Cycle du Kimet, tome 1 : L’Ordre du Faucon, Sébastien Morgan

Couverture Cycle du Kimet, tome 1 : L'Ordre du Faucon

Un récit « Dark Fantasy » dans une Egypte fantastique

Le royaume du Kimet sombre de plus en plus dans le chaos, alors que les Hyksos se sont unifiés et fondent sur la civilisation. Adorateurs d’un Dieu jaloux et cruel, ces nomades ne reculent devant rien pour supplanter la civilisation kimetienne.

A quelques heures de Thèbes, au cœur d’une oasis luxuriante, Yvannia, Grande Prêtresse de Bastet dirige la Maison des Plaisirs. Ce temple de la prostitution sacrée, accueille les nobles, hommes ou femmes, en quête de sensations fortes.

En y assurant la sécurité, Kynya, la mercenaire nubienne, avait décidé de terminer sa vie dans la luxure et l’intrigue. Pourtant le destin en décidera autrement et la belle au corps d’ébène sera obligée de reprendre sa lame pour affronter les horreurs vomies par le désert. Va-t-elle réussir à percer les mystères de l’Ordre du Faucon, cet ordre de mage dont l’ultime message pourrait décider du destin du royaume ?

AVIS

Je remercie Lire à la folie pour cette nouvelle lecture commune et nos multiples échanges autour des personnages et de l’histoire. Des échanges qui ont rendu cette lecture encore plus passionnante. Lire la suite

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Oraisons, Samantha Bailly

En Hélderion, la mort peut rapporter beaucoup… surtout à la famille Manérian, qui procède aux oraisons, les rites funéraires du royaume. Mais la réalité de la mort les frappe de plein fouet lorsqu’on retrouve le corps de leur plus jeune fille dans une ruelle sordide.
Tout désigne les clans, ces dangereux rebelles qui s’opposent à Hélderion. Aileen, prête à tout pour venger sa cadette, se lance dans une enquête qui la mettra à rude épreuve.
Noony, leur soeur aînée, se retrouve quant à elle aux premières loges de l’entrée en guerre de son pays contre le continent voisin. Mais elle est bien décidée à s’opposer à ce conflit qui pourrait tourner en véritable massacre.
Prises dans des intrigues dont les enjeux les dépassent, les deux sœurs devront affronter le système qui les a forgées.

AVIS

Je remercie Les Blablas de Tachan pour la lecture commune de cette intégrale regroupant les deux tomes du diptyque Oraisons de Samantha Bailly. Si l’ouvrage n’est pas exempt de petits défauts, je l’ai trouvé globalement immersif, rythmé et bien écrit. Lire la suite

L’Ouros, tome 1 : Dernières escales, Ornella Salvador

Couverture L'Ouros, tome 1 : Dernières escales

Personne ne sait pourquoi le Melenian vogue seul, le long des côtes d’Assir et Ervas. Massacre ou sauvetage, une mission royale ne se dévoile pas, même au sein de l’équipage.
Jekka, recueillie et élevée à bord, est plongée comme tous dans l’ignorance. Elle sent pourtant que son destin est étroitement lié aux mystères du navire, et à sa soif de liberté s’ajoute le besoin de connaître la vérité.
Une vérité qui les mènera, elle et ceux qui suivent ses traces, au cœur de la guerre. Et peut-être un jour, là où l’inexplicable existe : au-delà même des frontières du monde.

Editions du Saule (16 novembre 2020) – 380 pages – 20,85€

AVIS

Je n’ai nullement le pied marin, mais les aventures maritimes me fascinent. Et de ce côté-là, je dois dire que l’autrice m’a enchantée. Sans nous bercer de détails inutiles et fastidieux, elle nous fait découvrir la vie à bord d’un navire, la promiscuité, les affinités plus ou moins forcées, les méfiances, les corvées, l’organisation au quotidien… Si c’est quelque chose qui, comme moi, vous plaît, alors vous allez adorer vous immerger dans la vie de Jekka, une orpheline de 20 ans qui a passé toute sa vie sur le Melenian, un navire auréolé de mystère. Quand certains pourraient se sentir reconnaissants envers le commandant de les avoir accueillis et traités comme leur propre enfant, Jekka ne voit pas les choses de cette manière.

