Les Corbeaux : Les vestiges de l’arsenal, Lydie Blaizot

Couverture Les corbeaux : Les vestiges de l'arsenal

Je remercie les éditions de L’Alchimiste de m’avoir envoyé Les Corbeaux : Les vestiges de l’arsenal de Lydie Blaizot en échange de mon avis.

Depuis la Tempête, des villes côtières du Nord de la France, en partie dévastées, sont devenues le théâtre de phénomènes étranges. Des créatures monstrueuses peuplent désormais les zones ravagées par l’océan et certaines machines paraissent désormais douées de vie… Les habitants se sont adaptés et la vie s’est organisée, sans abandonner les machineries à vapeur qui peuplent leur quotidien. Nayeli Morin, jeune fille sans famille ni travail, survit de rapines au Havre. Son atout : elle peut communiquer avec les morts… et les forcer à lui révéler la cachette de leurs maigres possessions. Elle est un Corbeau, à la recherche d’un maître capable de la former. Ainsi, elle finit par rencontrer Reynard Bonniface, habitant à Cherbourg, où il officie comme enquêteur « spécialisé » auprès des autorités.
À peine a-t-elle posé le pied dans la boutique de ce personnage hors normes qu’une affaire leur est confiée. Un cadavre a été découvert près de l’Arsenal, un lieu où la perversion des machines atteint un niveau jamais observé par ailleurs. Très vite, les événements s’enchaînent et les deux Corbeaux comprennent qu’un grand danger menace la ville. Mais n’est-il pas déjà trop tard ?

L’alchimiste éditions (1 mars 2022) – 309 pages – 21,90€

AVIS

Dès les premières pages, j’ai accroché à la plume de l’autrice, une plume immersive, travaillée et imagée, mais naturellement accessible. Tout comme son univers d’ailleurs, qui joue à merveille entre le réel et la fiction, Lydie Blaizot nous immergeant dans la ville du Havre, puis de Cherbourg, toutes les deux grandement affectées par la Tempête.

Une catastrophe dont, finalement, nous ne saurons pas grand-chose, mais dont nous saisirons pleinement les conséquences, 80% des villes côtières du Nord-Ouest étant en partie inondées. L’intrigue se déroule donc en France, mais dans une France de fiction dont certains territoires ont été redessinés par l’eau, un élément omniprésent qui prend ici une tournure des plus menaçantes. Il faut dire qu’en plus d’avoir inondé des infrastructures, rendu certains lieux difficilement accessibles et avoir contraint les autorités à repenser les règles de déplacement, l’eau semble cacher dans ses profondeurs des dangers aux contours flous et effrayants…

Nous ne sommes pas dans un livre d’horreur, mais l’autrice instaure une ambiance parfois inquiétante qui atteint son apogée en un lieu évité de tous, l’Arsenal. Mais un cadavre non identifié, ayant en sa possession un objet qu’il n’aurait jamais dû avoir, va contraindre le Corbeau Reynard Bonniface et sa toute nouvelle apprentie, Nayeli Morin, à mener l’enquête sur place. Ils vont malheureusement découvrir très vite que la réputation sulfureuse de l’Arsenal n’est pas usurpée, cet endroit de malheur étant habité, si ce n’est hanté, par des machines un peu trop vivantes et vindicatives à leur goût.

De fil en aiguille, ce qui s’annonçait être une enquête délicate va se révéler être un piège mortel nécessitant la bonne volonté de tous pour espérer mettre un coup d’arrêt à une menace de grande ampleur. Une menace qui, à mesure que l’on découvre ses pourtours et son principal protagoniste, m’a donné quelques frissons de dégoût, en même temps que d’inattendus élans de compassion. Les deux Corbeaux pourront heureusement compter sur le sergent et l’agent territorial les ayant impliqués dans toute cette histoire, un fantôme très attaché à Nayeli, une femme courageuse impliquée pour des raisons très personnelles, et un professeur excentrique. La galerie de personnages est plutôt savoureuse et les personnalités de chacun parfaitement dessinées et plutôt complémentaires…

J’ai développé une affection particulière pour notre professeur, un homme brillant et étrangement touchant qui semble vivre sur sa propre planète, mais j’ai pris plaisir à suivre chaque protagoniste. Même un homme qui, au début, m’a agacée par sa couardise doublée d’un sens de l’opportunisme exacerbé a fini par agréablement me surprendre, et à agir un peu plus pour le bien commun, un peu moins pour le sien. Le sergent évolue également, ce militaire touché physiquement et psychologiquement par une précédente visite à l’Arsenal se dévoilant de plus en plus humain, sans jamais perdre en efficacité et en sens pratique !

