Un métro pour Samarra, Isabelle de Lassence

Je remercie Babelio et les éditions Marabout, collection La belle étoile, pour m’avoir permis de découvrir Un métro pour Samarra d’Isabelle de Lassence.

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Swann Delva étudie la philosophie à la Sorbonne. Le jeune homme s’imagine devenir un penseur en vogue, mais d’ici là, il gagne sa vie en travaillant dans le métro. Par hasard, il découvre les stations désaffectées du réseau parisien, et se prend de passion pour ces lieux hors du temps. Un jour d’exploration de la station-fantôme Haxo, dans le XIXe arrondissement, il se retrouve transporté à Samarra, une ville d’Irak, au Moyen Âge. C’est là qu’un calife des Mille et Une Nuits lui pose la plus importante question qui soit : peut-on espérer une vie après la mort ? Alors que le sommeil le ramène à Paris, Swann ne rêve que de retrouver les splendeurs de Samarra. Mais pour conserver ses privilèges auprès du calife, déjouer les complots qui le visent et obtenir les faveurs d’une belle astrologue, il doit apporter une réponse aux angoisses du souverain. Trente-cinq jours de voyages entre Paris et Samarra vont transformer la vie de Swann, à jamais…

Marabout (10 avril 2019) – 336 pages – Broché (19,90€) – Ebook (14,99€)

AVIS

Isabelle de Lassence signe ici un premier roman envoûtant et au charme certain qui nous plonge en alternance dans un Paris contemporain et une ville irakienne du Moyen Âge, Samarra. Cette ville, dont le nom signifie « celui qui l’aperçoit est heureux« , enchante et émerveille par cette ambiance des Mille et Une Nuits qu’elle dégage avec ses richesses, son architecture, son calife, ses dorures, ses splendeurs. Des splendeurs aux formes diverses et variées qui ne laisseront pas insensible Swann…

Étudiant en philosophie à la Sorbonne, rien ne lui plaît plus que se perdre dans des considérations et des réflexions intellectuelles qu’il émaille du discours de tous ces grands penseurs qui ont marqué le monde et sa vie. Malheureusement, avant de devenir le grand intellectuel en vogue qu’il espère être un jour, il lui faudra revenir à des considérations plus terre à terre. Que ce soit triste ou non, la pensée pure et les exercices de rhétorique nourrissent rarement, du moins à notre époque, son homme.

Swann ne fera pas ses premiers pas dans les entrailles d’un géant du fast-food américain, mais dans ceux du métro parisien. Un travail pas forcément plus épanouissant intellectuellement pour notre étudiant philosophe, mais qui aura le mérite de lui ouvrir la porte d’un monde dont il ne soupçonnait pas l’existence… Un monde entre rêve et réalité qui donnera un tout autre sens à sa vie et qui le conduira à vivre des expériences intenses ! Adieu grisaille et béton parisien, bienvenue Samarra et la vie de pacha !

Alors que Swann a un besoin compulsif, si ce n’est maladif, de contrôler chaque instant de sa vie, il va finalement se laisser rapidement, et sans réserve, transporter dans le temps et dans l’espace. Il faut dire qu’en plus de la richesse et de la beauté que dégage cette ville irakienne du Moyen Âge, le jeune homme y gagnera, du moins dans un premier temps, cette reconnaissance qui lui fait tant défaut dans sa vie parisienne. Mais la gloire a un prix, et sa place auprès du calife conditionnée à sa faculté à répondre à cette question qui hante l’humanité : existe-t-il une vie après la mort ? Une question complexe dont on ne peut hélas trouver la réponse dans les livres ou la pensée des Anciens, ce qu’apprendra à ses dépens notre philosophe. Commencera alors pour lui une quête de vérité et de sens qui le poussera dans ses retranchements pour le meilleur et pour le pire… 

L’écriture est fluide, poétique, élégante, et de cette finesse qui allie la complexité de la pensée à la beauté de la réflexion. Alors que l’on aurait pu craindre une certaine pédanterie dans la narration, elle se révèle tout en délicatesse invitant à l’évasion et au dépaysement. Teintée de réflexions philosophiques toujours accessibles et auréolée d’un certain humanisme, cette histoire fait réfléchir, mais invite surtout au voyage sans a priori ni attentes particulières.

On se laisse immerger par les images, les sensations et l’aventure extraordinaire d’un étudiant qui, au fil des pages, quitte sa carapace d’intellectuel déconnecté du monde et des gens pour celle d’être humain en prise avec ses émotions et la vie. Une évolution réaliste et progressive qui rend Swann moins agaçant dans sa façon de se sentir supérieur à tout le monde ou presque. Si j’ai eu du mal en début de roman avec ce personnage, appréciant peu que la réflexion serve l’ego plus que l’épanouissement personnel et intellectuel, j’ai fini par être touchée par ses failles et la manière dont, au gré des épreuves qu’il traverse, il s’élève non plus seulement par la pensée, mais aussi par le cœur.

J’ai également beaucoup apprécié sa mère, Christiane, qui est un peu le négatif de son fils : ouverte d’esprit, plus portée sur l’ésotérique que la rhétorique, pleine de gentillesse, très sociable… On la suit avec plaisir en espérant voir un peu plus de Christiane en Swann. Même si je suis loin de partager l’enthousiasme de cette mère aimante pour la voyance et autres pratiques du genre, je l’ai trouvée adorable dans sa volonté d’aider son fils. Elle l’idéalise bien sûr, mais elle n’est pas non plus aveugle face à ses faiblesses que ce soit ses obsessions et autres « rituels » ou sa difficulté à se connecter à l’Autre. Voici dans tous les cas un personnage qui apporte beaucoup de douceur et de dynamisme au récit.

L’alternance des époques et des lieux insuffle également un certain rythme à l’histoire d’autant que les transitions entre les époques sont toujours amenées avec subtilité et efficacité. On ne se sent jamais perdu bien que peut-être un peu frustré de ne pas avoir plus de Samarra à se mettre sous la dent. Cela ne m’a pas empêchée de savourer avec plaisir les incursions dans le Palais, un endroit synonyme de luxe, bien sûr, mais aussi de dangers… Swann y trouvera ainsi honneur et richesses, voire bien plus, mais il y découvrira également la jalousie, la compétition, la trahison, les doutes… Tout autant d’épreuves qui le feront perdre en certitudes, mais gagner en humanité !

En conclusion, d’une plume éclatante de saveur et de délicatesse, Isabelle de Lassence nous propose ici une aventure enchanteresse et pleine de poésie qui ne pourra que vous faire voyager, vous émerveiller et vous pousser à vous interroger sur des notions universelles comme le sens de la vie et de la mort. Aux confins du temps, de l’espace, du rêve et de la réalité, ne ratez pas le train pour Samarra !

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9 réflexions sur “Un métro pour Samarra, Isabelle de Lassence

  1. Mais quelle est belle Audrey ta chronique !!!! Je cite : « L’écriture est fluide, poétique, élégante, et de cette finesse qui allie la complexité de la pensée à la beauté de la réflexion « . Je me demande parfois, si certains d’entre vous, chroniqueurs et chroniqueuses, ne seriez pas à votre tour un peu poète ☺ Je te remercie infiniment pour cette chronique, qui non seulement me donne envie de lire ce livre, mais qui en plus, fut à elle seule un moment de lecture agréable.

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  2. Pingback: Peindre la pluie en couleurs, Aurélie Tramier | Light & Smell

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