La jeune fille rêve d’autre chose, de liberté, d’une vie dépourvue de tâches ingrates et répétitives, d’un endroit bien à elle sur la terre ferme. Des rêves qui se heurtent au refus du commandant de la laisser prendre son envol, ce dernier étant bien plus conscient qu’elle de la réalité : rien de bon ne l’attend sur le continent si ce n’est une place dans les bordels ! Mais Jekka, une forte tête, profite un jour d’une opportunité pour prendre le large. Un geste inconsidéré dont elle est loin d’avoir mesuré toute la portée… De mystère en révélation, sa vie va prendre une tournure sombre et dangereuse qui la conduira jusqu’aux portes de l’enfer, à moins que ce ne soit jusqu’à celles d’un autre monde.

Le roman contient une bonne dose de mystère, ce qui ne fut pas pour me déplaire. Cela commence avec le Melenian, un navire royal dont très peu de personnes connaissent réellement la mission ! Grâce à un carnet découvert par hasard, Jekka en apprendra un peu plus sur les sorties en pleine nuit des militaires habitant le navire, mais ces quelques bribes d’informations susciteront bien plus d’interrogations qu’elles n’apporteront de réponses. J’ai adoré me creuser la tête aux côtés de Jekka pour en apprendre plus sur les secrets du navire, et, plus tard, sur d’étranges pierres noires au pouvoir d’attraction aussi étrange que fascinant… Outil de malheur ou symbole d’espoir et de changement, cela dépendra du camp auquel on appartient, mais ce qui est certain, c’est que ces pierres cristallisent les tensions entre le pouvoir royal et des fanatiques défendant un « grand rêve ».

Comme tous les fanatiques, ceux-ci font froid dans le dos par les moyens qu’ils utilisent pour atteindre leur fin, mais c’est finalement l’hypocrisie froide et le cynisme sans fin de leur dirigeant qui m’a soufflée. On est vraiment dans le schéma du gourou de secte qui défend une idéologie à laquelle il ne croit pas pour manipuler des gens afin de s’enrichir. Un être vil dont le projet insensé va pousser Jekka dans ses retranchements, et l’obliger à prendre une décision quant à son avenir. J’avoue avoir largement préféré la partie sur le navire, mais la vie sur la terre ferme sera l’occasion pour l’autrice de nous dévoiler toute la complexité de son intrigue. Que ce soit sur la terre ou en pleine mer, Jekka ne semble pas être destinée à une vie paisible…

Si je me suis passionnée pour la vie mouvementée de Jekka et le mystère entourant ses origines, sa personnalité m’a, en revanche, laissée plus mitigée. Blessante sans même s’en apercevoir, la jeune femme m’a ainsi parfois gênée par ses manières brutales, son manque d’empathie et de reconnaissance, et son absence flagrante de tact. Mais au fil du roman, on s’attache à son côté brut de décoffrage et l’on apprécie son courage ainsi que sa force de caractère. Elle ne recule ni devant les obstacles ni devant des révélations qui font pourtant vaciller son monde, autant au sens propre que figuré. Sans devenir une grande sensible, les épreuves traversées dans ce premier tome la rendront un peu plus consciente de son entourage, et du fait que ses actions ont des conséquences, parfois désastreuses, sur les autres.

Sa meilleure amie se montrera, quant à elle, bien plus sympathique et dévouée, consentant à un grand sacrifice pour épauler Jekka qui l’a pourtant abandonnée sans se retourner… Bien moins aventurière que Jekka, elle nous surprendra néanmoins par sa capacité à s’adapter à une vie pour laquelle elle n’était pas taillée et qu’elle n’a, surtout, jamais demandée. Un autre personnage, Norh, attire également l’attention d’autant que plane sur lui un certain mystère, à commencer par son surprenant enrôlement à bord du Melenian. Son rôle n’est pas développé outre mesure pour le moment, mais on perçoit en lui un certain potentiel et la capacité à tenir la dragée haute à Jekka, chose dont elle semble avoir fort besoin. Pour ma part, j’ai hâte d’en apprendre plus sur lui et espère le voir gagner en profondeur dans la suite de l’aventure.

