Insoluble, James Patterson et David Ellis

Couverture livre nsoluble

Je remercie les éditions de l’Archipel de m’avoir envoyé Insoluble de James Patterson et David Ellis en échange de mon avis.

Depuis l’assassinat de sa sœur (Invisible, L’Archipel, 2016), Emmy Dockery, analyste au FBI, ne cesse d’identifier des crimes impunis là où ses collègues concluent à des morts accidentelles.
À travers le pays, des sans-abri ou les personnes qui leur viennent en aide meurent sans que personne ne s’émeuve. Sauf Emmy, persuadée qu’un tueur est aux manettes. Un homme qui, selon son enquête, se déplace en fauteuil roulant.
Pendant ce temps, Citizen David défraie la chronique. Ce justicier fait sauter le siège d’entreprises qu’il estime manquer d’éthique. Ne laissant aucun mort derrière lui, il s’attire les faveurs du public. Jusqu’au jour où il fait exploser, à Chicago, un centre d’accueil pour SDF. Bilan : près de deux cents morts.
Parallèlement, l’ex-agent Harrison Bookman est chargé par une huile du FBI de surveiller Emmy, son ancienne petite amie, suspectée d’être la taupe qui livre des informations confidentielles à la presse au sujet de Citizen David. Mais quelqu’un d’autre surveille Emmy. L’observe, l’épie… Et attend le moment opportun pour frapper !

L’Archipel (25 août 2022) – 416 pages – 23€
Auteur : Philippe Reilly

AVIS

En préparant mon article, j’ai réalisé qu‘Insoluble était la suite d‘Invisible, mais les deux romans étant indépendants, cela ne m’a pas gênée dans ma lecture. Je n’avais d’ailleurs même pas réalisé avoir commencé par un tome 2. Il faut dire que l’autrice revient sur l’histoire d’Emmy, une analyste au FBI qui, dans le premier tome, a réussi à mettre la main sur le tueur en série responsable de la mort de sa sœur, et ceci sans le soutien de son administration.

Dans Insoluble, elle se retrouve de nouveau à traquer un tueur en série redoutable et une fois n’est pas coutume, elle va devoir convaincre ses supérieurs du bien-fondé de son enquête. En effet, personne à part elle ne suspecte la vérité derrière des morts classées un peu trop rapidement comme naturelles. Malheureusement pour Emmy, ses supérieurs se méfient d’elle, au point de demander à son fiancé, un ex-agent du FBI, de la surveiller afin de vérifier si oui ou non, elle est la taupe donnant des renseignements à une journaliste sur un activiste recherché pour terrorisme. En croisade contre l’injustice touchant notamment les minorités avec lesquelles le système judiciaire américain n’est pas tendre, et les dérives financières qui étranglent les moins nantis, Citizen David est adulé par le grand public. Mais pas seulement, Emmy et sa collègue partageant ses idées, mais pas ses méthodes…

Alors que le FBI se méfie du comportement obsessionnel d’Emmy, incapable de penser à autre chose qu’au travail, le tueur en série lui s’en donne à coeur joie, semant les morts en toute impunité. Après tout, qui s’intéresse vraiment à la mort de SDF, de personnes âgées ou de laissés-pour-compte ? Personne, si ce n’est Emmy bien décidée à arrêter ce tueur, quitte à mettre son couple, sa santé et son travail en danger ! Un duel va alors s’engager entre l’analyste, qui se révèle fine enquêtrice, et notre tueur qui prend un malin plaisir à suivre l’avancée de son « ennemie » dans sa traque.

J’ai beaucoup aimé suivre cette enquête, les auteurs rappelant avec brio à quel point nos biais et préjugés peuvent nous induire en erreur, que l’on soit un simple citoyen ou un agent du FBI. Avec un certain sens de la mise en scène, James Patterson et David Ellis réussissent à brouiller les cartes, nous donnant l’impression de toucher du doigt la vérité avant de nous montrer que les apparences sont bien souvent trompeuses. Je n’avais pas anticipé les révélations qui sont faites en cours d’intrigue, ce qui ne m’arrive pas si souvent que cela dans les thrillers où certains schémas ont tendance à se répéter. J’ai donc été ravie de me laisser berner et de découvrir, aux côtés d’Emmy et des autres personnages, la vérité et les dessous de tous ces meurtres au service d’une idéologie nauséabonde. Une idéologie finalement symptomatique d’un capitalisme poussé à l’extrême où l’être humain n’est considéré que sous le prisme de sa valeur économique.

