La ville grise, Torben Kuhlmann

Couverture La ville grise, Torben Kuhlmann

Je vous propose aujourd’hui mon avis sur La ville grise de Torben Kuhlmann lu dans le cadre du challenge Petit Bac 2024

Résumé : Nina emménage avec son père dans une nouvelle ville. Une ville grise. Alors tous les matins, Nina enfile son ciré jaune. Mais cela lui vaut les reproches des autorités de la ville, qui ne veulent pas qu’elle chamboule leurs plans. Accompagnée de son ami Alan, elle va tout faire pour rendre leurs belles couleurs à la ville et à ses habitants.

Éditions NORD SUD (26 octobre 2023) – 60 pages – 20€

 AVIS

Torben Kuhlmann nous plonge dans une ambiance graphique presque oppressante et asphyxiante, parfait miroir de la ville dans laquelle Nina vient d’emménager avec son père. Une ville bétonnée dépourvue d’artifices, d’exubérance, de chaleur et de couleurs ! Alors comme on peut l’imaginer, Nina, avec son ciré jaune, dépareille au milieu de cette étendue de gris et de tristesse. Elle fait d’ailleurs plus que dépareiller…

En effet, en refusant de se plier à la règle de ne porter aucune couleur, notre jeune héroïne se fait très vite remarquer à l’école, mais pas seulement. Il semblerait que certaines personnes tiennent à ce que le gris règne en maître dans la ville et ne sont pas prêtes à accepter qu’une enfant remette en cause l’hégémonie de cette couleur et l’ordre établi.

D’emblée, j’ai aimé les graphismes qui sont d’une grande expressivité et qui permettent de ressentir le poids pesant d’une ville uniforme et sans une once d’âme humaine. Mais surtout une ville sous contrôle, l’endoctrinement et la propagande semblant fortement enraciné au point d’avoir élevé les habitants, enfants compris, au rang de parfaits petits soldats, défenseurs absolus du gris.

L’auteur, à travers cette simple et pourtant percutante mise en scène, illustre à merveille la force destructrice des régimes totalitaires et la manière dont ils annihilent à la source ce qui fait la richesse d’un peuple ou tout simplement, d’un être humain. Aucune imagination, aucune joie de vivre, aucune lumière, aucune couleur, pas de culture… Juste le respect d’une règle arbitraire érigée en art de vivre ; une règle ne souffrant aucune remise en question.

Mais c’était avant l’arrivée de Nina dont j’ai apprécié la représentation graphique dans la ville. Cette dernière semble toute petite, presque perdue parmi les grands immeubles, néanmoins, son ciré à la couleur éclatante nous permet instantanément de la localiser et de suivre sa progression. La fillette, boule d’oxygène à elle toute seule, apporte cette pointe de lumière que la ville a méthodiquement chassée et cachée sous des tonnes de béton et de gris.

Les couleurs, Nina, elle les aime et elle refuse d’y renoncer malgré les punitions à l’école et les menaces plus ou moins voilées. Heureusement, des poches de résistance existent et Nina pourra compter, dans son combat pour les couleurs, sur un camarade qui refuse, comme elle, de se plier à la dictature du gris ! Le duo fonctionne à merveille et impulse cette dynamique de rébellion qu’on attend dès les premières pages ou presque.

Tout au long de cette courte et saisissante lecture, je me suis interrogée sur les réelles raisons de l’obsession de la ville pour le gris et le refus obstiné de la couleur. Et je dois dire que j’ai apprécié la voie empruntée par l’auteur. Cela m’a parfois donné l’impression d’être plongé dans un film où des héros ordinaires vont devoir réaliser l’extraordinaire, munis de leur intelligence, de leur détermination et de leur esprit critique. L’esprit critique, une denrée précieuse, ennemie des dictatures et contraire au confortable prêt-à-penser qui arrive à ériger une chose aussi banale que la couleur en ennemie du peuple…

En conclusion, avec La ville grise, Torben Kuhlmann nous prouve qu’une ville peut en cacher une autre, mais pour cela faut-il encore que des personnes s’élèvent contre l’uniformité malgré les dangers et la répression. Une œuvre de fiction divertissante, avec un message fort et intéressant, qui nous fait passer progressivement et avec intelligence du gris à la couleur, de la dictature à la la liberté  !

Roman lu dans le cadre du Challenge Petit Bac 2024

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47 réflexions sur “La ville grise, Torben Kuhlmann

  1. Très belle expérience !
    J’avais déjà lu un album sur le sentiment d’oppression de la ville et de liberté/calme de la campagne (un Juliette Lagrange) mais la dimension totalitaire du régime change tout ici. J’essaierai de me le trouver pour le lire. Merci

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  2. Un monde sans couleurs comme ce serait triste ! Elle a bien raison cette petite Nina de ne pas se plier à cette règle étrange. A travers tes mots, j’ai senti la force du sujet, cette pression sociale, cet asservissement du peuple. A première vue, avec la couverture, je ne m’attendais pas à un tel sujet, mais tu m’as rendu curieuse. Merci pour cette découverte Audrey 🙂

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    • Je trouve la couverture excellente : on ne peut pas vraiment deviner à partir de celle-ci de quoi va parler l’album mais une fois qu’on a lu l’histoire, on réalise qu’elle est parfaite 🙂
      Je te rejoins, quelle tristesse une vie sans couleurs. Heureusement qu’il y a des personnes comme Nina 🙂

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  3. Ce récit est une fable qu’on peut rapprocher de la nouvelle classique étudiée au collège « Matin Brun » de Franck Pavloff ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Matin_brun) qu’on peut lire sur internet. Elle me rappelle aussi… Que des femmes sont mortes en Iran pour avoir laissé dépasser une mèche de cheveux de leur foulard… La tyrannie et l’oppression à l’heure actuelle sur Terre ont des oukazes aussi injustes que dans l’oeuvre dont tu nous parles, dont la lecture est donc très nécessaire. Aujourd’hui on peut mourir quelque part dans le Monde pour une mèche de cheveux, ailleurs ce sera peut-être pour avoir porté du violet, ici ce fut parce qu’on écoutait de la K-pop ( des ados ont été exécutés en Corée du Nord pour ce motif) là ce sera pour un autre motif aussi terriblement anodin mais dans lequel le tyran placera une limite injuste et inadmissible. C’est une nouvelle version des histoires qu’il importe de lire pour s’obstiner à conserver son libre-arbitre. Merci de l’avoir lue pour nous rappeler tout ceci.

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    • Merci pour ton commentaire plein d’intelligence qui met en avant une chose que j’ai occultée dans mon avis : l’universalisme de la tyrannie. Elle peut prendre différentes formes et être basée sur différentes idées et idéologies, mais le résultat est le même : l’oppression, la violence et l’annihilation du libre-arbitre.
      Je t’avoue que j’ai apprécié qu’un auteur évoque ce thème délicat à travers un album jeunesse. Plus on est poussé jeune à réfléchir, plus on est doté des ressources pour résister à l’inacceptable.

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  4. dès que j’ai vu la couverture de cet album, j’ai eu envie de le lire ! Il n’est pas dispo à ma bibli malheureusement. Je note quand même le titre dans un coin de mon cerveau au cas où je le croiserais ailleurs ou plus tard.

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