Comme un murmure, Morten Dürr et Sofie Louise Dam

Couverture livre : Comme un murmure

Je vous présente aujourd’hui un ouvrage graphique découvert par hasard et qui m’a profondément marquée : Comme un murmure  de Morten Durr et Sofie Louise Dam.

Résumé :  » Ma mère me frappe «  »Anna a murmuré si bas que je ne pouvais presque pas l’entendre. Elle a dit : « Ma mère me frappe… » « Au collège, Vera et ses amies jouent au jeu des murmures. Un jour Anna révèle un sombre secret que seule Vera entend. Le jeu cache-t-il une vérité ? Si c’est le cas, comment faire pour aider Anna ?

Jungle (3 juin 2021) – 73 pages – 13,95€


AVIS

Intriguée par le titre et la couverture, j’ai lu cet ouvrage graphique sans même en lire le résumé. Devant l’expression sérieuse et presque fermée de la jeune fille à droite sur la couverture, j’avais néanmoins plus ou moins compris que le sujet abordé allait être sérieux et je ne me suis pas trompée.

S’appuyant sur les dessins simples et expressifs de Sofie Louise Dam, convenant à merveille à cet ouvrage court mais intense, l’auteur évoque un sujet difficile : la maltraitance et la violence infantiles. Pour ce faire, il part d’une session du « jeu des murmures », un jeu en apparence sans conséquence qui changera la vie de Vera, mais aussi celle d’Anna.  Cette dernière va, en effet, profiter d’une partie pour confier à Vera son secret : sa mère la frappe ! Une information dont Vera ne saura pas tout de suite que faire ni même le degré de fiabilité à lui accorder.

À cet égard, j’ai apprécié le réalisme avec lequel Morten Durr dépeint la réaction de Vera, une adolescente comme les autres, qui va devoir faire face à une situation à laquelle elle n’était pas préparée. Cette confidence, qu’elle n’a pas sollicitée et qui la place dans une situation difficile, est, en revanche, un exutoire pour Anna qui semble avoir trouvé à travers ces quelques mots,  » Ma mère me frappe« , un moyen de partager son lourd fardeau. Un fardeau qui fend le coeur des lecteurs, d’autant qu’on voit et ressent, page après page, le désarroi d’Anna et le sentiment de solitude à laquelle son secret la condamne.

Il faut dire que rien de l’extérieur ne permet de deviner l’enfer vécu par la jeune fille, sa mère faisant, en public, bonne figure, du moins jusqu’à ce qu’on prenne le temps d’étudier de plus près la situation et de voir le vernis de respectabilité se fissurer avant de se désagréger. La question de la parole de la victime est ainsi abordée avec une justesse indéniable, l’auteur nous montrant  à quel point elle peut être facilement remise en cause…

Un certain sentiment de révolte ne pourra alors que vous étreindre le coeur, d’autant que l’auteur ne nous épargne par cette odieuse manière dont les adultes peuvent parfois minimiser les mots des plus jeunes. Une violence supplémentaire à celle déjà subie par la victime, même si heureusement, parfois, certains acceptent d’ouvrir les yeux, d’écouter et d’entendre avant d’accompagner et d’aider.

Le sujet est difficile, mais l’auteur l’aborde avec une sensibilité dénuée de pathos qui permet de ressentir les émotions d’Anna, sans se sentir écrasé par le poids d’une situation qui est la réalité de bien trop d’enfants et d’adolescents. À cet égard, cette BD offre un réel travail de sensibilisation, tout en offrant une main salutaire aux victimes en leur montrant qu’elles ne sont pas seules et qu’une main tendue peut parfois tout changer.

La fin pourrait sembler un peu trop facile mais pour ma part, je la trouve parfaite, celle-ci apportant ce rayon de lumière dont les personnes trop longtemps dans le noir, et alourdies par le poids du désespoir, ont terriblement besoin. Comme un murmure pour crier au monde l’importance de savoir écouter pour aider et sauver quand il est parfois plus facile de minimiser ou pire, de feindre l’ignorance.   

