#MeFoot, Lucie Brasseur

Je remercie Lucie Brasseur de m’avoir invitée à lire son dernier livre, #MeFoot.

PRÉSENTATION ÉDITEUR

L’événement est historique. Vingt-huit ans après sa création, la France accueille – enfin – pour la première fois, la Coupe du monde de football féminin.

Un an après le titre retentissant de la bande à Mbappé, l’occasion est inespérée de prendre la parole sur la place des femmes au sein du sport le plus populaire de la planète. Évidemment représentative de ce qu’il se passe dans le reste de la société.

Moins diffusées, (beaucoup) moins rémunérées, moins soutenues dès l’enfance, les footballeuses en particulier, mais de manière plus générale toutes les femmes, « ont trop souvent l’impression de s’incruster dans un monde qui ne veut pas d’elles » (Mélissa Plaza, ex internationale). Les lignes bougent, lentement. À quoi pouvons-nous croire ?

Un voyage exceptionnel au cœur du foot féminin pour que l’on arrête enfin de dire aux femmes qui elles doivent être.

#MeFoot, c’est l’extraordinaire road trip dans lequel Lucie Brasseur (romancière) et l’iconique Marinette Pichon (1ère footballeuse française professionnelle) se lancent à la veille de la 1ère Coupe du Monde de Foot Féminin. Écrit à la première personne du pluriel, comme un roman d’aventure, on rit, on pleure, on tremble, on s’émeut à la lecture de ces pages. 6 pays, 30 personnalités incontournables, un livre et un documentaire qui en finissent avec les clichés.

Éditions du Rêve (13 juin 2019) – 192 pages – Broché (14,95€)

AVIS

Quand l’autrice m’a proposé son livre, j’ai un peu hésité puisque je ne suis pas très foot et que regarder le sport sur un écran m’ennuie prodigieusement que les joueurs soient masculins ou féminins. Au moins, pas de discrimination ! Ce qui est loin d’être le cas dans le milieu très masculin du foot comme le démontre avec un certain panache cet ouvrage.

C’est grâce à une remarque d’apparence naïve, mais parlante sur l’état des inégalités hommes/femmes, d’un petit bout de chou de 6 ans et demi que Lucie Brasseur s’est intéressée à la question du foot féminin et à la place de la femme dans cette pratique sportive. Elle s’est alors lancée dans une enquête d’envergure durant laquelle elle a rencontré et interrogé des professionnelles et professionnels du foot, des politiques, des universitaires… Tout autant de visions qui se croisent et s’entrecroisent dans un ballet de questions/réponses passionnant et rondement mené.

Dès le premier chapitre, les faits interpellent tellement ils surprennent et révoltent : comment est-on passé d’un premier quart de siècle où un match international féminin a enthousiasmé les foules à une interdiction pure et simple pour la gent féminine de tirer dans un ballon ? Les hommes auraient-ils eu peur que les femmes leur volent la vedette ? Une chose reste certaine, apprendre qu’en France, pendant des décennies, les femmes n’ont pas eu le droit de jouer au foot m’a plus que laissée sans voix !

Et ce n’était que le début de ma surprise puisqu’au fil des pages, on découvre dans le monde du sport, a fortiori du foot, un sexisme tellement courant qu’il en devient ordinaire : les différences physiques utilisées pour dénigrer, sous-estimer et exclure, des comportements infantilisants qu’aucun sportif masculin n’accepterait, des questions idiotes qui humilient et/ou décrédibilisent… Ce dernier point n’est hélas pas l’apanage du foot. Je me souviens ainsi d’une rencontre publique avec une autrice à laquelle l’auditoire n’a fait que poser des questions sur son mari : comment vit-il la renommée de sa femme ? Est-ce qu’il doit s’occuper des enfants ? Comment l’aide-t-il dans sa carrière ? Ne se sent-elle pas trop coupable de faire des séances de dédicace loin de son mari et de ses enfants ?… Je loue d’ailleurs la patience de l’autrice et sa gentillesse, mais je suis ressortie de la salle très en colère… Je ne peux donc que compatir avec toutes ces femmes, footballeuses ou non, qui sont victimes au quotidien d’un sexisme franc ou plus latent.

Grâce à l’enquête menée par l’autrice, j’ai découvert un autre point qui m’a, en tant que femme, chagrinée : quand les footballeurs gagnent des millions ou, pour les moins nantis, de quoi vivre très décemment leur vie, beaucoup de footballeuses n’ont pas cette chance. Il semble exister une réelle précarité dans le milieu du foot féminin qui pose une question sur la sécurisation des parcours professionnels et la pérennisation des carrières. Un point qu’il est d’autant plus nécessaire d’aborder que les jeunes générations de femmes qui sont prêtes à faire valoir leur talent sur le terrain semblent rêver d’une carrière à la Mbappé sans se rendre vraiment compte de la réalité actuelle du métier.

