Mers mortes, Aurélie Wellenstein #PLIB2020

Couverture Mers mortes

Mers et océans ont disparu. L’eau s’est évaporée, tous les animaux marins sont morts.
Des marées fantômes déferlent sur le monde et charrient des spectres avides de vengeance. Requins, dauphins, baleines…, arrachent l’âme des hommes et la dévorent. Seuls les exorcistes, protecteurs de l’humanité, peuvent les détruire.
Oural est l’un d’eux. Il est vénéré par les habitants de son bastion qu’il protège depuis la catastrophe, jusqu’au jour où Bengale, un capitaine pirate tourmenté, le capture à bord de son vaisseau fantôme.

Commence alors un voyage forcé à travers les mers mortes… De marée en marée, Oural apprend malgré lui à connaître son geôlier et l’objectif de ce dangereux périple. Et si Bengale était finalement la clé de leur salut à tous.

Scrineo ( 14 mars 2019) – 368 pages – Papier (17,90€) – #ISBN978236740-6602

AVIS

J’étais très curieuse de découvrir ce roman dont j’avais entendu de très bons échos. Et je peux d’ores et déjà vous dire que je comprends sans peine l’enthousiasme déclenché par ce roman post-apocalyptique aux allures de fable écologique.

Car derrière une histoire menée tambour battant, se cache un message profondément écologique qui m’a personnellement touchée et que je trouve extrêmement bien amené. En nous plongeant dans un roman dans lequel mers et océans ont disparu, l’autrice nous met face à nos propres actions qui, jour après jour, dégradent notre planète et son écosystème. Bien sûr, on reste dans de l’imaginaire et il demeure fort peu probable que des marées d’animaux fantômes déferlent dans nos villes, mais difficile de ne pas réfléchir à l’état du monde et aux dangers qui nous guettent en parcourant les pages…

J’ai adoré cette idée de marées fantômes qui charrient mort et destruction sur leur chemin, un peu le pendant fantasmagorique des élans destructeurs actuels des humains qui n’hésitent pas à détruire la nature et à tuer les animaux en toute impunité. Le fait que les animaux fantômes portent toujours les stigmates des violences dont ils ont été victimes renforce le sentiment d’horreur… Certaines scènes du passé sont ainsi difficiles à supporter, notamment si vous êtes sensibles à la cause animale, l’autrice ne nous épargnant pas, par exemple, l’agonie d’un requin pêché, mutilé et recraché vivant, mais incapable de survivre, dans la mer. Une cruauté d’une telle ampleur qu’on ne peut que comprendre le désir de vengeance de tous ces animaux massacrés dans l’indifférence générale, ou du moins, dans une déconcertante et innommable impunité…

À cet égard, il est intéressant de suivre l’évolution d’Oural quant à sa vision de ces fantômes destructeurs ivres de rage et de haine. En tant qu’exorciseur, il est entièrement dédié à la protection des humains et donc à la destruction de ces entités, mais sa rencontre avec un pirate charismatique va, petit à petit, le pousser à revoir son jugement. Cela se fera subtilement, jour après jour, bataille après bataille, mais il finira par comprendre que répondre à la vengeance par la vengeance, à la mort par plus de mort, à la destruction par la destruction, n’est pas la solution. Et si finalement, cette autre voie que lui propose Bengale était la bonne, une voie certes difficile, mais dont l’issue permettrait de délivrer l’humanité de ses maux ?

Une question à laquelle il va devoir trouver sa propre réponse, mais ce qui est certain, c’est que cela ne se fera pas sans peine, sans doute, sans sacrifice et sans accepter de renoncer à certains idéaux pour en accomplir de plus grands tout comme a dû s’y résoudre Bengale. Ce pirate est probablement le personnage le plus fascinant, complexe, mystérieux et torturé du roman. On ne peut ainsi s’empêcher de condamner sa brutalité et certains de ses actes tout en lui vouant un profond respect. Le respect qui est dû aux hommes de conviction qui sont prêts à tout, même à sacrifier des vies et leur âme, pour atteindre leur but. Et celui de ce pirate est primordial :  faire revivre les mers et les océans afin d’assurer un avenir pour une humanité en sursis !

J’ai donc particulièrement apprécié le travail réalisé sur la personnalité du pirate ainsi que sur la relation inattendue qu’il va nouer avec Oural. Ce dernier alternera entre haine et attirance, effroi et fascination avant de finir par percer le secret et l’âme d’un homme qui lui ressemble peut-être plus qui ne le pense. Mais c’est une autre relation qui m’a profondément émue, celle entre Oural et un dauphin femelle fantôme, Trellia. Liés depuis de très nombreuses années l’un à l’autre, ils sont très complices et partagent une sincère et belle amitié malgré le tabou qui entoure leur relation : imaginer un exorciseur pactisé avec « l’ennemi » reste, en effet, impensable pour les gens qui n’y verraient qu’une impardonnable trahison. Trellia, d’une fidélité à toute épreuve et plutôt facétieuse, fera de son mieux pour protéger Oural quand ce dernier trouvera en elle la force d’avancer et de faire face à sa condition pesante d’exorciseur qui le coupe des réalités du monde. Cette relation unique forme à elle seule un îlot d’espoir prouvant que dans ce chaos, l’entente et l’amitié entre les hommes et les animaux marins sont encore possibles.

