Les yeux verts, intégrale de Hubert et Zanzim

Couverture BD Les yeux verts, intégrale de Hubert et Zanzim

Je vous propose aujourd’hui mon avis sur Les yeux verts (version intégrale) du duo Hubert et Zanzim. 

Résumé : 1793. Le vicomte Narcisse de Rougemont, en exil à Londres, est mandaté pour une mission de la plus haute importance : faire sortir le père Anselme de France, où la Révolution gronde toujours. Mais le jeune aristocrate va se trouver rapidement confronté à d’étranges phénomènes. Pragmatique, il refuse de se laisser déconcerter par des superstitions obscurantistes ! Pour peu que l’on garde « son flegme », comme disent nos cousins britanniques, il est possible de trouver une explication rationnelle pour tout. Vraiment ? Même aux sorcières ? Même aux femmes à corps de félin ? Alors que son chemin croise celui de deux sœurs qui se disputent une même paire d’yeux verts, Le vicomte réalise que sa mission est de toute autre nature. Sa vie bascule quand il se retrouve à son tour, en possession de ces yeux maléfiques ! Commence alors une nouvelle vie pour Le Vicomte… mais les Anglais ne comptent pas en rester là. En compagnie de Mister Smith, un petit yorkshire à la langue bien pendue, ils sont prêts à tout pour récupérer le pouvoir surnaturel des yeux verts…

Glénat BD (25 octobre 2023) – 128 pages – 20€

AVIS

J’ai lu cette BD dans le cadre d’un challenge littéraire et je ne le regrette point ayant d’emblée été saisie par cette histoire fantastique, dans tous les sens du terme, et ses illustrations teintées d’un étrange et bien sombre onirisme. Et puis, j’ai apprécié de retrouver le duo Hubert/Zanzim, découvert dans Peau d’Homme, à travers cette réédition enrichie d’un dytptique publié en 2002.

Nous suivons ici le vicomte Narcisse de Rougemont, un noble français exilé en Angleterre, révolution française oblige. Ce dernier accepte néanmoins une mission plutôt dangereuse, d’autant qu’on est loin de lui en avoir expliqué les réels enjeux et dangers : exfiltrer un religieux hors de France. Les débuts des ennuis pour le jeune vicomte qui va vite se retrouver pris dans un engrenage infernal, voguant d’un danger à l’autre avec une étonnante constance. Certaines situations et personnages m’ont délicatement faite frissonner, les lecteurs étant plongés dans un imaginaire horrifique des plus expressifs.

En plus des dangers auxquels Narcisse fait face avec un aplomb certain, une galanterie en décalage total avec le contexte et une noblesse tout aristocratique, il se voit affubler d’un cadeau dont il se serait fort volontiers passé et qui fait l’objet de bien des convoitises. Je n’en dirai pas plus, si ce n’est que j’ai adoré la manière dont ce cartésien dans l’âme va être confronté à des phénomènes étranges que même la plus pure des raisons aurait bien du mal à expliquer. De fil en aiguille, il va ainsi devoir remettre en cause ses croyances, tout en luttant âprement pour sa survie, ce qui sera loin d’être une sinécure…

L’auteur nous propose ici une histoire atmosphérique sans temps mort qui alterne entre dangers, action, mystère, horreur et émotions. En effet, Narcisse m’a beaucoup touchée par sa dévotion vis-à-vis d’un autre personnage. Cela lui apporte une humanité que sa raideur des débuts ne permet pas tout de suite de saisir et de ressentir. J’ai, ainsi, été émue par tout ce qu’il va entreprendre pour assurer la protection de la personne qui lui est chère, d’autant que le contexte de cette France révolutionnaire et sanguinaire ajoute à la nuisance surnaturelle, la nuisance bien humaine. Du moins, quand on est un aristocrate…

Le vicomte est un personnage dont j’ai apprécie les contours, la personnalité de battant qui cache un coeur aux côtés duquel on finit par saigner, et une évolution intéressante et progressive. Mais j’ai également apprécié les antagonistes avec une mention spéciale à Mister Smith, un homme dans le corps d’un yorkshire qui a de la suite dans les idées et un caractère de chien ! Les antagonistes sont caricaturaux et grotesques à souhait, mais cela fonctionne à merveille car on sent que c’est volontaire et non une faiblesse du scénario. Aussi risibles soient-ils, ils n’en demeurent pas moins dangereux, ceux-ci n’hésitant pas à manipuler et à user de bien vils stratagèmes. Des stratagèmes presque imparables quand comme notre vicomte, on peut se révéler intraitable sur certains sujets, mais bien naïf sur d’autres.