Bravo à Morten Dürr et  Sofie Louise Dam pour cet ouvrage de sensibilisation simple et marquant à la fois !

49 réflexions sur “Comme un murmure, Morten Dürr et Sofie Louise Dam

  1. Je le note tout de suite car le sujet est important et la BD est pour moi un excellent moyen d’en parler. Sur une thématique proche, j’ai adoré Speak adapté par Émily Carroll du roman de Laurie Halse Andersen. Le dessin permet d’en dire beaucoup avec émotion mais sans pathos.

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  2. Je suis toujours content quand ce genre de sujet est évoqué, car c’est triste mais surtout nécessaire à mettre en avant. J’ai été harcelé pendant quasiment toute ma scolarité et à partir du collège je n’ai plus osé rien dire, mais si je l’avais fait je ne pense pas que le collège aurait accompli des miracles. En primaire, ma mère avait été obligé de me changer d’école pour que ça s’arrête. Malgré tout, il faut parler dès que possible pour échapper à l’horreur ! On a peur et on pense que ça va aggraver les choses de parler, alors que la situation est déjà très grave !

    Merci pour cet article et belle fin de semaine. 🙂

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  3. Merci pour ta belle lecture sur un sujet dont on parle fort peu. Il est hélas si facile de dénigrer la parole des adolescents, de la même façon qu’est encore trop souvent dénigrée, voire déniée la parole des femmes victimes de violences .

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  4. Ta chronique m’a déjà remuée alors je ne sais pas si j’aurais la force de plonger dans cette bande dessinée. Le sujet est tellement important, tellement nécessaire. D’autant plus qu’ici, l’auteur évoque aussi ces choses qui rendent la situation encore plus difficile parfois, comme la remise en question de la victime lorsqu’elle ose parler. Ou alors le fait de minimiser l’acte d’un parent, car après tout « une maman ne peut pas faire de mal à son enfant, c’est une maman… » Et pourtant, ca existe. Merci de mettre en avant de tels titres Audrey. 🩵 Malgré une fin que tu trouves un peu facile, j’avoue que je suis curieuse de savoir ce que ces deux jeunes filles font par la suite de ce secret, comment arrivent-elles à briser le silence. Allez, même si ca va certainement me chambouler, je le garde noté dans un coin pour en savoir plus. Encore merci !

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    • « une maman ne peut pas faire de mal à son enfant, c’est une maman… » Tu résumes à la perfection ces phrases toutes faites et pleines de préjugés qui réduisent au silence les victimes et leur douleur. Pire qui les poussent à culpabiliser.

      Je comprends tes réticences à te lancer dans cette lecture qui chamboule. Mais si cela peut te rassurer, l’auteur trouve l’équilibre pour dénoncer et sensibiliser sans anéantir le coeur du lecteur. En cela, la sobriété des dessins est une grande aide et permette de suggérer sans forcément montrer l’intolérable.

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      • Je te remercie pour ces précisions, tu m’as donné envie d’en savoir plus sur ces deux jeunes filles et sur ce secret difficile qui les lie. C’est vrai que les dessins ont l’air doux en plus, et sobre oui, ca aide face à un sujet si dur. Encore merci pour cette belle chronique 🙂

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  5. La maltraitance et la violence infantiles, ce sont vraiment des thèmes très durs. Je ne me suis pas encore remise de La maladroite d’Alexandre Seurat, et depuis, comme Je lis, je blogue, j’ai du mal à lire les ouvrages sur ces thèmes, même si ici, ça a l’air d’être traité avec beaucoup de sensibilité. C’est important d’en parler en tout cas.

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  6. Le résumé à lui seul laisse présager une lecture percutante. Les thèmes abordés sont très difficiles et je ne pense pas me laisser tenter par ce livre-là. Mais c’est nécessaire que des auteurs s’emparent de ces questions et je te remercie pour la découverte 🙂

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