De l’or dans les collines, C Pam Zhang

Couverture De l’or dans les collines, C PAM ZHANG

De l’or dans les collinesC Pam Zhang

Lucy et Sam, filles d’immigrants chinois, sont désormais orphelines. Ma est partie depuis un moment, Ba vient de mourir dans la nuit. Les deux fillettes livrées à elles-mêmes entament alors un long périple au coeur d’une nature inhospitalière, peuplée d’individus agressifs et souvent racistes, à la recherche de l’endroit idéal pour enterrer leur père. L’une est raisonnable et avide de connaissances, l’autre arbore et assume une identité de garçon, refusant de se plier aux règles du monde.
Très vite hors-la-loi dans un univers qui ne veut pas d’elles, Lucy et Sam vont se confronter au rêve amer de l’Ouest américain, portées par leur imaginaire où se mêlent tigres et bisons géants.

SEUIL (7 janvier 2022) – 336 pages 21€

AVIS

Le résumé m’a tout de suite attirée, mais j’avoue ne pas trop savoir quoi penser de ce roman. J’ai apprécié la plume de l’autrice, parfois brusque et saccadée comme sait l’être Sam, parfois aride comme ce décor de l’Ouest américain dans lequel évoluent les personnages, et parfois plus imagée, notamment pour mettre en exergue les décors traversés, les quelques moments d’évasion et de communion entre deux esprits très différents, mais aussi les temps forts qu’ils soient joyeux ou douloureux.

Au fil des pages, l’authenticité et la dureté du récit s’imposent dans toute sa noirceur, nous donnant l’impression d’assister à la déchéance, puis au renouveau, d’une famille d’origine chinoise qui va payer cher sa soif d’or et ses envies de richesse. La thématique n’est pas inintéressante en soi, mais j’ai fini par ressentir une certaine lassitude durant ma lecture, même si quelques passages ont régulièrement relancé mon intérêt. J’ai donc alterné entre envie de poursuivre et envie de reposer le roman…

Pour autant, cette histoire ne m’a pas déplu, peut-être parce qu’elle est de celles qui portent et qui marquent. L’autrice, d’une plume puissante comme pour faire écho aux vicissitudes traversées par Sam et Lucy, nous dépeint bien plus qu’une soif de l’or réduite à sa simple vénalité. Elle nous plonge dans la vie d’une famille qui, jour après jour, épreuve après épreuve, perd de cet espoir qui lui a fait croire en une vie meilleure. Le processus est long, pernicieux et violent, tout comme l’est ce grand Ouest américain dont beaucoup ont rêvé, avant de s’y laisser broyer.

Divisé en trois parties, et alternant entre les époques, ce roman nous permet d’en apprendre plus sur les différents membres de la famille, et sur la raison ayant poussé Sam et Lucy à trimballer le corps de leur père afin de trouver un lieu pour l’enterrer. Les débuts du roman offrent quelques passages qui m’ont personnellement mise mal à l’aise, C Pam Zhang possédant une manière bien particulière de faire cru et vrai.

Pas de fioriture donc ! Mais Ba n’était pas du genre à faire dans le tendre et la dentelle, alors il y a fort à parier qu’il ne se serait pas offusqué du traitement réservé à son corps, réceptacle d’espoirs déçus et de regrets inattendus. J’ai même eu l’impression qu’en enterrant subrepticement différentes parties de son corps en décomposition, l’ancrant fermement dans une terre qui n’a jamais accepté de le revendiquer et de le reconnaître, Lucy ne pouvait lui rendre meilleur hommage…

Il est d’ailleurs ici beaucoup question de terre, de chez-soi, de famille et de racines. Quand Ma rêve de son pays qu’elle a quitté pleine d’illusions depuis longtemps éteintes, le père lui se sent ici chez lui malgré les remarques racistes quotidiennes. Un racisme bien ancré parmi des Américains parfois moins américains que lui ou Sam et Lucy ! Entre la méfiance, la haine, la violence et des comportements complètement déplacés, même parmi des gens en théorie de confiance, le racisme est donc omniprésent, et semble peser bien lourd sur le destin d’une famille dont le seul tort est d’avoir cru au rêve américain.