Mais avant d’avoir la chance de défendre les couleurs d’une équipe, il faut d’abord avoir la possibilité de jouer. Or, même si les préjugés tombent peu à peu, les femmes ne sont clairement pas toujours les bienvenues sur un terrain de foot comme en témoignent les obstacles rencontrés par les footballeuses interviewées. Il faut dire que la discrimination commence dès l’enfance avec le fameux « le foot, ce n’est pas pour les filles » ou son corollaire, « le foot, c’est pour les garçons ». Pas étonnant que les filles doivent alors se battre deux fois plus pour s’imposer et prouver leur valeur à des garçons qui ont, pour leur plus grand malheur, tendance à sous-estimer leurs adversaires quand une fille est présente dans une équipe…

Avec un titre qui n’est pas sans rappeler le fameux #MeToo lancé sur Twitter et un sujet aussi complexe et vaste que la place des femmes dans le foot, j’ai eu peur d’un livre ardu à lire et à décortiquer alors que je l’ai lu d’une traite sans aucune difficulté. Il n’est pas nécessaire d’être féru(e) de foot féminin ou incollable en matière de féminisme pour s’approprier cette lecture. Les citations en début de chapitre sont très inspirantes, les propos clairs et simples et toujours mesurés, les différentes notions abordées définies de manière précise et succincte, les témoignages pertinents et intéressants, les exemples édifiants… La comparaison du football féminin en France avec la situation dans d’autres pays, quant à elle, apporte une autre perspective très intéressante d’autant qu’elle casse certains préjugés et mythes.

Lucie Brasseur nous offre donc ici un livre documentaire dynamique et très accessible qui met en avant, avec beaucoup d’intelligence et de perspicacité, le lien entre discriminations des femmes dans la société et discriminations des femmes dans le foot. Et parce ce que le foot est le sport qui suscite le plus d’engouement dans le monde, on apprécie que les choses et les mentalités commencent progressivement à évoluer comme l’en attestent l’augmentation du nombre de licenciées, la création d’un maillot spécialement conçu pour les joueuses ou encore l’organisation, pour la première fois depuis sa création, de la Coupe du Monde de football féminin en France.

Des petits pas qui se traduisent dans les témoignages par un certain optimisme quant à l’avenir. Il ne nous reste donc qu’à tout faire pour qu’un jour, il ne soit plus question de foot féminin par opposition au foot masculin, mais de foot tout simplement. Et cela commence par offrir aux femmes des moyens matériels et financiers suffisants pour leur permettre, au même titre que les hommes, de se dévouer entièrement à leur carrière sportive. En attendant, je vous invite à découvrir cet ouvrage instructif et très bien construit avant de visionner le reportage dont j’attends avec curiosité la diffusion.

Retrouvez le livre sur le site des Éditions du rêve.

11 réflexions sur “#MeFoot, Lucie Brasseur

  1. Pour la rémunération c’est une question de bon sens. Il y a moins de monde qui va assister aux matchs feminins, moins de retransmissions, moins de sponsors, donc moins de rentrée d’argent. Si tu rentres moins d’argent, bah tu peux pas payer autant, c’est logique.
    Par contre, j’espère que ça va changer car on a vu l’engouement qu’il y a eu cet été, et c’est c’est une très bonne chose. Mais il faut cependant que les gens suivent et regardent des matchs feminins toute l’année. Combien s’offusquent et n’ont même jamais regardé un match ? Et donc ne soutiennent pas ?
    Je suis abonné à Canal + qui est le diffuseur de la D1 féminine et j’ai pas attendu la coupe du monde pour regarder les lyonnaises ou les parisiennes jouer. D’ailleurs le championnat reprend bientôt 😉

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    • C’est en effet évident que les sommes en jeu ne sont pas les mêmes et que par extension, les salaires sont bien différents 🙂 Mais le problème est plus profond. On ne parle pas d’égalité parfaite des salaires, mais d’égalité des chances. Quand tu vois que dès l’enfance, tout est fait pour décourager les femmes de jouer au foot ou que beaucoup ne peuvent pas se consacrer à 100% à leur carrière, tu te rends compte que c’est tout un système à repenser…
      Pour ma part, je pense qu’on peut s’offusquer d’un système discriminatoire sans pour autant regarder des match à la télévision … Je n’aime pas le foot sur écran et ce n’est pas parce que des femmes jouent que je vais me mettre à aimer. Par contre, si on m’en donnait l’opportunité, je serais ravie d’aller voir un match de foot féminin au Chaudron aimant beaucoup l’ambiance du stade 🙂

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      • Pour l’égalité des chances, oui, je suis d’accord, il faut faire avancer les choses, et avec un peu de chance, le reste suivra.
        Après, je trouve facile de s’en prendre toujours au salaire dans le foot, alors que c’est malheureusement exactement pareil pour tous les métiers, il n’y a qu’à voir combien gagne un acteur et une actrice, c’est hallucinant.
        Pour voir les matchs, avant d’aller au chaudron faut déjà aller encourager l’équipe féminine dans leur stade (Je sais pas si St Etienne possède une équipe féminine ?) car quand on voit le taux de remplissage, le stade serait vide…
        même pour la finale de la ligue des champions des lyonnaises il n’y avait pas grande monde 😭

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  2. Très intéressant. J’ai rencontré Lucie brasseur l’année passée à Marciac car elle tenait un stand de librairie avec sa maison d’édition Yakabook qui propose des livres à 2 euros. C’était pendant le festival de jazz et on passait chaque soir discuter avec elle. Vraiment quelqu’un de bien ! Je suis très content d’être tombé par hasard sur cette belle chronique et sur ce blog très bien construit et très riche. Bonne journée

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