Le diplôme d’Amaury Barthet

Coucerture livre Le Diplôme

Je vous présente aujourd’hui mon avis sur Le diplôme d’Amaury Barthet. Un roman que j’ai apprécié malgré un protagoniste qui a fini par m’insupporter…

Résumé : Jeune, intelligente, Nadia a toutes les compétences pour réussir. Il ne lui manque qu’un diplôme pour en attester et lui ouvrir les portes d’un avenir meilleur.
Conquête pour certains, droit inné pour d’autres, ce sésame agit ici comme le révélateur d’un vaste mensonge érigé en système. Guillaume, prof de banlieue désabusé, va lui en offrir les clés. Mais si le mérite se monnaie au même titre que le sexe, le pouvoir et les idéaux, quel est le prix à payer ?

Lizzie (23/09/2023) – 4 heures et 55 minutes – Narrateur : Samuel Charle

AVIS

Je n’ai toujours pas fait ma PAL pour le challenge Un genre par mois, mais je vous présente aujourd’hui ma lecture pour le thème du mois de janvier (contemporain) :  Le diplôme d’Amaury Barthet. Un roman dont certains événements semblent improbables, mais pas complètement impossibles, ce qui permet de se plonger avec beaucoup de curiosité dans une histoire plutôt haute en couleur. Il y est question de diplôme, de mensonge, de réussite et de l’angoisse de voir tout s’effondrer…

Pour ma part, j’ai apprécié toutes les réflexions du protagoniste, Guillaume, autour des diplômes, de leurs limites et de l’obsession française pour ce sésame qui est loin de toujours ouvrir les portes qu’il devrait. Comme lui, je pense que certains métiers s’apprennent sur le tas et que certains diplômes attestent parfois bien plus de la capacité d’une personne à se plier aux exigences du système scolaire français que son degré de compétence. Et puis, si le diplôme peut représenter un premier pas vers l’ascension sociale, le milieu social d’origine n’offre pas la même égalité des chances en matière d’études. Cela ne veut pas dire que les diplômes ne servent à rien, mais qu’il est dommage qu’ils deviennent l’excuse pour mettre les gens dans des cases…

J’ai également aimé qu’à travers Nadia, une vendeuse chez Zara, on donne un coup de pied dans la fourmilière et qu’on prouve que quelqu’un, même sans le « bon diplôme », mais intelligent, déterminé et avec une réelle volonté d’apprendre et de bien faire, peut briller à condition de lui donner sa chance. Ainsi, Nadia est inspirante, inspirée et impressionnante par sa capacité à intégrer les codes et à se fondre dans un milieu dans lequel elle entre par un gros coup de bluff. Avec beaucoup de travail et une volonté de fer, elle arrivera à s’imposer parmi des « grands » qui ne verront rien de son imposture. Il faut dire qu’à part le bon diplôme qu’elle ne possède pas et qui n’est pas accessible à toutes les bourses, elle est finalement bien plus compétente et légitime dans ce qu’elle fait que beaucoup qui sont là par le jeu de la naissance et des relations. On découvrira d’ailleurs la force du réseautage et de la cooptation.

J’ai, en outre, apprécié les réflexions amenées par l’histoire autour de la notion de transfuges de classe, notamment à travers Nadia : alors qu’elle a gravi les échelons au point d’atteindre le sommet, elle ne se reconnaît plus dans ses parents vivant toujours dans leur HLM. Ce décalage qui la met mal à l’aise ne l’empêche par d’embrasser sa nouvelle condition, son statut et ce mirobolant niveau de vie dont elle n’aurait pu espérer avant l’idée un peu folle de Guillaume. C’est, en effet, ce professeur d’histoire-géographie qui l’a convaincue de s’inventer un prestigieux diplôme pour intégrer un poste de haut vol au salaire indécent et au jargon abscons. Un poste dans lequel elle excellera au-delà de ses attentes !

Au début, j’ai apprécié ce prof quelque peu désabusé aux réflexions non dénuées de pertinence. Puis, son cynisme ne s’est révélé être que le reflet de son égoïsme. Guillaume n’aide par Nadia par conviction comme je l’avais espéré, mais plutôt comme un projet qui lui permet de passer le temps et de donner un peu de mordant à sa vie médiocre. Médiocre est d’ailleurs le qualificatif que je lui associerais, à moins que ce ne soit parasite ou lâche. J’ai, petit à petit, développé un certain mépris pour cet homme qui ne respecte rien ni personne. Ses sursauts de violence et sa manière d’utiliser les femmes que ce soit physiquement, financièrement ou psychologiquement m’ont dégoûtée. Je n’ai pas compris pourquoi Amaury Barthet a jugé utile de rendre son personnage aussi immonde…

Je n’ai pas apprécié Guillaume et sa personnalité mais j’ai trouvé intéressant et bien amenés les sujets abordés, tous ancrés dans notre société. Je retiens également la narration de Samuel Charle qui arrive à capter l’attention des lecteurs et à restituer avec réalisme des émotions variées et des sentiments puissants : euphorie, passion, espoir, chagrin, culpabilité, peur voire terreur, désarroi devant une situation qui échappe à un protagoniste qui semble avoir oublié les risques de bâtir un empire sur du vent, ou même que ses choix ont des conséquences pour lui et surtout les autres ! Ce thème du poids des choix et de leurs conséquences est d’ailleurs traité avec une certaine justesse autant dans les prémices de l’histoire que dans sa conclusion.