Je n’évoquerai pas tous les personnages, mais je tenais à souligner le travail réalisé par l’autrice qui a trouvé un réel équilibre entre les personnalités de chacun. Jekka prend un peu plus de place que les autres, mais tout le monde a un rôle à jouer et compte bien le faire parce que dans cet univers, les compromis ne sont pas permis ! On appréciera également le fait que l’autrice ne tombe jamais dans le manichéisme, préférant opter pour des protagonistes complexes et nuancés, et donc très humains. J’ai d’ailleurs encore des doutes sur l’un des personnages, n’arrivant pas à déterminer si c’est un homme altruiste, mais maladroit, ou un fieffé menteur manipulateur…

Quant à la plume de l’autrice, elle a fonctionné à merveille sur moi. Des phrases imagées, parfois poétiques, mais qui coulent de source, un vocabulaire précis, une fluidité fort appréciable dans la narration… Le livre a été travaillé, et ça se sent ! Si on ajoute à cela, un enchevêtrement constant d’actions, de découvertes et de révélations, on obtient un roman qu’il est fort agréable de parcourir.

Le seul petit bémol que j’apporterai est que la couverture ne met nullement en valeur la qualité de cet ouvrage. Sa sobriété et le peu d’expressivité de l’image d’illustration n’auraient jamais attiré mon attention en librairie… C’est un détail, certes futile, mais qui peut vite faire la différence.

En conclusion, des personnages forts, mais jamais stéréotypés, de l’action, du suspense, du mystère… tout autant d’éléments qui viendront combler les lecteurs en quête d’une aventure, entre terre et mer, sur laquelle plane une terrible et fascinante aura de danger. À l’issue de ce premier tome, des questions restent en suspens, mais une certitude s’impose à nous, Jekka et ses alliés vont devoir trouver leur propre vérité et s’imposer dans un monde qui menace de vaciller. Mais finalement, cela importe-t-il vraiment ou le futur se trouve ailleurs ?

Je remercie les Éditions du Saule de m’avoir envoyé ce roman en échange de mon avis.

All eyes on us, Kit Frick

All Eyes on Us

Pretty Little Liars meets People like Us in this taut, tense thriller about two teens who find their lives intertwined when an anonymous texter threatens to spill their secrets and uproot their lives.

PRIVATE NUMBER: Wouldn’t you look better without a cheater on your arm?

AMANDA: Who is this?

The daughter of small-town social climbers, Amanda Kelly is deeply invested in her boyfriend, real estate heir Carter Shaw. He’s kind, ambitious, the town golden boy – but he’s far from perfect. Because behind Amanda’s back, Carter is also dating Rosalie.

PRIVATE NUMBER: I’m watching you, sweetheart.

ROSALIE: Who IS this?

Rosalie Bell is fighting to remain true to herself and her girlfriend – while concealing her identity from her Christian fundamentalist parents. After years spent in and out of conversion « therapy », her own safety is her top priority. But maintaining a fake straight relationship is killing her from the inside.

When an anonymous texter ropes Amanda and Rosalie into a bid to take Carter down, the girls become collateral damage – and unlikely allies in a fight to unmask their stalker before Private uproots their lives.

PRIVATE NUMBER: You shouldn’t have ignored me. Now look what you made me do..

Blackstone Audio, Inc. – 04 juin 2019 – 10h26 minutes

AVIS

C’est en parcourant le catalogue Audible Stories que je suis tombée sur ce thriller young adult dont le résumé m’a tout de suite intriguée.

Et je dois dire que j’ai trouvé la lecture aussi entraînante que révoltante ! L’autrice, à travers cette histoire aborde, entre autres, le thème de l’homophobie et comment celle-ci peut contraindre une jeune fille à devoir mentir à sa famille afin de ne pas être rejetée. Rosalie aime les filles. Dans un monde idéal, cela n’aurait aucune importance, mais dans le monde de l’adolescente, cela change tout et fait de sa vie un véritable enfer.

