Ado mal dans sa peau, Anya va voir sa vie radicalement changer après sa rencontre… avec un fantôme. Premier album de l’autrice d’Un été d’enfer. On en veut encore et encore !Anya a l’impression d’être en permanence la petite nouvelle : fille d’immigrés, elle n’a jamais réussi à trouver complètement sa place. Mais quand elle tombe dans un puits et découvre le fantôme qui s’y trouve, elle a l’impression de se faire son premier véritable ami. Les ennuis commencent quand ce fantôme, prénommé Emily, devient jaloux de tout ce qui remplit la vie d’Anya
Rue de Sèvres (28 août 2019) – 224 pages – Papier (16€) – Ebook (6,99€)
AVIS
Cela fait un moment que je voulais découvrir cet ouvrage qui m’a complètement séduite malgré mes réserves du début sur la forme. En effet, si j’ai tout de suite apprécié la rondeur des traits et l’expressivité incontestable des visages, j’avais un peu peur de me lasser du ton gris/bleuté des illustrations. Mais que nenni ! En plus de se révéler assez originale et de représenter à merveille les tourments de l’adolescence, cette teinte apporte une identité propre à cette histoire mêlant fantastique et sujets résolument très humains. Un mélange harmonieux qui permet, sous couvert de fiction, de parler confiance et acceptation de soi, intégration, double culture, amitié toxique, jalousie, apparences trompeuses… Cette large palette de thèmes, loin de tirer la couverture à l’histoire, s’insère parfaitement et avec beaucoup de naturel dans le récit. Ceci explique peut-être la raison pour laquelle j’ai lu cet ouvrage d’une traite, bien incapable de le reposer avant d’en avoir lu la conclusion.
Nous faisons ainsi la connaissance d’Anya, jeune fille d’origine russe arrivée durant son enfance aux États-Unis. Afin de s’intégrer et d’éviter les moqueries, cette dernière a veillé à perdre son accent, du poids et surveille scrupuleusement ce qu’elle mange, au grand dam de sa mère qui aime à lui cuisiner des spécialités russes pas toujours très diététiques. Cette volonté de s’intégrer dans son pays d’adoption, et parmi ses camarades de lycée, la pousse, en plus de renier une partie de sa culture, à éviter l’autre élève russe de son établissement scolaire…
Si Anya nous semble parfois un peu égoïste, difficile de ne pas comprendre son envie d’être une adolescente américaine comme les autres. On ressent, à travers son histoire, toute la difficulté de concilier ses origines avec les valeurs de son pays d’adoption. Une double culture, source de richesse, mais qu’il est parfois difficile de porter, a fortiori quand on est une adolescente en pleine construction, qui se cherche encore. Je ne suis pas concernée par le sujet, mais je pense que cet aspect pourra parler à certains lecteurs qui ne devraient pas manquer de se retrouver, du moins en partie, en Anya.
Loin de rester cette adolescente tellement obnubilée par le paraître qu’elle en oublie les autres, Anya évolue petit à petit, n’en devenant que plus touchante. Et ce changement de mentalité et de comportement, elle le doit au fantôme d’une jeune femme, Emily, rencontrée lors d’une chute dans un puits… Alors qu’Anya pensait, une fois secourue, ne jamais revoir le spectre, le destin en a décidé autrement. L’arrivée du fantôme dans sa vie de lycéenne bougonne ne l’enchante guère, mais Anya finit vite par en saisir tous les avantages comme le petit coup de pouce qu’Emily peut lui donner lors des examens. Plus besoin de réviser quand on a un fantôme qui vous souffle toutes les bonnes réponses ! Le rêve, non ? Et puis, avoir une espionne invisible se révèle également très pratique pour suivre incognito l’emploi du temps du beau gosse du lycée sur lequel elle a craqué. Et tant pis, si ce dernier est déjà en couple avec une fille qui semble posséder tout ce qu’Anya rêverait d’avoir : petit copain parfait, corps de rêve, beauté et popularité.
