Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde – Nouvelle traduction augmentée

Je remercie les éditions Le Chant du Cygne de m’avoir envoyé cette nouvelle traduction augmentée du célèbre roman Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde. Une traduction réalisée par Michèle Zachayus qui arrive à valoriser ce grand classique sans le dénaturer. Mieux, elle permet aux lecteurs de se saisir pleinement de cette œuvre intemporelle, aux thèmes universels, dont la surface n’est que le reflet de vérités bien plus pénétrantes

RÉSUMÉ : Dorian Gray pose pour le peintre Basil Hallward, qui souhaite immortaliser son éblouissante beauté et la fraîcheur de sa jeunesse. Une fois l’œuvre terminée, le modèle formule le vœu que ce soit son portrait, et non lui, qui subisse les outrages du temps et de la vieillesse. Hélas, sous l’influence de son ami Lord Henry Wotton et sa philosophie hédoniste, Dorian s’abandonne à ses penchants les plus sombres et se laisse emporter dans un tourbillon de plaisirs et d’excès. Au fil de sa déchéance, le tableau se métamorphose pour refléter sa véritable nature.

Je remercie mes deux camarades de lecture commune, Alexandra et Steven, pour nos échanges constructifs et complémentaires qui ont rendu la lecture encore plus riche et passionnante. Si nous avons parfois des ressentis différents, je pense pouvoir dire sans me tromper que cette nouvelle édition du classique d’Oscar Wilde nous a tous les trois subjugués.

Avez-vous déjà lu Le portrait de Dorian Gray ? Oui ? Mais l’avez-vous vraiment lu ? Après avoir tourné la dernière page de cette nouvelle traduction, je peux affirmer qu’avant de rencontrer la pertinente, ambitieuse et savoureuse traduction de Michèle Zachayus, je n’avais jamais vraiment pénétré l’antre de ce roman d’une incroyable richesse.

La traductrice a fait un travail incroyable, si ce n’est de titan, pour restituer toute la force de ce roman censuré lors de sa sortie, en redonnant sa juste place à des éléments tronqués par le puritanisme d’une époque pas vraiment prête à accueillir la verve d’Oscar Wilde, ni son homosexualité. Pour en apprendre plus sur sa démarche, je vous invite à lire sur le site des éditions Le Chant du Cygne, la postface du roman. De cette version restaurée, il en ressort une impression de complétude assez incroyable, car loin de se contenter de traduire un texte maintenant connu et reconnu, Michèle Zachayus le recontextualise et l’éclaire.

Le mot éclairer revêt une connotation presque provocatrice quand l’on connaît la noirceur grimpante et entêtante de l’histoire, mais nul autre ne pourrait mieux traduire le sentiment de révélation ressenti en parcourant les nombreuses notes de la traductrice. Je fais partie de ces lecteurs qui sont rapidement indisposés par l’abondance de notes, mais ici, loin de m’avoir gênée, elles m’ont surtout permis de réaliser que mes deux premières lectures du Portrait de Dorian Gray m’avaient juste permis d’en effleurer la surface. Et pour cause, le texte, pour en comprendre toute la quintessence et profondeur, nécessite une certaine connaissance du contexte historique, artistique et social de cette Angleterre du XIXe, voire une certaine culture au sens large.

Pour ma part, je reconnais sans peine que sans les notes de la traductrice, je serais passée à côté d’un certain nombre d’éléments, d’allusions, d’influences – notamment françaises, et de références littéraires, historiques, mythologiques… Oscar Wilde multiplie, en effet, les références, rendant son texte d’une richesse telle que chaque page pourrait soutenir quantité d’analyses. Je dois d’ailleurs dire que je me suis sentie parfois submergée par la force des mots, par telle ou telle provocation assénée avec cynisme et vigueur. La plume de l’auteur se révèle en outre incroyablement envoûtante et provocante, ce dernier assumant un style sans concession, s’envolant parfois vers un lyrisme désabusé et une poésie du décadent.

Un Décadisme bien présent aux côtés de l’hédonisme, du Dandysme… Tout autant de mouvements laissant une empreinte forte et marquée sur la construction de Dorian Gray, un personnage difficile à apprécier mais fascinant à suivre. Figure, dans un premier temps, du bellâtre sans accroc dont la beauté garantit la pureté, Dorian Gray évolue à un rythme implacable vers cette figure du péché et du narcissisme, rappelant que la beauté est loin de garantir la bonté. Une évolution mortifère, et effrayante de réalisme, impulsée par une remarque de Lord Henry qui permet à Dorian de s’ouvrir à sa propre beauté presque surnaturelle, ET à la fugacité de celle-ci. Une double prise de conscience poussant Dorian Gray à souhaiter ardemment conserver cette beauté qui est sienne et que ce soit, en échange, son portrait réalisé par son ami Basil Hallward qui souffre des affres du temps… Et parce qu’il n’y a pas besoin de diable pour vendre son âme, ce souhait scellera son destin, le poussant sur la route de la perdition.

