Direct du cœur, Florence Medina

Je remercie Babelio et les éditions Magnard pour m’avoir permis de découvrir Direct du cœur de Florence Medina.

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Ma mère m’a mis le deal entre les mains dès la fin du premier trimestre de seconde : soit je remontais ma moyenne générale de deux points, soit j’étais inscrit d’office à une option cette année. Il aurait suffi que je bosse un peu… Mais ça ! Faut croire que mes profs ont raison, je suis partisan du moindre effort. Le seul truc auquel j’ai échappé, c’est d’aller faire du russe ou du badminton dans un lycée à l’autre bout de Paris. Quitte à me taper une option, je voulais pas me faire des transports en plus. Résultat des courses : LSF. – Quoi ? j’ai dit la première fois que ma mère m’a parlé de ça. – LSF, langue des signes française. – Mais pour quoi faire ? C’est pour les sourds, la langue avec les mains. Je suis pas sourd. Franchement, j’ai même jamais croisé un sourd de ma vie. A quoi ça va me servir d’apprendre la LSF ? – A avoir des points au bac ! – Mais maman…!

  • Broché: 224 pages
  • Editeur : MAGNARD (28 août 2018)
  • Collection : M les romans
  • Âge : à partir de 13 ans
  • Prix : 13.90€

AVIS


Dès les premières pages, le récit se révèle prenant et brut de décoffrage à l’image du protagoniste. Adepte de la politique du moindre effort, Timothée est un adolescent assez banal qui prend la vie comme elle vient sans se poser beaucoup de questions. Néanmoins, devant l’instance de sa mère, il va accepter de prendre l’option Langue des signes françaises (LSF) avec l’espoir d’engranger quelques points pour le BAC. Une situation que le jeune homme vit mal d’autant que cette option à laquelle il ne s’intéresse pas le moins du monde va lui « pourrir » ses vendredis après-midi !

Timothée est un personnage avec lequel j’ai tout de suite accroché, son côté « gentil branleur » le rendant attachant. Mais c’est surtout ses interactions avec ses amis d’enfance, sa professeure de langue des signes aux méthodes d’apprentissage peu conventionnelles, les autres élèves du cours et sa mère qui m’ont donné envie de le découvrir plus en profondeur. Fils unique élevé par une mère célibataire, il a noué avec celle-ci une relation basée sur la confiance et le respect, chose d’autant plus aisée que sa mère est très ouverte d’esprit et d’une grande générosité. Leurs moments de complicité et d’échanges sont attendrissants et permettent de rompre avec le schéma stéréotypé de l’adolescent en rébellion contre l’autorité parentale. C’est ce que j’ai aimé chez Timothée : il a ses défauts, mais il n’est pas méchant et ne cherche pas la confrontation sans raison.

Non, Timothée, c’est plutôt le genre franc-parleur et gentil gaffeur. À trop être direct, il y a parfois des conséquences comme il l’appendra durant sa découverte du « monde sourd ». Il s’agit là d’un nouveau monde pour cet adolescent qui n’a jamais vraiment pris le temps de s’intéresser à la communauté des sourds avant de s’y voir contraindre. Mais peut-on lui jeter la première pierre ? Combien d’entre nous ont pris la peine de se renseigner sur la vie, le quotidien et les difficultés auxquelles peuvent faire face les personnes sourdes ?

Pour ma part, je confesserai mon ignorance, une ignorance qui m’a poussée à lire avec avidité ce roman dans lequel l’autrice nous offre une incursion dans un univers que l’on ne connaît que très peu voire pas du tout : celui de la langue des signes, celui de ces rencontres entre sourds et entendants dans un Café Signes, celui de ces concerts où les vibrations prennent toute leur importance, celui des persécutions que les sourds ont pu vivre par le passé, celui des maladresses que les entendants peuvent faire sans le vouloir, celui du ressentiment que certains sourds peuvent avoir envers ces « personnes normales » pleines de certitudes bien souvent erronées… Ce roman  m’a poussée à réfléchir à certaines questions notamment sur les rapports entre sourds et entendants, mais aussi sur cette vie sans ouïe que certaines personnes arrivent à embrasser sans ressentir aucun manque.

Comme Timothée, je n’avais aucune connaissance de la langue des signes et j’ai adoré découvrir les quelques explications de l’autrice qui, grâce à son métier d’interprète français/LSF, les rend très claires et intéressantes. Mais je vous rassure, les explications sont succinctes et distillées au compte-gouttes, ce qui ne donne pas le sentiment d’être face à un manuel d’apprentissage.