Les parents de la jeune fille, membre d’une communauté chrétienne fondamentaliste, l’ont élevée dans l’idée qu’une jeune fille bien n’a pas le droit d’éprouver de l’amour pour une autre fille. Jamais. Obsédés par cette idée, ils n’ont ainsi pas hésité à inscrire Rosalie de force à une thérapie de conversion quand l’adolescente leur a avoué son homosexualité. Un comportement indigne de parents aimant et d’une violence psychologique indescriptible pour Rosalie. L’autrice n’entre pas dans les détails, mais l’on sent que cette expérience a profondément marqué l’adolescente qui, pour ne pas revivre cet enfer, préfère leur cacher sa relation avec sa petite amie, Paulina, en simulant une histoire d’amour avec le beau et riche Carter.

Comment ne pas être révolté devant des parents qui traitent leur fille comme une malade qui aurait besoin d’être guérie d’un mal insidieux la détournant du droit chemin et de la parole de Dieu ? Alors que des parents sont censés aimer leurs enfants inconditionnellement, ceux-ci n’aiment leur fille que sous condition d’hétérosexualité ! Rosalie pourrait partir, les parents de sa petite amie étant prêts à l’accueillir, mais ce n’est pas facile pour une adolescente de devoir rompre avec les siens, même intolérants, et surtout, d’abandonner sa petite soeur dont elle est très proche… Car elle ne se fait pas d’illusions, si elle vit son homosexualité au grand jour, ses parents l’enverront de nouveau en thérapie de conversion et la rayeront de leur vie si elle arrive à s’échapper de leur emprise. Pire, ils l’empêcheront de voir sa soeur…

Carter, cet héritier d’un empire de l’immobilier plutôt sympathique, représente alors un bon moyen pour Rosalie de pouvoir continuer à voir Paulina tout en faisant croire à ses parents qu’elle est « guérie ». Mais, le beau et riche Carter a déjà une petite amie, Amanda, qui est bien décidée à passer le reste de sa vie avec ce dernier quitte à fermer les yeux sur ses incartades. Après tout, Rosalie n’est pas la première et ne sera pas la dernière fille avec laquelle son petit ami passera quelques bons moments. La situation aurait donc pu rester ainsi si une personne ne s’amusait pas à menacer de dévoiler les petits secrets des deux adolescentes… 

De fil en aiguille, on en vient à se poser des questions sur la réelle motivation de ce harceleur fort peu courageux qui se cache derrière l’anonymat, et dont les menaces par sms se font de plus en plus pesantes. Devant l’ampleur de la situation, les deux adolescentes finissent par travailler main dans la main afin de l’identifier et de le faire tomber. En effet, si Rosalie ne peut pas le laisser dévoiler sa relation avec Paulina à ses parents sous peine de retourner en thérapie de conversion à laquelle elle ne résistera pas psychologiquement, Amanda, quant à elle, ne peut pas le laisser s’immiscer dans son couple.

Ses parents ne sont plus aussi fortunés que par le passé et de sa future union avec Carter dépend leur situation financière. J’ai été bien plus touchée par la vie de Rosalie, mais force est de constater qu’Amanda n’a pas non plus une existence des plus joyeuses. Derrière son apparente superficialité, son physique de rêve et sa popularité, elle subit une certaine pression familiale, notamment de la part de sa mère bien décidée à profiter des atouts physiques de sa fille pour garder son ancien train de vie et asseoir son statut social. Amanda m’a parfois agacée par son obsession pour Carter, mais on comprend que c’est plus celle de sa mère que la sienne…. Heureusement, au gré des épreuves et des coups durs, elle dévoile une vulnérabilité qui la rend attachante. Elle évolue, s’affirme et commence à entrevoir que sa vie n’est pas irrémédiablement liée à son goujat de petit ami et qu’elle n’a pas à porter l’avenir de ses parents sur ses épaules…

