La solitude d’une goutte de pluie, Fabien Muller

La solitude d'une goutte de pluie par Jean-Fabien

Dépassé par sa vie professionnelle, oscillant entre une hypocondrie qui l’étouffe et une vie sentimentale chaotique, Benoît navigue à vue. Le jour où la délicatesse d’une coïncidence vient chambouler son quotidien, il comprend qu’il ne faut jamais défier les desseins du hasard. Histoire de trajectoires qui se percutent ou expérience de réinsertion émotionnelle, La solitude d’une goutte de pluie est avant tout le récit d’une rencontre où s’entrelacent un scorpion fataliste, un lampadaire philosophe et une adolescente gothique, tisseuse des fils du destin.

Éditions L’Âge d’Homme (22 juillet 2020) – 200 pages – Broché (22€)

AVIS

Avec son physique avenant et son travail qui fait rêver les jeunes diplômés aux dents longues, Benoît aurait, à première vue, de quoi être heureux. Mais les apparences sont parfois trompeuses : il vient de se faire plaquer brutalement, bien que cela ne semble guère le déranger, il souffre d’une légère hypocondrie et, peut-être plus grave, il prend la vie comme elle vient sans vraiment savoir dans quelle direction aller. Benoît est donc de ces gens qui semblent avoir tout, mais qui n’ont rien. Et ce n’est pas son travail de Directeur marketing, dont il n’ignore pas la vacuité cachée derrière un vocabulaire volontairement abscons, qui va lui apporter ce sens qui fait défaut à son existence.

Mais le hasard faisant bien les choses, une mystérieuse inconnue, Myriam, va faire une entrée fracassante dans sa vie. Ce qui avait commencé par une erreur de courriel va alors déboucher sur une correspondance 2.0 à laquelle nos deux personnages vont prendre goût. De fil en aiguille, ils se découvrent tout en gardant une grande part de mystère, ni l’un ni l’autre ne semblant prêt à se dévoiler trop vite. Les échanges de mails entre Benoît et Myriam, emplis d’humour et de taquineries, apportent beaucoup de charme à l’intrigue même si j’aurais apprécié qu’il y en ait bien plus.

Cela ne m’a pas empêchée de prendre beaucoup de plaisir à me laisser porter par la plume de l’auteur qui nous plonge avec un certain mordant, et beaucoup de finesse, dans la vie de Benoît dont j’ai adoré l’humour et l’auto-dérision. Dès les premières pages, je n’ai pu retenir mes rires, cet homme ayant une vraie capacité de recul sur ses propres défauts, sur l’inutilité de son travail et les limites et absurdités du système de management à l’américaine en vogue dans son entreprise. C’est à se demander si ce n’est pas la politique de rébellion consistant à « ne rien faire et à le revendiquer » de l’un de ses collaborateurs qui serait encore la moins absurde…

Benoît n’est pas un héros ni un antihéros, c’est un courant d’air qui se laisse porter par le vent jusqu’à ce que Myriam entre dans sa vie par la petite porte et s’insinue petit à petit dans son esprit pour lui donner, sans le vouloir, cette grande claque dans le dos dont il avait besoin pour avancer et enfin reprendre les rênes de son existence. Parce que travailler sans entrain ni passion et passer d’une femme à l’autre plus par habitude que par envie, est-ce réellement vivre ?

En parallèle de cet homme qui erre dans la vie sans but précis, on découvre Myriam, non pas à travers ses mails, mais grâce à un procédé que j’apprécie toujours beaucoup et qui permet de faire la connaissance d’une adolescente haute en couleur. J’ai eu un coup de cœur pour Emma qui, derrière un certain cynisme et un humour grinçant, se révèle plutôt attachante et pleine d’initiatives ! Très liée à sa mère, elle est ainsi bien décidée à l’aider à se sortir de cette léthargie qui l’accable et à la soutenir, à son insu, dans ses tentatives de séduction virtuelle… Après tout, il ne va pas se faire tout seul ce petit frère qu’elle aimerait bien avoir. Et tant pis, si pour cela, elle va devoir se rapprocher d’un geek dont la notion d’hygiène semble être plutôt approximative. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour les gens qu’on aime !

Il y a donc beaucoup d’humour dans ce roman que ce soit à travers les personnages ou quelques situations cocasses qui ne devraient pas manquer de vous faire sourire. Il se dégage également une certaine poésie de cette rencontre fortuite et virtuelle entre deux êtres que rien ne destinait à se rencontrer, si ce ne sont les facéties du destin et un besoin de se plonger dans l’inconnu afin de pallier les insuffisances de l’existence.

Contrairement à ce que laissent présager la couverture et le titre mélancoliquement poétique, ce roman n’est pas triste, loin de là. Sans tomber dans les poncifs et autres idées dégoulinantes de bons sentiments de certains feel good, l’auteur réalise un sans-faute avec un roman qui amuse et qui emporte, qui fait sourire et qui interroge sur le sens de la vie. Drôle, relevé et bien plus profond qu’il n’y paraît, voici un roman que je vous conseillerais si vous aimez les belles plumes, l’humour, les personnages attachants, mais pas parfaits, et les hasards de la vie qui font les belles histoires.

Je remercie les Éditions L’Âge d’Homme et Babelio pour cette lecture.

23 réflexions sur “La solitude d’une goutte de pluie, Fabien Muller

    • Je me demande si la couverture ne symbolise pas cet élan intérieur maussade du protagoniste avant que Myriam n’entre dans sa vie et engendre chez lui un changement le conduisant vers le soleil et la lumière… Dans ce contexte, la tristesse qui se dégage de la couverture serait presque belle. Mais je comprends qu’elle puisse laisser perplexe !

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  1. J’adore ta chronique. « c’est un courant d’air qui se laisse porter par le vent jusqu’à ce que Myriam entre dans sa vie par la petite porte et s’insinue petit à petit dans son esprit « … C’est un commentaire (parmi d’autres) empli de poésie, et cela donne envie de découvrir ce livre!

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  2. Pingback: Top Ten Tuesday #190 : 10 romans dont la couverture ne possède pas de personnages | Light & Smell

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