La galerie de personnages secondaires est variée et offre une belle brochette de personnages très différents qui se révèlent, à leur manière, attachants et peut-être moins impitoyables qu’on peut le penser. Si vous aimez les moments de piraterie marqués par des scènes de combat, mais aussi par une franche camaraderie, vous allez être servis. J’aurais néanmoins peut-être apprécié que la personnalité de chacun soit un peu plus développée et que le seul personnage féminin d’importance ne soit pas défini par sa totale dévotion envers Bengale, une dévotion qui semble d’ailleurs partagée par tous. Mais il est vrai qu’il semble difficile de résister au charisme du pirate et à son magnétisme, a fortiori quand l’on considère l’importance de sa mission et tous les sacrifices qu’il a consenti à faire pour la mener à bien et sceller ainsi une étrange et inattendue alliance.

En plus du message écologique et de la psychologie des personnages principaux, on appréciera la bonne dose d’action mise en place par l’autrice qui n’hésite pas à faire couler le sang et à rappeler la dure réalité d’un monde soumis cette fois non plus aux caprices des hommes, mais des mers et des océans qui se déversent tel un raz-de-marée aveugle et destructeur. Quant à la plume d’Aurélie Wellenstein, je l’ai trouvée saisissante de réalisme : j’ai eu l’impression de vivre cette aventure hors norme aux côtés des personnages et d’être prise au cœur de ces marées fantômes aussi glaçantes que saisissantes. Les pages défilent donc à une vitesse folle à mesure que l’on se rapproche d’un dénouement que l’on sent à la hauteur du roman, spectaculaire et poignant !

En conclusion, cette plongée dans un monde post-apocalyptique, devenu aride part la déraison des hommes, m’a fascinée et éprouvée à la fois. L’autrice, d’une plume alerte, vive et d’une surprenante acuité nous met ainsi face à la cruauté humaine dont l’écho se retrouve dans ces hordes de marées fantômes qui aspirent à une vengeance dont on ne peut que reconnaître la légitimité. Mais n’est-il pas temps que ce cycle de la mort et de la destruction cesse pour que celui de la vie reprenne ses droits ? Une question que soulève ce roman fort dans lequel le destin d’un exorciseur va se retrouver inextricablement lié à celui d’un pirate à la personnalité complexe. Si vous avez envie d’un roman captivant et engagé mêlant message écologique, action, amitié et piraterie, Mers mortes est fait pour vous. Mais êtes-vous prêts à affronter la prochaine vague ?

 

 

40 réflexions sur “Mers mortes, Aurélie Wellenstein #PLIB2020

    • Ravie de voir qu’on partage le même avis 🙂
      Il me reste Félines à lire avant d’attaquer Je suis fille de rage qui me fait un peu peur ayant vu pas mal d’abandons ou d’avis mitigés. Mais si tu hésites entre Mers mortes et ce roman, c’est qu’il reste de l’espoir que je l’apprécie 🙂

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      • Félines j’ai abandonné.. Je crois qu’on en avait discuté sur mon article 😅 ce roman m’a tellement énervée.
        Je suis fille de rage c’est un roman où il faut s’investir pour s’en imprégner, c’est pas simple d’accès car très orienté sur l’aspect historique et je pense qu’il ne colle pas au public du plib. Je ne dis pas ça pour être condescendant hein mais je ne pensais déjà pas le voir en final ça a été une surprise 😅 ce qui explique le nombre d’abandons je pense. Mais moi oui je l’ai beaucoup aimé bien que ça ne soit pas mon préféré de l’auteur ! En tout cas je suis curieuse de lire tes prochains avis 🙂

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        • Je me souviens en effet de ton avis sur Félines qui avait le mérite de poser les choses clairement 🙂 J’espère quand même l’apprécier un peu plus que toi maintenant que je suis consciente de ses faiblesses…
          J’avoue avoir été très surprise de la sélection de Je suis fille de rage. Pas certaine que c’était vraiment un cadeau à lui faire parce que si j’aime les livres avec un aspect historique, ce n’est pas ce que je recherche dans un prix de l’imaginaire et je pense que nombre de personnes ont eu le même ressenti.

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  1. Je suis entièrement d’accord avec ton avis que ce soit sur le charisme du pirate, l’ambiance camaraderie, la relation d’Oural avec Trellia ou le capitaine, l’univers et les idées véhiculées. Tu as parfaitement résumé le dénouement spectaculaire et poignant ! ❤ Très contente que tu aies aimé malgré la dureté du roman.

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  2. Ça fait très longtemps qu’il me fait envie celui-là et je suis tellement amoureuse de cette couverture 😍 Autant dire que ton avis met clairement le doigt sur ce qui va me plaire !

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  3. Ah, je n’étais pas prête à entamer cette lecture, c’est sûr lol ! Comme je suis très sensible à la cause animale, j’ai été obligée de sauter certains passages, puisque l’habituel « C’est de la fiction ! » ne s’appliquait pas ici. Bon sang, je me souviens avoir pris une claque, tellement forte que le livre m’a laissé un souvenir indélébile. Je ne peux pas parler de coup de cœur à cause des thématiques abordées, mais j’espère qu’il gagnera le Plib ! 🙂

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