J’ai également apprécié l’évolution de la relation entre Amanda et Rosalie. Elles ne deviennent pas les meilleures amies au monde, mais elles développent une forme de respect et d’amitié. Il faut dire qu’elles devront apprendre à compter l’une sur l’autre, la traque du harceleur anonyme se révélant bien plus ardue et périlleuse que prévu d’autant qu’elles ne peuvent pas vraiment s’appuyer sur leurs parents… Comme souvent dans les thrillers young adult, j’ai rapidement deviné l’identité du coupable, mais je n’avais pas anticipé ses motivations. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que certains sont prêts à tout, même au pire, pour se libérer d’une cage qu’ils ont pourtant forgée eux-mêmes.

Tout au long du récit, l’autrice joue avec nos nerfs, nous met sur de fausses pistes, nous pousse à douter et fait monter la tension crescendo. Cela rend la lecture assez addictive tout comme le travail réalisé sur la psychologie des deux héroïnes qui est, pour moi, le point fort de ce roman. L’enquête est intéressante, mais elle permet surtout de mettre en lumière des thématiques fortes : l’affirmation de soi, l’extrémisme religieux, l’homophobie, le poids des injonctions familiales et sociétales, les parents défaillants, l’alcoolisme, l’amour, l’amitié…

Si les parents des deux adolescentes sont défaillants, il existe néanmoins quelques adultes responsables et plus ouverts même si leur rôle reste assez minime dans l’intrigue. On appréciera également la manière dont l’autrice souligne avec subtilité l’importance de se faire aider quand on appartient à la communauté LGBT+ et que l’on se sent menacé. J’ai également trouvé très touchante et inspirante Rosalie qui va réussir à se libérer de ses parents grâce, entre autres, à son courage, sa force de caractère et l’aide d’une association et de certaines personnes. Un joli message d’espoir qui, je l’espère, apportera un peu de réconfort aux personnes victimes d’homophobie.

Dans ce roman, il est question de fanatisme religieux, mais l’autrice montre également qu’il est possible de concilier foi et homosexualité comme l’ont très bien compris les parents de Paulina qui ont soutenu leur fille dès l’annonce de son homosexualité. De la même manière, si Rosalie rejette une foi qui la contraindrait à renier ce qu’elle est et ses sentiments, elle développe sa propre relation à Dieu, une relation empreinte d’amour et de tolérance. Je ne suis pas croyante, mais si je l’étais, c’est le genre de foi vers laquelle je me tournerais.

Quant à la partie audio, je l’ai trouvée plutôt convaincante : les narratrices trouvent le ton juste pour nous faire ressentir toutes les émotions de Rosalie et d’Amanda, mais également la pression quotidienne qu’elles subissent, chacune pour des raisons bien différentes. Le niveau d’anglais m’a, en outre, semblé plutôt abordable, le vocabulaire demeurant relativement simple et ancré dans le quotidien.

En bref, sous couvert d’une enquête pleine de tension et auréolée d’un certain mystère et suspense, l’autrice aborde ici des thèmes importants comme l’homophobie et la difficulté pour des jeunes filles de se libérer de leurs chaînes afin de se construire un avenir à l’image de leurs rêves et non des attentes de leurs parents et de leurs communautés. Haletant, révoltant et émouvant à la fois, All eyes on us est un roman avec un beau message de tolérance qui ouvre également une réflexion pleine de justesse sur la nécessité de laisser chacun vivre sa sexualité et choisir la vie qui lui convient sans préjugé ni a priori.

Ecouter All eyes on us gratuitement sur Audible Stories (le roman existe également en version papier).