Quant aux deux Corbeaux, je ne saurais dire lequel j’ai préféré, d’autant qu’ils développent rapidement une belle synergie et une entente certaine. Je reconnais néanmoins avoir été impressionnée par Nayeli qui, à peine a-t-elle trouvé son maître d’apprentissage, est lancée dans le grand bain sans connaître encore toute l’étendue de ses capacités, ni même la manière de les mobiliser. Un passage à la pratique sans théorie qui semble néanmoins lui réussir, la jeune fille se révélant un atout précieux dans l’enquête.

En plus de son courage et d’une certaine intuition et intelligence des situations, l’apprentie Corbeau pourra s’appuyer sur son grand ami Thomas, un fantôme qu’elle a, sans le vouloir, créé. La relation d’amitié unissant les deux personnages est touchante, mais se révélera aussi particulièrement utile, Thomas ayant la capacité fort pratique de pouvoir naviguer entre le monde des vivants et celui des morts. Courageux, attentif au bien-être de son amie et prêt à prendre des risques pour celle-ci, ce fantôme m’a impressionnée et beaucoup plu. Peut-être un peu plus difficile à saisir, mais tout aussi sympathique et courageux, Reynard Bonniface est un personnage que j’ai également pris plaisir à suivre.

Très bon dans son domaine, ce Corbeau qui, de par sa fonction, est capable de parler avec les fantômes et de les ramener à de meilleurs sentiments en cas d’hostilité de leur part, ne reculera jamais devant le danger, prenant parfois des risques importants tout en veillant à la sécurité de son apprentie. À la fin du roman, j’ai néanmoins eu le sentiment qu’il ne nous avait pas révélé toute sa puissance et ses capacités. Je croise donc les doigts pour une autre aventure l’impliquant lui, son apprentie, et les autres membres d’une équipe atypique et redoutable réunie par des circonstances étonnantes.

L’enquête est passionnante, l’autrice nous dévoilant un morceau du puzzle après l’autre à un rythme mesuré, mais assez élevé pour tenir en éveil l’intérêt des lecteurs. Mais le charme de ce roman réside également dans la nature inattendue et originale des dangers et des antagonistes. Ainsi, alors que des fantômes hantent les pages, ils nous apparaissent finalement comme négligeables face à la véritable menace, des machines animées à l’aura malveillante dont on désespère de connaître les motivations et les mécanismes les activant…

La place des machines en tout genre, certaines amusantes comme le fidèle bagage mécanisé de Bonniface qui le suit comme son ombre, d’autres carrément effrayantes, ravira les amateurs d’ambiance steampunk. Pour ma part, j’ai vraiment apprécié le cadre, l’ambiance et l’originalité du récit, voir les héros se faire poursuivre et attaquer par des grues n’étant pas commun ! Et puis, vous verrez que l’autrice va encore plus loin dans l’inattendu en intégrant des dangers dont la nature hybride, et toute la souffrance qu’elle implique, ne devrait pas manquer de vous soulever le cœur…

En conclusion, d’une plume imagée et assurée, Lydie Blaizot nous plonge dans une enquête en eaux troubles où des machines animées et hostiles semblent suivre leur propre dessein, reste à savoir lequel avant que la découverte d’un mystérieux cadavre ne soit suivie de bien d’autres ! Empli d’action, de dangers, de découvertes étonnantes, parfois peu ragoûtantes, de personnages divers et variés possédant tous une identité propre, et de machines aux intentions peu amicales, Les vestiges de l’Arsenal est un roman rythmé, original et percutant qui mêle avec brio enquête, fantastique et steampunk.

22 réflexions sur “Les Corbeaux : Les vestiges de l’arsenal, Lydie Blaizot

  1. Pas forcément le genre de titre vers lequel j’irai naturellement mais à force de le voir passer il m’intrigue et tu donnes de solides arguments sur son attractivité et sa belle construction, alors je le note dans un coin 😁

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