Les machines ne saignent pas, Jenna Preston-Penley

Couverture Les-machines-ne-saignent-pas

Je remercie les éditions Crin de chimère pour m’avoir envoyé Les machines ne saignent pas de Jenna Preston-Penley en échange de mon avis.

2170. Quel objectif commun verrait s’allier un chef insurgé, deux militaires, des jumelles sulfureuses, un catcheur clandestin et un ado accro aux jeux vidéo ? Une nouvelle ère d’héroïsme. Sélectionnés par leurs gènes et par la volonté de géants industriels, ces agents sont les meilleurs parmi les meilleurs. Ils incarnent Autorité et Justice au sein de la Fédération, substitut des États-Unis en constant conflit civil. Un marketing écœurant fait d’eux des figures de force, de courage, d’abnégation, et ne rate jamais une occasion de monnayer leur image. Mais là où la majorité crédule embrasse ces faux-semblants, tous ne sauraient être abusés. Certains voient à travers les filtres de VitaTrend et sa toile de réseaux sociaux ; distinguent de la cruauté derrière des sourires étincelants et des gestes de gentillesse. Agissent-ils vraiment pour la Justice, ou pour eux-mêmes ? Ce monde s’enfonce dans sa crasse et sa folie, gouverné par des officiels véreux et des magnats jaloux. Quand super cesse de s’allier à héros, comment garder la foi ?

Crin de Chimère (12 novembre 2021) – 562 pages – 18,90€

AVIS

Si la forme ne fait pas tout, je tiens néanmoins à souligner la beauté du travail d’édition que ce soit au niveau des effets sur la couverture, des ornements en début de chapitre et en bas de page, ou des illustrations des personnages disséminées par-ci, par-là. Des petits détails qui enjolivent un récit plutôt sombre, dur et violent, l’autrice n’épargnant ni ses protagonistes ni ses lecteurs.

Pour ma part, j’ai beaucoup aimé me plonger dans cet univers cyberpunk où la technologie est utilisée pour améliorer les humains à moins que ce ne soit, comme vous le verrez, pour mieux les asservir. Je lis peu de science-fiction, mais j’apprécie toujours quand il est question d’hommes et de femmes augmentés comme c’est le cas ici. J’éprouve, en effet, une sorte de fascination envers cette idée de technologie qui se fond entièrement dans l’être humain de manière à améliorer ses performances, ses sens et ses facultés. À cet égard, Jenna Preston-Penley ne m’a pas déçue avec son équipe de super-héros augmentés.

Enfin, des super-héros version The Boys, ceux-ci n’hésitant pas à tuer pour le compte de leur « père », auquel ils sont d’une grande loyauté, quand ils l’estiment nécessaire. Si Aryan Turner n’est pas leur père biologique, il est l’homme derrière leur naissance en tant que super-héros et leur renaissance tout court. On assiste ainsi, dans la première partie, à la manière dont il va transformer différents individus en des héros prêts à se battre pour lui et sa cause. Je vous laisserai le plaisir de découvrir ce que cela implique, mais je peux néanmoins vous dire que Turner ne recule devant rien et encore moins devant le pire.

L’objectif de cet homme d’affaires puissant, déterminé et fortuné semble louable, mais ses méthodes sont tellement cruelles et inhumaines qu’il est impossible de le considérer comme le sauveur de l’humanité. Mégalomane et sans aucun scrupule, c’est l’illustration parfaite de la personne qui estime que la fin justifie les moyens, surtout quand cette fin lui permet d’accroître son pouvoir et son influence. Face à lui, un homme bien déterminé à le contrer se démarquera, avant d’entraîner dans son sillage un autre individu qui se révélera bien plus retors qu’on aurait pu le penser. Une sorte de combat à mort va alors s’engager et nous plonger dans l’horreur des exactions commises au nom de l’intérêt de tous, du moins supposé, de l’amour, de la vengeance et de la haine.

Cela ne constitue pas le fond de l’histoire, mais attendez-vous d’ailleurs à quelques scènes gores, des détails morbides et des morts violentes et choquantes. L’une d’entre elles m’a profondément marquée par sa brutalité, mais j’ai trouvé qu’elle illustrait à la perfection la descente aux enfers, et la plongée inéluctable dans la folie, d’un homme ivre de vengeance. L’autrice a néanmoins réussi l’exploit de me faire ressentir une certaine pitié pour sa douleur quand il n’en mérite clairement aucune. Vous aurez donc compris qu’entre les meurtres, les complots, la manipulation de haut niveau et de masse, le sang et la vengeance, ce monde est loin d’être celui des Bisounours. 