En plus de l’enquête en elle-même, j’ai apprécié la narration qui nous permet aussi bien d’entrer dans les pensées du tueur que dans la tête d’Emily et de son fiancé, Harrison Bookman, qui a quitté le FBI pour tenir une librairie. Avec un tel nom, le choix de reconversion semblait tout trouvé. Emily est une femme qui impressionne par sa détermination, mais que l’on sent sur la corde raide, celle-ci ayant tendance à tout mettre de côté pour son travail, comme si rien d’autre n’existait. Une situation peu tenable sur la durée, comme tente de lui faire comprendre Bookman. Le couple Bookman/Emily va vivre des turbulences, mais je vous rassure les auteurs ne s’appesantissent pas dessus. À travers ce couple,  ils montrent plutôt efficacement l’impact que peut avoir un métier difficile sur une relation et la vie d’une personne.

Il est d’ailleurs intéressant de voir que quand Bookman a mis de la distance avec le FBI pour prendre le temps de vivre, Emily reste incapable de se détacher de son travail… Le meurtre de sa sœur semble avoir engendré chez elle un syndrome du sauveur, un peu comme si elle était responsable de la vie de tout le monde. Fragile et forte à la fois, c’est une femme que j’ai beaucoup appréciée et qui m’a émue, même si je n’ai pas toujours réussi à comprendre ses réactions. Quant à Bookman, sa psychologie est moins développée, mais c’est un homme touchant que l’on sent sincèrement attaché à Emily, sans pour autant être étouffant. J’ai juste été quelque peu dubitative devant son idée de la protéger en acceptant de la surveiller pour le compte de ses ex-employeurs…

Les personnages secondaires se révèlent également intéressants, comme le SDF hébergé par Bookman dans sa libraire, d’autant qu’ils permettent d’évoquer différentes thématiques : le stress post-traumatique, les préjugés envers les SDF et les difficultés de réinsertion, l’envie de justice qui peut pousser à certaines extrémités… En trame de fond, il y a aussi ce machisme et sexisme insidieux aux conséquences parfois dramatiques pour une carrière, certes, mais surtout pour les citoyens ! À cet égard, le sexisme dont est victime Emmy m’a révoltée, mais j’ai trouvé que les auteurs abordaient la question avec une certaine subtilité, voire timidité assez représentative de la réalité. Cela satisfera une bonne partie des lecteurs, mais j’avoue en avoir été frustrée : c’est un peu facile de s’excuser entre deux portes, sans pour autant se remettre en question et valoriser le travail d’une femme qu’on a passé son temps à dénigrer. Une femme qui, soit dit en passant, a fait le travail d’hommes censés être plus compétents qu’elle comme on s’est évertué à le lui rappeler à maintes reprises…

Quant au style d’écriture, il est redoutable d’efficacité, d’autant que le suspense est bien au rendez-vous et la tension omniprésente. Plus on avance dans l’intrigue, plus on sent l’étau se resserrer autour de notre tueur, mais aussi le danger se rapprocher d’une analyste qui, obsédée par la mission qu’elle s’est donnée, n’hésite pas à se mettre une cible dans le dos. Un comportement qui frise parfois l’inconscience, mais qui prouve également sa force de caractère, et qui donne envie aux lecteurs de la suivre jusqu’au bout de son enquête !

En conclusion, d’une plume efficace et rythmée, le duo James Patterson et David Ellis nous entraîne dans la traque d’un tueur en série brillant et méthodique qui cible des personnes qu’il estime indignes de vivre. Un homme à l’idéologie abjecte qui aurait pu sévir en toute impunité s’il n’avait pas croisé la route d’une analyste du FBI bien déterminée à l’arrêter, quitte à mettre sa carrière, sa santé et son couple en danger. Insoluble est un thriller à conseiller aux lecteurs appréciant les romans menés tambour battant, les enquêtes avec du suspense et des rebondissements, et les duels entre deux fortes têtes bien déterminées à ce qu’à la fin, il n’en reste plus qu’un !

27 réflexions sur “Insoluble, James Patterson et David Ellis

    • Oui, pour preuve, si je n’avais fait de chronique, je n’aurais même pas réalisé que c’était un tome 2 🙂
      On va dire que c’est assez dénoncé pour la plupart des lecteurs. Mais moi, j’en ai marre de ces gens qui s’en sortent aussi bien dans la vraie vie que dans les romans. Alors je veux qu’on sanctionne même si ça veut dire qu’on se retrouve avec plein de lecteurs qui vont estimer que c’est extrême…

      Aimé par 1 personne

  1. Emily semble être un bon personnage, bien travaillée. Je suis curieuse concernant le syndrôme du sauveur qu’elle a développée, c’est une sacré charge mentale de vouloir sauver tout le monde. Par contre, j’ai également du mal à concevoir que l’on puisse aimé une personne et la surveiller quitte à la desservir dans sa carrière. 🤔 Mais pour le reste tous les ingrédients semblent prometteur !

    Aimé par 2 personnes

    • Dans ce cas fonce 🙂 Si ça peut te rassurer, le sexisme est clairement dénoncé et moins insupportable que dans d’autres thrillers, c’est juste que j’aurais aimé qu’il y ait une vraie sanction, contrairement à l’impunité en vogue dans la réalité.

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