 

 

The Poet X, Elizabeth Acevedo

The Poet X - WINNER OF THE CILIP CARNEGIE MEDAL 2019 (English Edition) par [Elizabeth Acevedo]

Dans un monde qui ne veut pas l’entendre, elle refuse de rester silencieuse

Résumé : Harlem. Xiomara a 15 ans et un corps qui prend plus de place que sa voix : bonnet D et hanches chaloupées. Contre la rumeur, les insultes ou les gestes déplacés, elle laisse parler ses poings. Étouffée par les préceptes de sa mère (pas de petit ami, pas de sorties, pas de vagues), elle se révolte en silence. Personne n’est là pour entendre sa colère et ses désirs. La seule chose qui l’apaise, c’est écrire, écrire et encore écrire. Tout ce qu’elle aimerait dire. Transformer en poèmes-lames toutes ses pensées coupantes.

Jusqu’au jour où un club de slam se crée dans son lycée. L’occasion pour Xiomara, enfin, de trouver sa voix.

AVIS

Je remercie Grâce pour cette lecture commune parce que sans elle, je ne suis pas certaine que j’aurais osé me lancer dans ce roman en raison de sa forme particulière qui m’attirait autant qu’elle me faisait peur. Écrit en vers libres, The Poet X est un petit bijou de poésie, pas du genre de celle qui vous enchante par la beauté des mots, mais plutôt de celle qui vous touche et vous frappe par leur puissance.

Écrire pour mettre des mots sur les maux, écrire sans réfléchir, écrire pour trouver un peu de liberté, écrire pour être soi sans masque ni censure… La poésie devient un exutoire pour Xiamora qui, en plus de devoir faire face aux commentaires et aux regards déplacés sur son corps, doit composer avec une mère profondément puritaine et croyante. Comment ne pas étouffer sous le poids d’une mère qui attend d’elle un comportement exemplaire et une totale dévotion envers Dieu quand elle n’est même pas certaine de croire en une religion qui s’entête à traiter les filles et les garçons différemment ?

Tout au long du roman, on ne peut que ressentir le sentiment de révolte de Xiaomara qui est sans cesse soumise à des injonctions que ce soit envers son corps ou ses pensées. Ses poèmes deviennent alors pour elle le seul moyen de s’exprimer et de partager ses questionnements, ses sentiments et ses états d’âme sans, entre autres, heurter une mère prise dans une foi religieuse virant au fanatisme.

Je dois d’ailleurs dire que sa mère m’a profondément agacée que ce soit en raison de sa manière de tenter de vivre son rêve à travers sa fille ou sa vision étriquée de la foi et sa vision rétrograde des femmes. De fil en aiguille, on comprend son mal-être et sa difficulté à renoncer à cette vie consacrée à la religion dont on l’a privée, mais son fanatisme religieux n’en demeure pas moins intolérable. Une foi imposée mérite-t-elle d’ailleurs seulement le nom de foi ? Heureusement, un homme d’Église fait montre d’un peu plus de retenue et semble comprendre la nécessité de laisser Xiaomara suivre sa propre voie… 

Si sa mère se révèle tyrannique en considérant le corps de sa fille comme un objet de convoitise qu’elle doit garder pur jusqu’à son mariage (une vision bien traditionnelle de la femme qui semble avoir la vie dure) et que son père est plutôt aux abonnés absents, Xiaomara peut compter sur le soutien et la présence de son frère jumeau, un petit génie plus adepte de la réflexion que des poings. Le frère et la sœur ne pourraient être plus différents l’un de l’autre, mais on sent qu’il existe une connexion particulière qui les lie malgré leurs différences et leurs incompréhensions. Le frère n’a pas la combativité de la sœur, mais il essaie, à sa manière, de l’aider et de la pousser à se révéler à elle-même et à la face du monde. Un soutien très discret, voire pudique, que j’ai trouvé assez touchant d’autant que le jeune homme doit faire face à sa propre tempête intérieure…

Aux côtés du frère et de la sœur, se dresse avec une constance sans égale, Caridad. Sage, raisonnable, sincèrement croyante et très respectueuse de ses parents, l’adolescente est un peu l’antithèse de Xiaomara. Jamais blessante ni critique, elle se contente d’être là pour elle et de la soutenir. Aucun jugement de valeur donc, juste une présence rassurante et indéfectible ! C’est le genre d’amie qu’on aimerait tous avoir et la preuve que l’on peut avoir des opinions très différentes, mais être toujours là pour l’autre.