C’est pourtant le monde que doivent affronter les Black Vipers, ces hommes et femmes transformés en machines par Turner. Des machines en théorie destinées à protéger le monde de la violence, en pratique, à protéger Turner et ses intérêts. La galerie de personnages est intéressante, mais j’ai très vite développé une préférence pour deux d’entre eux, puis pour un troisième personnage introduit un peu plus tard : une femme qui va consentir à un lourd sacrifice pour retrouver sa famille. En plus d’être courageuse, combative et attachante, cette femme va, petit à petit, permettre à Centurion et Shadow de retrouver un peu de cette humanité dont Turner les a privés.

Vu le monde dans lequel ils vivent, pas certaine que ce soit un cadeau à leur faire, mais cela permet aux lecteurs de s’attacher à ces deux héros aux allures d’antihéros. On assiste également à leurs batailles intérieures, les réminiscences d’un passé qu’on leur a fait oublier venant se heurter à la mission pour laquelle ils ont été programmés. L’autrice évitant l’écueil du triangle amoureux, j’ai apprécié la relation qui va se développer entre elle et les deux hommes-machines. J’ai aimé la voir briser métaphoriquement et littéralement leur carapace et arriver à rapprocher ces deux êtres à la rivalité exacerbée par un père spirituel qui aime à jouer avec ses créatures de chair et de métal.

Le roman ne manque pas d’action et de personnages tordus, avec notamment une femme complètement psychopathe qui m’a donné des sueurs froides, mais j’avoue que ce n’est pas ce que j’ai préféré. Il est bien sûr haletant de suivre les protagonistes dans leurs différentes missions toujours très mouvementées, et c’est un doux euphémisme, mais j’ai fini par me lasser de tout ce remue-ménage. Pour moi, l’atout de ce roman réside avant tout dans la construction de son univers sombre et technologique qui devrait plaire aux amateurs de cyberpunk, tout en restant assez accessible aux lecteurs peu coutumiers du genre.

À moins que ce ne soit la dimension humaine, car si Les machines ne saignent pas, elles finissent ici par ressentir, et par extension, faire ressentir aux lecteurs des émotions parfois très fortes. Cela rend la survenue de certains événements d’autant plus difficiles à vivre, tout en facilitant grandement le sentiment d’immersion. Le roman suscite également quelques réflexions d’ordre éthique et moral intéressantes : le poids et le rôle des souvenirs dans la construction d’une personnalité, le bien et le mal, et la manière dont une science dépourvue d’éthique et de conscience peut vite faire basculer le premier vers le second…

En conclusion, Les machines ne saignent pas est un roman intense qui plonge rapidement les lecteurs dans un univers cyberpunk où la technologie vient souligner la brutalité de ceux qui dominent et qui n’hésitent pas à l’utiliser pour tromper et asservir. Sang, vengeance, meurtres, manipulation, scènes parfois gores et explicites… Ce n’est pas un livre à mettre entre toutes les mains, mais un livre parfait pour les lecteurs appréciant les ambiances sombres et implacables dans lesquelles même les héros ont du sang sur leurs mains. Intense, cruel par bien des aspects, mais aussi étrangement humain, voici un roman aux multiples facettes qui alterne entre action, violence et espoir en une humanité prête à se révéler dans le métal.

27 réflexions sur “Les machines ne saignent pas, Jenna Preston-Penley

  1. Je n’en avais jamais entendu parler! Et au vu du résumé (les seuls persos féminins mentionnés ont pour seule description le mot « sulfureuses »), je ne me serais jamais attardée dessus…

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  2. Je te rejoins, cette couverture est vraiment sympa ! J’aime bien quand il y a des ornements dans les chapitres, ce n’est pas grand chose, ça ne change pas l’histoire mais ça apporte un petit plus bien appréciable 🙂 en tout cas cette lecture a l’air bien violente tout de même, mais tu sembles avoir grandement apprécié l’univers cyber punk. Je ne connais pas cet univers en littérature mais ce roman a l’air prometteur, avec de bons frissons avec des personnages particulier 😁

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  3. Pingback: C’est le 1er, je balance tout ! avril 2022 + challenges | Light & Smell

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