Découvert par hasard, L’idiot du village de Patrick Rambaud, aux éditions Grasset, m’a offert un bon moment de lecture..
PRÉSENTATION ÉDITEUR
Vous n’aimez pas votre époque ? Ce n’est pas une raison pour glorifier le passé. Imaginez que vous vous retrouviez soudain transporté au début de ces années cinquante dont vous pensiez avoir la nostalgie : vous seriez plus désorienté que sur la planète Mars. Voilà ce qui arrive au héros de notre histoire. Un jour, en parcourant le quotidien qu’il vient d’acheter, il tombe avec surprise sur des informations de 1953. Il croit à une plaisanterie ou à un numéro spécial, mais non, car d’autres hallucinations vont le plonger en 1953, à Paris, dans ce quartier des Halles qu’il habitait à la fin du XXème siècle. De plus en plus précises, de plus en plus longues, ces hallucinations finissent par le jeter dans son propre passé, qu’il reconnaît mal : il avait sept ans en 1953. Ainsi largué dans le Paris de son enfance, il se sent étranger. D’abord incrédule, il se résout à accepter ce sort improbable. Comme à l’époque on trouvait du travail, il devient plongeur dans un restaurant de la rue Montorgueil, puis garçon de salle, et il s’aperçoit vite de sa supériorité : il connaît par avance les événements… Au début, il en joue avec un habitué du restaurant, journaliste en vogue, très intéressé par ses prédictions, mais il va se rendre compte que son savoir ne lui sert à rien. Il se prend pour l’idiot du village, cet oracle un peu foutraque qu’on consulte mais dont on se moque, même s’il a raison. Jusqu’au jour où, dans la rue, il se croise lui-même lorsqu’il a sept ans. A partir de là, tout va basculer.
Grasset & Fasquelle (12 janvier 2005) – 160 pages – Broché (16,30€) – Ebook (5,49€)
AVIS
Le thème du voyage dans le temps est toujours risqué, mais l’auteur s’en sort ici très bien en se concentrant sur l’aventure humaine plutôt que sur les explications quant à ce prodige. Nous découvrons ainsi notre protagoniste qui, sans trop savoir comment, navigue entre le présent et le passé, entre 1995 et 1953. Une situation à laquelle il s’adapte plus ou moins jusqu’à ce que l’impensable se produise : le voilà coincé en 1953, dans le Paris de son enfance, sans aucun moyen de retourner dans le présent auprès de sa chère femme, Marianne.
Sur un malentendu et grâce à une rencontre, il trouve heureusement un travail dans un restaurant où il sera repéré par un journaliste du Figaro, non pas pour ses talents de serveur, mais pour sa faculté à prédire les événements futurs. Content d’avoir trouvé une personne capable de le faire briller et de le propulser vers des sommets, ce journaliste n’hésitera pas à user et abuser des talents de notre narrateur qui, d’une certaine manière, se complaît dans le rôle ingrat du conseiller personnel et secret. Il faut dire que lui-même aimerait utiliser ses connaissances quant à l’avenir, notamment pour changer quelques événements passés…
Mais après l’exaltation de la connaissance vient la désillusion de l’impuissance, car si dans son esprit tout est simple, dans la réalité, il n’a que de prise sur les événements. Il n’est, en effet, pas si facile de changer le passé, mais est-ce de toute manière souhaitable ? Une question à laquelle il pense vaguement, mais qu’il met très vite de côté jusqu’à une rencontre, une rencontre avec lui-même qui donne un autre tournant à l’histoire. On ressent alors une impression de nostalgie, avec cette question du temps qui passe, de ce que l’on sait, de ce que l’on regrette et de ce que l’on changerait…
Ce retour dans le passé, en plus d’offrir une trame narrative prenante, est un bon moyen pour l’auteur de nous plonger dans ce Paris des années 1950, au charme certain, avec ces métiers dorénavant disparus et une population vivant de manière plus simple sans l’omniprésence de cette télévision qui remplace les conversations. Nous redécouvrons également le contexte national et international mouvementé de cette époque qui, après les traumatismes de la Seconde Guerre mondiale, mène ses propres combats : guerre d’Indochine, grogne sociale avec des grèves de grande ampleur, guerre froide…Tout autant de sujets qui devraient rappeler des souvenirs aux lecteurs qu’ils soient férus d’histoire ou non. Les nombreux clins d’œil à la littérature m’ont également plu, mais il faut dire qu’avec un protagoniste vivant le nez dans les livres depuis ses sept ans, cela n’a rien d’étonnant.
Assez court, le roman se lit d’une traite d’autant que l’écriture est fluide, les réflexions de l’auteur sur les évolutions sociétales, humaines et urbaines intéressantes, les dialogues entre les personnages réalistes et dynamiques, le jeu entre présent et passé bien amené… La fin, si elle m’a d’abord semblé un peu abrupte dans la mesure où j’aurais apprécié quelques chapitres de plus, a fini par totalement me convaincre. On évite les atermoiements, les longueurs, les digressions pour se concentrer sur notre héros et un avenir que j’ai envie de croire plein de promesses.
En conclusion, L’idiot du village, titre que vous comprendrez en cours de lecture, est une fable teintée de fantastique qui, à travers un protagoniste ordinaire aux prises avec un phénomène extraordinaire, pose un certain nombre de réflexions notamment sur les évolutions de la société et le temps qui passe. La connaissance, arme ou fardeau ? Une question que l’on ne peut que se poser en fin de lecture bien que la fin laisse entrevoir une réponse peut-être un peu plus nuancée, celle du renouveau.
Je suis très intéressée. J’ai toujours aimé les titres sur les voyages dans le temps. Je suis juste surprise par le tout petit nombre de pages… Je vais voir si je peux me le trouver en poche ^^
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Malgré le nombre de pages, j’ai trouvé que l’auteur avait su créer une histoire intéressante et cohérente 🙂 Je préfère juste préciser que la thématique du voyage dans le temps est surtout un prétexte à dépeindre le Paris des années 50 et le contexte international. Si c’est l’aspect SF qui t’attire, je ne suis pas certaine que le roman te comblera…
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Aïe, effectivement c’était le côté SF qui me tentait, comme ça avait été le cas dans Le voyage de Simon Morley. Je ne sais pas si tu connais ^^
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Inconnu, mais après lecture du résumé, ça a l’air intéressant bien que plus orienté SF…
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J’aurais juste vu la couverture du roman j’aurai clairement passé mon chemin. Où se cache la thématique du voyage dans le temps dans cette couverture ? Bref, pourtant ce que tu en dis donne carrément envie !
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On va dire que la sobriété de la couverture correspond finalement assez bien à l’intrigue, car l’aspect voyage dans le temps est surtout une porte d’entrée pour soulever différentes thématiques…
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D’accord. Je vois !
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Bien que n’étant pas portée sur le fantastique, ce livre me tente bien par rapport aux questions soulevées.
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Contente que tu sois tentée d’autant que l’aspect fantastique reste très en retrait dans le récit…
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Tout à fait.
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Je ne m’attendais pas à un récit sur le voyage dans le temps avec un tel titre 😮 Il a l’air drôlement sympa, merci pour la jolie découverte ! J’ai trouvé ta chronique fort sympathique.
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Merci, et ravie que ma chronique t’ait plu 🙂
C’est clair que le titre ne laisse pas présager la petite point de fantastique/SF du roman.
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