Il faut dire que Direct au cœur, un titre qui est loin d’avoir été choisi au hasard, n’est pas qu’un roman sur la surdité, c’est aussi l’histoire d’un adolescent lambda qui évolue au gré de sa découverte d’un monde dont il ne soupçonnait pas l’existence. Les différentes rencontres qu’il fera tout au long du récit, que ce soit de personnes entendantes ou sourdes, lui permettront de s’ouvrir aux autres et de gagner en maturité. Le jeune homme va également découvrir l’amour à travers un coup de foudre qui ne va pas le laisser indemne : il va s’interroger sur ses sentiments, se morfondre, hésiter, rester interdit devant des comportements injustes, mais dont on arrive à comprendre les fondements…

Si j’ai apprécié ce roman, j’ai toutefois été déstabilisée par la place accordée, en deuxième partie, à la romance ou, plus justement, aux tergiversations de Timothée qui se trouve fort dépourvu face à la violence de ses sentiments pour une fille instable et insaisissable qui semble le détester. Cependant, je ne doute pas que la sensibilité avec laquelle l’autrice aborde la question des sentiments amoureux entre une personne entendante et une personne sourde, avec toutes les complications que cela peut impliquer, séduira de nombreux lecteurs. Et puis je vous rassure, l’autrice nous épargne les dialogues gnangnan utilisant avec justesse cette fille que les espoirs déçus du passé ont fortement marquée.

Quant à la plume de l’autrice, elle m’a conquise dès les premières pages par sa fraîcheur et son authenticité. L’autrice a veillé à écrire comme parlerait un adolescent sans pour autant tomber dans le piège de la vulgarité à outrance. Le langage est donc familier sans être particulièrement grossier. Mais ce qui m’a vraiment marquée, c’est que Florence Medina semble s’effacer au profit de son protagoniste comme si elle lui donnait toutes les cartes pour s’adresser à nous. Il en résulte un récit vivant et empreint d’un grand réalisme !

En conclusion, Direct du cœur est un joli roman qui aborde de manière accessible et avec sensibilité le thème de la surdité. Mais ce qui rend ce roman aussi prenant, en plus de la capacité de l’autrice à se glisser totalement dans la peau de son protagoniste, c’est qu’il parle de la vie en général, de l’amitié, de la famille, de la différence, du manque de communication, de l’amour, du deuil que ce soit d’un sens ou d’une relation qui n’a jamais commencé… Direct du cœur, c’est donc un roman pour les adolescents qui s’adresse à tous !

Et vous, envie de découvrir le roman ?
Retrouvez-le chez votre libraire ou sur, entre autres, Amazon.

8 réflexions sur “Direct du cœur, Florence Medina

  1. L’un de mes meilleurs amis est malentendant alors je connais un peu les difficultés auxquelles il fait face, et c’est vrai que ce n’est pas toujours évident ! Je vois rarement passer de chronique sur les livres qui abordent ce thème alors c’est vrai que cela fait toujours plaisir de voir qu’il est tout de même représenté et de façon juste et bien ! De plus, tu as su me donner envie avec ta chronique 🙂

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    • C’est dommage que le sujet ne soit pas plus abordé en littérature, mais ce genre d’ouvrages laisse l’espoir que ce soit le cas dans un futur que j’espère proche… Contente que ma chronique t’ait donné envie de t’intéresser au livre 🙂

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  2. Et bien, tu vois, il titillait ma curiosité, mais j’avais peur que l’on rentre dans des clichés ou dans le déjà vu. J’avais tort ! Ce livre a l’air d’une grande sensibilité qui saura toucher tous les lecteurs. La thématique me plait beaucoup. J’essayerai de l’acquérir via mon réseau ou de l’acheter pour la médiathèque. je pense que cela peut plaire à mes lecteurs… (et à moi par la même occasion !^^)

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    • Contente de t’avoir rassurée 🙂 Je n’ai jamais lu de romans sur le thème alors je ne saurai me prononcer sur le côté cliché, mais je trouve qu’en se mettant à la place d’un ado lambda, l’autrice a su rendre son récit réaliste. Seul le côté romance en deuxième partie m’a un peu gênée, mais rien de bien méchant, je suis juste pénible de ce côté-là 🙂

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