L’Envoûtante, Marieke Aucante

L’image contient peut-être : texte

Je remercie les éditions De Borée de m’avoir permis de découvrir L’Envoûtante de Marieke Aucante.

A noter que si le livre est une fiction, il est basé sur un sordide fait divers.

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Eugénie a 26 ans quand elle revient sur les terres familiales. Fille et petit-fille de sorcière, Eugénie a grandi en orphelinat après la mort précoce de ses parents dans des circonstances qu’elle était trop petite pour comprendre. Elle rencontre Lucas, le chauffeur du châtelain du village, dont elle tombe amoureuse. Avec lui, un avenir radieux s’annonce. Pourtant, Eugénie découvre qu’elle a hérité des dons de ses aïeules : mais comment mener une existence normale avec un tel héritage familial ?

  • Broché: 207 pages
  • Editeur : Editions De Borée (19 avril 2018)
  • Prix : 17.90€
  • Autre format : ebook

AVIS

Je dois avouer que c’est d’abord la très belle couverture de ce roman qui m’a attirée. J’ai immédiatement été intriguée par cette femme qui, comme un arbre, semble fermement ancrée dans la terre. Le résumé a fini de me convaincre de lire cet ouvrage ayant toujours aimé les histoires de sorcière. J’ai néanmoins été assez déstabilisée par cette histoire qui s’est éloignée de la trame que je m’étais imaginée.

Cela s’explique par le résumé qui n’est pas faux en soi, mais qui tend, à mon sens, à insister sur des éléments qui ne sont finalement pas au cœur des choses. Certes, il y a de la sorcellerie et une petite pointe de romance, mais le roman est avant tout un roman de vie, celui d’Eugénie, une fille et petite-fille de sorcière, qui revient dans son village natal après un drame familial.

Alors qu’on aurait pu s’attendre à découvrir son retour et la manière dont se déroulent les choses pour la jeune femme de vingt-six ans, l’auteure a fait le choix de narrer principalement son passé mêlé à quelques bribes de son présent. En plus de créer une coupure dans la narration et de dynamiser le récit, cette alternance passé/présent amène un certain suspense que j’ai, pour ma part, beaucoup aimé.

On sait ainsi qu’Eugénie a perdu ses parents, mais on ne découvre les raisons de ce drame que tardivement, Marieke Aucante préférant n’y faire que de subtiles allusions à travers, notamment, des métaphores ou du moins, des images qui prendront tout leur sens une fois l’histoire terminée. Il en résulte une forme d’oppression et de tension à l’image de celle que l’on devine presque s’échapper par tous les pores de la ferme familiale dans laquelle a grandi la jeune femme… Car, des souvenirs d’Eugénie, on finit par deviner que l’auteure déploie sous nos yeux, couche après couche, le terreau du drame.

Eugénie a ainsi vécu de bons moments dans la ferme familiale auprès d’une mère qu’elle avait parfois du mal à comprendre mais qu’elle aimait, d’un père plutôt gentil et dont elle était assez proche, de ses deux frères et de sa grand-mère sorcière. Mais la vie à la ferme était dure, entre conditions de vie et de travail peu épanouissantes et une grand-mère qui, au fil des pages, se montre de plus en plus inquiétante. Alors que l’on sent d’abord une certaine complicité entre Eugénie et sa sorcière de mamie, qui a manifestement choisi la jeune fille comme successeur, les relations semblent, petit à petit, se fissurer et les liens se distendre…

Cela est en partie dû aux préjugés des gens qui vont pousser le père d’Eugénie à une certaine défiance vis-à-vis de sa belle-mère l’accusant de tous les malheurs de la maisonnée. Mais cela s’explique également par le comportement de cette sorcière qui, au début bienfaisante, semble petit à petit devenir plus sombre, plus violente et vindicative jusqu’à tomber dans une sorte de folie. Alors qu’Eugénie et les lecteurs sont, dans un premier temps, charmés par cette vieille femme qui sait tirer parti des richesses de la nature et apprivoiser les animaux, on finit par la craindre et penser, comme le père d’Eugénie, que son départ pourrait être une bonne chose… La seule question restant en suspens est de savoir si la méfiance suscitée par la grand-mère a créé son changement de comportement ou si son comportement n’est que le reflet de sa profonde nature ? Pour ma part, j’ai mon avis sur la question, mais je ne doute pas que chacun puisse avoir sa propre interprétation des événements.

En ce qui concerne la sorcellerie, nous ne sommes pas ici dans un roman de type Harry Potter, mais plus dans l’idée d’une sorcellerie liée à la nature avec une observation omniprésente de la faune et de la flore. Point donc de sortilèges lancés avec une baguette magique ou élaborés dans un grand chaudron noir ! D’ailleurs, cartésienne dans l’âme, je n’ai pas forcément été convaincue que le « don » familial soit réellement magique même si certains passages demeurent troublants. Dans tous les cas, j’ai apprécié la vision de la sorcellerie défendue par l’auteure puisqu’elle sied à merveille à l’atmosphère de ce livre. On y retrouve ainsi les peurs qui sévissaient dans les campagnes d’autrefois, ces craintes mêlées de religion et de superstition. Je dis les campagnes d’autrefois, mais certaines idées m’ont rappelé celles toujours présentes dans le village de ma grand-mère, il y a encore vingt ans. Les superstitions et les peurs ancestrales ancrées dans la mémoire collective ont la vie dure…

Quant à la fin, aussi abrupte que logique par certains aspects, elle a ce côté aigre-doux qui pourrait résumer la vie d’Eugénie, une fille de sorcière et de petite-sorcière qui aurait préféré avoir une mamie gâteau qu’une mamie qui parle aux crapauds. Selon l’expression populaire, on ne choisit pas sa famille, mais peut-on choisir de suivre ou non ce qu’elle nous a légué, parfois bien malgré nous ? Une question qui, de nouveau, est sujette à débat…

Enfin, si le roman m’a déstabilisée, car je ne m’étais pas attendue à ce que l’auteure aborde son histoire de cette manière, j’ai fortement apprécié sa plume. Elle manie à merveille les images et les mots pour nous plonger dans un récit à la fois empreint d’une naïveté toute juvénile, et d’une grande dureté. Un décalage qui rend la narration prenante et qui permet de ressentir en son for intérieur le virage dramatique que prend progressivement l’enfance de notre protagoniste.

Cependant, si le langage est beau et que l’on sent un sens du phrasé quasi inné, il se dégage du roman une certaine langueur, voire lenteur, qui pourrait déplaire aux amateurs de récits menés tambour battant. Je leur déconseillerais donc cette lecture sauf à vouloir sortir de leur zone de confort. Je confierais plutôt le roman aux lecteurs appréciant les plumes immersives prenant le temps de raconter la vie peu banale d’une fille qui aurait souhaité être normale.

En conclusion, teinté de sorcellerie et d’une pointe de romance, l’auteure ne nous propose pas ici la recette d’une potion magique, mais le récit d’une jeune femme qui, de retour dans sa ville natale, retrace sa propre histoire afin, peut-être, d’oublier les drames du passé et construire son avenir. Alternant entre douleur et joie, espoir et désespoir, ombre et lumière, douceur et violence, nul doute que la vie d’Eugénie ne devrait pas vous laisser indifférent.

Et vous, envie de découvrir L’Envoûtante ? Découvrez le roman sur la boutique des édition De Borée.

20 réflexions sur “L’Envoûtante, Marieke Aucante

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.