Autre relation positive, celle que va nouer notre héroïne avec un jeune homme qui verra en elle autre chose qu’un corps voluptueux qu’il peut, comme ses camarades, commenter à l’envi. J’ai apprécié la manière dont l’autrice a construit leur relation, l’adolescent se montrant à l’écoute de Xiaomara et ne lui imposant pas des choses pour lesquelles elle ne se sent pas prête. Cela semble normal, mais c’est loin d’être toujours le cas… À cet égard, j’ai particulièrement apprécié une scène dans laquelle est abordé, avec subtilité et beaucoup de justesse, le thème du consentement. L’autrice nous montre qu’une personne a le droit de changer d’avis lors d’un rapprochement physique sans pour autant être insultée, voire pire. Un message qui me semble plus que jamais important de diffuser surtout dans un roman à destination des adolescent(e)s.

Quant à Xiaomara, elle m’a juste bluffée. J’ai été, dès les premières pages, séduite par sa personnalité et son aura de battante qui refuse de se laisser dicter sa conduite. Elle lutte entre l’envie de ne pas blesser sa mère, de survivre sans se laisser marcher dessus dans un quartier où le corps des femmes est sans cesse jaugé et celle d’être enfin elle-même. Une adolescente pleine de ressources avec une capacité de recul impressionnante pour son âge, et surtout une poétesse dans l’âme. Ce que Xiaomara se retient de hurler à la face du monde, elle le couche sur le papier avec frénésie et justesse jusqu’à ce qu’une opportunité lui laisse entrevoir une autre voie, celle du partage et du slam. Une révélation qui ne se fera pas sans heurts, mais qui rapprochera l’adolescente d’elle-même et des siens…

À cet égard, la fin, pleine d’émotions, m’a beaucoup plu et touchée. L’autrice ne tombe pas dans un happy end où tous les problèmes seraient réglés d’un coup de baguette magique, mais elle finit quand même sur une note d’espoir. Et elle nous démontre, une fois de plus, le pouvoir des mots qui rassemblent et unissent malgré la distance, les désaccords et les blessures que l’on peut infliger à ceux que l’on aime, parfois maladroitement…

Avec une économie de mots volontaire et parfaitement maîtrisée, elle frappe le lecteur et s’insère dans son cœur. Aucune envolée lyrique, mais la force brute des mots martelés comme des poings, des mots qui volent, qui fusent, qui touchent et qui font réfléchir. Et les sujets de réflexion sont nombreux : la religion et le fanatisme qui peut parfois en découler, l’homosexualité a fortiori dans une famille extrêmement croyante et un environnement machiste, le libre arbitre, la condition de la femme et le regard/jugement omniprésent sur son corps, les premiers émois amoureux, la découverte de son corps et de la sexualité, le consentement, la quête d’identité et l’affirmation de soi, l’immigration, la confrontation de deux cultures… Le roman m’a d’ailleurs donné envie d’en apprendre plus sur la culture dominicaine dont on a un petit aperçu et sur laquelle je n’avais jamais rien lu.

En conclusion, incisif, puissant et émouvant, The Poet X est un petit bijou que je vous recommande chaudement. Pas besoin d’apprécier la poésie pour se laisser emporter par l’histoire de Xiaomara, une adolescente forte et touchante qui refuse de plier sous le poids de la foi maternelle, de la société et de la concupiscence des hommes, et qui trouve, dans la poésie, un moyen de s’affirmer et de partager ses sentiments, ses espoirs et ses états d’âme.

The Poet X ou quand la force et la puissance des mots remplacent celle des poings !

Retrouvez l’avis de Grâce sur son blog Les notes de Grâce M.

J’ai lu le roman en VO qui est très accessible, mais une version française est proposée par les éditions Nathan.

Signé poète X - Dès 14 ans par [Elizabeth Acevedo, Clémentine Beauvais]

Nathan (29 août 2019) – 384 pages – Broché (16,95€) – Ebook ( 6,49€)
Traduction : Clémentine Beauvais