Mais les apparences sont parfois trompeuses… Et si la beauté extérieure ne signifiait pas beauté intérieure et que même les filles idéales possédaient leurs propres blessures et failles ? Et, surtout, si le gentil et serviable fantôme qui s’était lié d’amitié avec vous poursuivait ses propres desseins ? Et si à tout vouloir, on risquait de tout perdre ? Je n’en dirai pas plus de manière à ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte, mais j’ai adoré le travail réalisé par l’autrice sur la psychologie de ce fantôme qui m’a fascinée, et dont l’évolution suit le cheminement inverse de celui d’Anya. Il y a ainsi une sorte de jeu de miroir inversé entre les deux personnages : à mesure que l’un dévoile sa noirceur, l’autre gagne en lumière. On suit donc avec grand intérêt l’étrange relation qui se noue entre Anya et Emily, et l’on attend avec une certaine angoisse le dénouement de leur histoire commune ! Le livre ne fait pas peur en soi, du moins quand on est adulte, mais j’avoue que la dernière partie m’a quelque peu angoissée, la tension montant crescendo jusqu’à atteindre un point de non-retour…
Bien que l’ouvrage comporte plus de 200 pages, il se lit très rapidement d’autant que la mise en page reste assez épurée avec des illustrations parfaitement lisibles et un texte concis qui ne tombe jamais dans le babillage inutile. Cela correspond d’ailleurs assez bien à la personnalité d’Anya qui n’est pas du genre à s’épancher pendant des heures sur ses émois intérieurs. Sa mère, à cet égard, m’a semblé beaucoup plus chaleureuse, mais c’est peut-être parce que j’ai été touchée par sa volonté d’offrir le meilleur à ses deux enfants qu’elle élève seule dans un pays qui n’est pas le sien…
Si Anya se révèle assez taciturne, elle a néanmoins su nouer une amitié chien/chat avec Shioban qui aime la taquiner, lui dire les choses franchement, fumer des cigarettes, faire l’école buissonnière… Les deux filles, très différentes l’une de l’autre, forment un duo plutôt complémentaire même si j’aurais apprécié d’en apprendre plus sur le personnage de Shioban qui reste finalement assez survolé. Shioban m’a plu par son côté rebelle, et surtout, par la manière dont elle s’assume telle qu’elle est, contrairement à Anya qui aura besoin d’une expérience malencontreuse pour se libérer du regard des autres. Mais l’essentiel est qu’elle y soit arrivée !
En conclusion, La vie hantée d’Anya est un très bon ouvrage graphique qui nous plonge dans une ambiance fantasmagorique saisissante que ce soit grâce au travail de colorisation ou la présence d’un spectre dont on essaie de découvrir les véritables intentions. Mais c’est également le récit de vie d’une adolescente qui doit jongler entre deux cultures et sa volonté de s’intégrer à tout prix. Une adolescente qui, de fil en aiguille, va réaliser qu’à la place d’envier la vie des autres, il est peut-être préférable de vivre la sienne sans a priori, et d’apprendre à s’accepter tel que l’on est.
Tu donnes envie !
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Merci, ça me fait plaisir 🙂
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Je l’ai souvent vue circuler, cette bd ! Et ce que tu dis sur l’originalité de présenter les tourments/pensées de l’héroine me plait. De plus, j’aime les illustrations simples et épurées. Les thématiques que tu soulèves me séduisent et éveillent ma curiosité.
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Je ne peux que te la conseiller d’autant que le fond et la forme semblent te tenter 🙂
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J’avais énormément aimé cette BD aussi, tu me donnes envie de la relire 🙂
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J’avoue qu’en corrigeant mon brouillon, j’ai eu envie de relire cette BD que j’ai lue trop vite tellement je me suis laissée emporter par l’intrigue 🙂
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Les BDs de cette autrice me font très envie ! Il y a aussi Un été d’enfer que j’ai pas mal vu passer en chronique qui a l’air assez chouette.
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Un été d’enfer me tente aussi pas mal 🙂
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Les dessins sont très sympas par contre !
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Je les aime également beaucoup. Simples, mais expressifs et efficaces !
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C’est un titre qui me fait envie depuis sa sortie et tu en parles de très belle façon. Le travail sur l’héroïne a l’air superbe !
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C’est une BD vraiment sympa, je suis donc ravie que ma manière d’en parler t’ait plu 🙂
Je trouve, en effet, qu’il y a eu un très beau travail réalisé sur l’héroïne que l’on voit évoluer. Alors on est dans un livre pour adolescent, ce n’est pas super subtil, mais ça n’en demeure pas moins réaliste et ça envoie un beau message aux jeunes lecteurs…
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J’ai tellement envie de la découvrir, cette BD ! Hey, mais… elle est dans ma PAL depuis plusieurs mois ^^’
Merci, tu me pousses à la lire prochainement !
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Tant mieux alors ! Tu n’auras pas la frustration de devoir attendre que l’ouvrage atterrisse dans ta PAL 🙂
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En effet 😉
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Je le note pour ma biblio (comme souvent quand je passe sur ton blog aha)
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Cela me fait plaisir de te donner des idées d’acquisitions 🙂
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coucou les illustrations ont l’air chouettes et marrantes surtout 🙂
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malgré un graphisme qui ne me tente pas, tu en parles si bien que cela donne envie!
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Je suis ravie de t’avoir tenté malgré des graphismes qui ne plaisent pas beaucoup 🙂
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« La vie hantée d’Anya ».. je le note car je lis de plus en plus de BD et romans graphiques. Là, je vais me prendre « L’Age d’or tome 2 » et je viens de terminer « des souris et des hommes » en roman graphique, un bonheur ! Tes beaux articles donnent toujours envie. Passe un excellent week-end 🙂
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J’espère que le livre te plaira autant qu’à moi 🙂
J’ai hâte que ma médiathèque achète l’adaptation Des souris et des hommes qui a l’air géniale…
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C’est vraiment une merveille de roman graphique ! j’ai rarement vu un tel rendu 🙂
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