelles.
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Ce livre me semble la version plus sombre de « Crazy Rich Asians », duquel j’ai énormément profité.
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Je abandonné très vite le film alors je ne pourrai pas me prononcer, mais si tu lis le roman, n’hésite pas à me dire s’il y a une certaine ressemblance 🙂 Je pourrais alors retenter un visionnage.
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Ce livre a l’air super. Je connais très peu la littérature coréenne, je ne suis pas sûre d’avoir jamais lu un seul livre venant de ce pays. Bonne journée
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Dans ce cas et si un jour, tu veux sauter le pas, c’est un bon roman pour le faire 🙂 Bonne soirée !
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Je ne suis pas sûre d’apprécier le contexte, mais j’essaie de lire plus de littérature coréenne et ton avis donne vraiment envie, j’ai noté le titre 🙂
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Ravie de t’avoir donné envie de passer outre ton manque d’appétence pour le contexte 🙂 J’ai trouvé l’enquête intéressante et les thèmes abordés importants…
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Ça a l’air étourdissant effectivement, et le sujet est d’une telle pertinence.
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Je trouve le terme étourdissant parfaitement adapté à l’histoire et à toutes ses implications…
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Le titre est très intrigant 🙂
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Et très représentatif de l’intrigue 🙂
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Voila qui fait froid dans le dos !
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Complètement !
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Tentatrice !! omme si ma wishlist n’était pas déjà un pavé. Merci pour ton avis toujours fiable en ce qui me concerne.
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Je plaide coupable 🙂
Merci, ta confiance me touche beaucoup.
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Un livre qui m’a l’air très intéressant, merci pour cette découverte 😉
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Je confirme l’ayant lu d’une traite 🙂 Avec plaisir !
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Le règne du paraître est tyrannique. Ton ressenti est comme toujours d’une grande clarté et source de réflexion à prolonger. Bon mercredi ! 🇰🇷
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D’autant plus tyrannique que j’ai l’impression qu’il s’invite dans toutes les sphères…
Oh, merci ! C’est un très beau compliment. J’aime cette idée d’avis qui n’est pas prêt à penser mais qui invite à échanger et réfléchir…
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La thématique des réseaux sociaux me parlent bien et ce twist final dont parlait aussi Doudoumatous m’intrigue furieusement ! Très probable que je lise ce thriller coréen prochainement.:)
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Très bon choix de future lecture 🙂 J’espère que tu l’apprécieras autant que nous.
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Pingback: Throwback Thursday Livresque #268 : Un titre long (4 mots ou plus) | Light & Smell
Ca me parait très sympa comme lecture en effet ! (même si les thématiques me sont peu familières) mais je pense qu’il correspond parfaitement à l’air du temps !
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Oui, il est vraiment dans l’air du temps et évoque avec brio certaines dérives et une pression forte de la société coréenne sur les apparences…
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Merci !
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Ton analyse est très complète, je ne vois pas grand chose à ajouter. Je n’y ai pas pensé sur le moment mais, comme tu le dis, le roman est assez fluide (excepté les fameuses dissonances qui s’expliquent plus tard). Pour une fois, je ne me suis pas trop mélangée les pinceaux dans les prénoms et patronymes coréens
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J’avais un peu peur pour les prénoms mais finalement, je n’ai pas eu de problème à ce niveau 🙂 J’ai adoré l’explication derrière ces dissonances qui m’ont au début perturbée mais auxquelles je me suis vite faites…
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Je compte bien le lire un jour celui-ci.
Merci pour cette belle chronique.
Bonne journée !
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Avec plaisir et bonne découverte 🙂
Au passage, encore merci pour l’idée de ton challenge !
Bonne soirée
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Merci, pour le challenge cela me fait vraiment plaisir 🙂
Bonne journée !
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Bonne soirée 🙂
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La critique des réseaux sociaux et de la manière dont certains s’en servent a l’air très pertinente. L’intrigue me donne bien envie, tout comme le fait de découvrir des plus asiatiques.
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Je serais curieuse d’avoir ton avis mais j’ai trouvé la critique pertinente mais si je pense que dans des pays comme la Corée, le poids des RS est encore plus fort.
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bonjour, comment vas tu? ouh là, très intéressant le résumé. merci pour la découverte. passe un bon jeudi et à bientôt!
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Avec plaisir pour la découverte 🙂
Bonne soirée !
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Une lecture qui me tente beaucoup, merci pour cet article!
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Je suis ravie que ce captivant thriller te tente 🙂
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J’aime bien le titre et ce que tu dis sur le sujet du livre m’intéresse énormément. Je me note donc ce roman.
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J’espère que tu apprécieras cette lecture autant que moi 🙂
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J’étais déjà intéressée par ce titre en le voyant dans ton dernier Book Haul, et ta chronique me rassure car je n’ai jamais lu de roman coréen. Mais apparemment la lecture est fluide et ça c’est un bon point. J’aime beaucoup l’idée de départ pour ce roman, et le fait que l’auteure dénonce à sa façon l’utilisation néfaste que peut engendrer les réseaux sociaux. Tu parles de bonheur factice, et même d’une course au bonheur, c’est un sujet qui me botte pas mal pour une intrigue de thriller. Enfin, tout ça pour dire que ta chronique m’a convaincue, je le note. 🙂
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Je suis ravie que ma chronique t’ait donné envie de lire ton premier roman coréen 🙂 J’espère que tu le trouveras aussi fluide que moi et que les thèmes de fond, comme cette course factice et malsaine au bonheur éveilleront aussi ton intérêt.
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Mon intérêt est déjà tout éveillé à ce sujet désormais, grâce à toi. 😁
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J’en suis plus que ravie 🙂
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N’étant pas une grande fan de thrillers, je ne pense pas le lire mais je suis contente que tu aies aimé ce livre et cette fin 🙂
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