Quant à la plume de l’auteur, je l’ai trouvé entraînante et vive, parfois nerveuse, s’adaptant avec efficacité aux événements, et créant chez le lecteur une certaine angoisse à l’idée que le château de cartes ne s’écroule sans qu’on ne puisse rien y faire. Une angoisse d’autant plus forte que si on peut regretter que Nadia ait accepté de participer à la mascarade imaginée par Guillaume, on ne peut que lui souhaiter le meilleur. Après tout, dans un système où le succès n’est pas toujours lié au mérite et est soumis aux barrières érigées par les puissants, difficile de lui en vouloir d’avoir elle aussi tenté de l’intégrer par des moyens détournés. 

En conclusion, Le diplôme fut une lecture courte mais percutante, Amaury Barthet  abordant des thèmes de société comme les diplômes, l’obsession française pour ces derniers et la manière dont ils enferment les gens dans des cases sans leur permettre de faire leurs preuves, à moins d’arriver à contourner un système loin d’être égalitaire. Au passage, il égratigne avec beaucoup de pertinence le monde du travail ou plutôt ses « élites » le gangrénant en le vidant de sa substance, tout en rappelant que chaque choix produit ses propres conséquences. Un roman social comme une satire qui est à lire mais qui souffre d’un protagoniste vil qui tombe dans un grotesque, peut-être de bon ton vu les thèmes abordés, mais dont le trait m’a semblé trop poussif pour servir le propos. Dommage, car pour le reste, c’est un sans-faute.

48 réflexions sur “Le diplôme d’Amaury Barthet

  1. La couverture est jolie ! J’ai beaucoup aimé ce premier roman que j’imagine même adapté en série ou au cinéma ! Merci pour ton retour, tu en parles très bien.
    Selon moi, ce premier roman est réussi !

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  2. Je te rejoins sur l’absurdité des cases dans lesquelles on met les gens à cause des diplômes obtenus ou non, et il est intéressant de passer par le roman pour la dénoncer. Dommage en effet pour le personnage masculin particulièrement antipathique…

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  3. Hello,
    J’ai beaucoup aimé ta réflexion sur les diplômes et de quelle manière en avoir un, dans les études supérieures, est surtout révélateur que l’étudiant à su se conformer au système académique. Le fait est que beaucoup de jeunes se dévaluent parce qu’ils pensent n’être capables de rien, alors que l’école ne leur convient-elle pas et qu’un métier plus manuel leur correspondrait mieux. Quand bien même le diplôme acquis, l’apprentissage se fait tout au long de la vie, et ce n’est pas l’école qui apprend l’intelligence sociale, une qualité essentielle quand il s’agit de se « vendre » sur un CV, lors d’un entretien d’embauche, ou d’avoir une bonne relation avec ses collègues et ses proches.
    Aimie

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    • Je partage complètement ton avis. L’école et son mode d’apprentissage ne sont pas universelles.
      Quand j’entends des parents refuser, en fin d’année scolaire, toutes les propositions d’orientation en pro alors que leur enfant pourrait s’épanouir et avoir une belle carrière, ça me prouve qu’on a encore du mal en France à voir au-delà de la filière générale. Et c’est dommage.
      Je te rejoins également sur la formation tout au long de la vie, un point crucial et de plus en plus probant vu l’obsolescence rapide des connaissances.
      En ce qui concerne l’intelligence sociale, je regrette personnellement sa place qui invisibilise des compétences autres et plus opérationnelles, mais il en faut néanmoins un minimum pour travailler en bonne intelligence avec les autres 🙂

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  4. Le diplôme a t il encore valeur aujourd’hui ? J’ai de la chance car j’ai choisi une filière dans laquelle on usait nos baskets dans les musées que les bancs avec nos fesses.
    Pourtant, ce n’était pas facile de trouver du boulot, car ça ne veut plus vraiment rien dire un diplôme. Je revois cette caricature d’un diplômé qui mendie avec sa coiffe. Elle m’avait tellement parlé !

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  5. Alors là, je ne peux qu’être d’accord avec tes propos ! « Je pense que certains métiers s’apprennent sur le tas et que certains diplômes attestent parfois bien plus de la capacité d’une personne à se plier aux exigences du système scolaire français que son degré de compétence. » Il y a souvent tout un monde entre la théorie et la pratique, et entre la pratique d’entraînement et la réelle mise en situation c’est encore un autre monde ! Et puis ce que tu dis ensuite sur le milieu social est tout aussi vrai, il faut bien l’admettre. J’étais bien curieuse face au panache de Nadia jusqu’à ce que j’arrive au passage où tu mentionnes les traits de caractères de Guillaume. Il m’attire beaucoup moins ce personnage. A voir, car les sujets m’intéressent bien quand même. Merci Audrey 🙂

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  6. Pingback: C’est le 1er, je balance tout !  : janvier 2024 | Light & Smell

  7. Si je comprends bien, c’est un genre de décalque de « Pygmalion », à argument renversé: ici, l’indispensable n’est plus la maîtrise des codes sociaux (savoir s’exprimer, avoir le bon « accent », s’habiller, se « tenir » en société), mais bien la seule « peau d’âne », dont la présente – supposée – ou l’absence ouvre ou ferme les portes de la réussite…
    Je tâcherai d’y jeter un oeil, merci – ou bien, est-ce que j’attends d’avoir vu une éventuelle adaptation au cinéma? Ca le mériterait certainement, mais ça semble mal barré: Amaury truc n’a même pas sa page sur wikip’, c’est dire… ;-/

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