Acteur de son propre malheur et déshonneur, Dorian fascine autant par son évolution que son incroyable faculté à se leurrer, à se jouer des codes moraux de son époque et de cette hypocrisie de salon, à se dédouaner de ses vices, et à se complaire dans une image suffisante de lui-même. Pour ce faire, il pourra compter sur Lord Henry, un homme dont j’ai adoré le cynisme et les nombreux aphorismes provocateurs, qui ont l’effet escompté sur les personnages, mais aussi sur les lecteurs. Petit diable sur l’épaule d’un jeune homme, dont la beauté extérieure cache la flétrissure intérieure, ou serpent du jardin d’Eden, Lord Henry aime à sculpter la personnalité de Dorian comme il le ferait avec de la glaise. Quand Basil a tenté de capturer à jamais la beauté innocente de Dorian, Lord Henry s’évertue à la faner par son influence néfaste. Mais ce dernier ne semble jamais vraiment saisir la force du changement qu’il a initié chez son « ami ».

Un changement qui laisse des stigmates sur le portrait de Dorian, vision cauchemardesque d’une âme vile et viciée, dont nous suivons la descente aux enfers. L’atmosphère du roman se noircit à mesure que l’obsession matinée de folie de Dorian l’emporte, rendant la lecture de plus en plus suffocante et angoissante. La tension croît jusqu’à atteindre son apogée dans une conclusion concise et percutante, dont chacun appréciera ou non la teneur. Pour ma part, je ne pouvais en voir d’autres !

En conclusion, intemporel et puissant par la multiplicité des réflexions soulevées autour de la quête éternelle de jeunesse et de beauté, l’art, un hédonisme décomplexé et destructeur, et une société londonienne gâtée par son hypocrisie et ses règles morales et rigoristes, Le Portrait de Dorian Gray fait partie de ces romans que l’on peut lire et relire avec la certitude de toujours y découvrir un détail porteur de sens. Un texte exigeant dont la richesse nécessite une lecture attentive et, en fonction de son passif de lecteur et de ses connaissances, une mise en lumière pour en saisir les nombreuses allusions et références. Raison pour laquelle, j’aurais tendance à vous conseiller de vous lancer dans cette édition augmentée, Michèle Zachayus, en plus de restaurer des passages censurés, offrant une multitude de notes de bas de page qui apportent une vraie valeur ajoutée à l’édition et permettent d’en pénétrer les profondeurs et multiples couches. À cela s’ajoute une approche au sens de l’esthétique indéniable qui restitue le style plein de verve et de cynisme d’Oscar Wilde et sa vivacité moderne, donnant lieu à des dialogues emportés et vivifiants.

Découvrez l’avis d’Alexandra et de Steven.

79 réflexions sur “Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde – Nouvelle traduction augmentée

  1. Quel avis !
    Je vois qu’en plus de saluer le travail d’éclairage et de lustre redonné par cette nouvelle traduction, tu as fait le choix fort louable de saluer le travail de l’auteur sur ses deux personnages principaux et l’incarnation de l’époque et de certaines facettes de l’auteur qu’ils sont. C’est superbe !
    Bravo pour cette chronique fort réussie et merci pour ces enrichissants échanges en cours de lecture 😘

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  2. Je n’ai jamais lu ce livre, j’avoue qu’il ne m’a jamais tentée (surtout que je connais l’intrigue générale), mais cette édition augmentée semble vraiment intéressante. Je vais suivre ton conseil et aller voir sur le site de l’éditeur 😉

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  3. Waouh quel splendide article ! Comme la plupart des lecteurs, je l’ai lu jeune, en VO, et j’ai l’impression que la traduction dont tu parles doit être plus riche encore que le texte originel, ne fut-ce que par la contextualisation réalisée par la traductrice.

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  4. Coucou,

    J’ai lu la version « classique, et également vu des adaptations et même une au théâtre. C’est un personnage très particulier dorian et j’aurai je pense grand plaisir à lire cette nouvelle traduction. Je me laisse tenter !

    Merci pour ton retour

    Belle semaine

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  8. Ta chronique est fantastique et terriblement tentante. J’ai lu ce roman quand j’étais ado et, outre le fait que je n’en ai pas gardé beaucoup de souvenirs, ton article me permet d’affirmer sans doute possible que je suis passée à côté de beaucoup de choses. Une parfaite raison pour découvrir cette nouvelle édition qui semble très pertinente et qualitative ! Merci beaucoup pour ton avis !

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  9. Je ne savais pas que la version du Portrait de Dorian gray dont nous disposions « depuis toujours » était la traduction d’une oeuvre censurée… Je note donc qu’il fait relire celle-ci, comme d’autres qui ont été exhumées ces dernières décennies!
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

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