L’aura de danger est donc constante et l’horreur semble pouvoir frapper à chaque instant ce qui pousse les lecteurs à rester sur le qui-vive et à dévorer les deux tomes de cette version intégrale. Le deuxième tome se termine sur une fin ouverte qui aurait dû me frustrer mais qui m’a étrangement satisfaite. Peut-être parce que j’ai aimé l’onirisme avec lequel on peut l’interpréter. Cela ne m’a pas empêchée de fortement apprécier la démarche des éditions Glénat qui nous donnent accès aux documents de travail autour du tome 3, qui n’a jamais été finalisé et donc publié. Cette version intégrale enrichie nous permet donc de prolonger le plaisir en plus d’avoir accès à quelques lignes de scénario venant conclure une histoire à l’atmosphère dangereusement envoûtante.

En conclusion, dans une ambiance graphique soulignant l’angoissant périple de notre héros dont l’esprit cartésien est malmené par les forces surnaturelles qui se déchaînent, l’auteur nous offre une aventure rythmée dont on aura bien du mal à lever les yeux. Cela tombe bien car les yeux, mais pas n’importe lesquels, seront ici un enjeu majeur pour le plus grand malheur d’un vicomte qui se serait bien passé de croiser leur route. Empreinte d’une aura mystérieuse et emplie de dangers de différentes natures, Les yeux verts est une lecture saisissante et étrangement captivante.

Roman lu dans le cadre du Challenge Petit Bac 2024

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48 réflexions sur “Les yeux verts, intégrale de Hubert et Zanzim

  1. Il est dans ma PAL depuis Noël… Je ne savais pas que c’était une oeuvre inachevée cependant il semble y avoir suffisamment à boire et à manger dedans pour me plaire avec cette si riche atmosphère.
    Il va falloir que je le sorte maintenant 😄

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  2. Ton expression « une histoire atmosphérique » m’a amusée car elle demeure forcément mystérieuse ! Ton analyse m’a passionnée alors même que je n’aurai pas l’occasion de lire l’oeuvre. (Détail : il manque b à « tombe » dans les dernières lignes pour « ça tombe bien »). J’avoue qu’il m’a manqué de voir une planche de cette BD car dans ce genre littéraire le dessin est des plus essentiels. J’ai donc complété ton avis par une recherche d’images et vu que ce style de BD est plus narratif que graphique; il me semble que ce sont les couleurs qui y priment sur le dessin des personnages. On comprend alors que tu aies eu autant à raconter… et « atmosphérique » prend tout son sens. Bonne semaine ! 🌈☀️

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    • Merci pour la faute, je vais aller corriger cela 🙂
      Les couleurs jouent clairement un grand rôle dans cette histoire et les traits, notamment des personnages, ont ce truc en plus qui permet à l’ensemble de fonctionner à merveille et de nous tenir captifs.

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  3. Rien à voir donc avec une vieille BD que je dois avoir dans un coin, Les cavaliers aux yeux verts (d’après un roman de Loup Durand)…

    Plus sérieusement, le peu d’albums que j’ai lus de Zanzim et/ou Hubert (La sirène des pompiers, Peau d’homme, Miss Pas Touche, L’île aux femmes) ne m’a pas déplu, alors pourquoi pas, si j’ai l’occasion de le trouver en bibli (sans doute dans l’ancienne édition et pas en « intégrale » avec le complément, dans un premier temps!).

    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

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    • Rien à voir mais voilà maintenant intriguée par cette vieille BD 🙂
      Ce serait déjà très bien étant certaine que le charme opère également avec la première édition. Pour ma part, je ne l’ai encore jamais croisée sinon, j’aurais craqué bien avant.

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  4. De ce duo, j’avais repéré la BD Ma vie posthume qui me tentait bien, et de Hubert j’ai beaucoup apprécié la trilogie Beauté. Je ne connaissais pas Les yeux verts mais le côté un peu chevaleresque et fantastique ne serait pas pour me déplaire. Et les méchants grotesques, j’aime bien ça quand c’est assumé jusqu’au bout et apparemment ça marche ici 😄 C’est bien que Glénat est proposé un accès aux travaux du tome 3, c’est un bel hommage à Hubert, j’ai une grande pensée pour ses proches. Merci Audrey pour cette présentation, je me note cette BD sans hésiter.

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  5. J’adore les « trognes » des personnages et tu as su m’appâter avec cette ambiance mystérieuse et ces yeux verts ! J’ai beaucoup aimé Peau d’homme et j’ai donc un a priori positif sur les oeuvres de Hubert…

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    • J’avais eu un coup de coeur pour Peau d’Homme que je te recommande très fortement pour ses thèmes et leur intelligent traitement.
      Merci pour ce beau compliment et belle découverte. Cette BD est moins connue que Peau d’Homme mais elle possède aussi de beaux atouts et un charme particulier.

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