Dans De l’or dans les collines, le thème de la famille est prépondérant… pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Si certains passages offrent de réels moments de complicité et d’amour, le modèle familial présenté m’a paru vicié et source de bien des souffrances ! Un passage narré du point de vue du père permet de comprendre les raisons de sa violence, mais cela n’excuse en rien son comportement, les coups n’ayant jamais aidé personne à résister aux épreuves de la vie. Bien au contraire !

Malgré ce point, je reconnais avoir été surprise par certaines révélations qui m’ont poussée à reconsidérer l’histoire sous une autre perspective. J’en suis presque venue à plaindre un personnage, condamné à une vie de mensonges, qui n’avait jusqu’à présent suscité en moi que de l’aversion. L’autrice a ainsi su créer et développer des personnages ambivalents et profondément humains qui sont pris entre des courants contraires. Des personnages qui doivent concilier leurs envies et aspirations personnelles avec leurs devoirs familiaux, et une Amérique qui réserve ses rêves de richesses et de gloire à une minorité de personnes, blanches de préférence et prêtes à tout pour arriver à leurs fins…

Parmi ce tourbillon de noirceur, de désillusion et cette aridité des sentiments, l’autrice se faisant le témoin d’événements mais jamais la conteuse de profonds sentiments, j’ai néanmoins fini par développer une sorte d’attachement pour Lucy. J’ai apprécié son intelligence, sa soif de connaissances et sa capacité de résilience… Des qualités qui lui seront indispensables pour survivre et accepter une vie qui ne lui était pas destinée, mais qu’elle a courageusement choisie, donnant un véritable sens à l’expression « la famille avant tout ». Quant à Sam, j’ai admiré sa liberté d’esprit, son envie de vivre sans s’encombrer des conventions, et la manière dont il va revendiquer son identité d’homme à une époque où la transidentité n’était pas vraiment acceptée. On sent d’ailleurs toute sa détresse d’être né dans un corps de femme qui ne lui correspond pas…

En conclusion, avec De l’or dans les collines, C Pam Zhang nous propose une plongée mouvementée dans une famille d’origine chinoise bercée par les désillusions d’un Ouest américain dont les richesses ne sont finalement pas à la portée de tous. Roman initiatique sous fond de racisme, de quête d’identité et de vérité, voici un roman puissant et brut à l’image de personnages qui vont traverser bien des épreuves avant de se libérer du poids du passé, des secrets et des mensonges, et se révéler à leur propre destinée.

Je remercie les éditions Seuil et Babelio pour cette lecture.

 

28 réflexions sur “De l’or dans les collines, C Pam Zhang

  1. L’intrigue ce serait passée directement dans les contrées chinoises que j’aurais dit oui, mais là en Amérique j’avoue que cela m’attire assez moins. D’autant plus que même si tu sembles avoir été par moments heurtée, une certaine lassitude s’est mise en place.

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  2. Merci pour cet avis détaillé 😉 C’est un roman qui me tentait beaucoup, mais je ne voyais que des avis au mieux mitigé et même un abandon, rien de suffisamment précis pour me faire une idée.
    Au vu de ce que tu dis, ce n’est finalement pas un roman qui me fait suffisamment envie pour le lire dans un avenir proche, mais je garde le titre dans un coin de ma tête.

    Aimé par 2 personnes

  3. En plus des moments où tu as ressenti une certaine lassitude, la violence subit dans la famille ne m’attire guère. Même si je dois avouer que le retournement de perspective concernant un des personnages est intriguant et que les thèmes évoqués sont intéressant. Mais certainement trop sombre pour moi, je passe mon tour. 😇

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