Virtual Revolution 2046, Guy-Roger Duvert

La révolution a déjà eu lieu. Mais pas comme on l’attendait…

En 2046, les trois quarts de la population ont fui la réalité, passant leur temps connectés dans des mondes virtuels. Notre société n’est plus la même, désormais scindée entre trois catégories sociales : les Connectés, devenus de véritables junkies virtuels, les Vivants, qui refusent cette technologie, et enfin les Hybrides, partageant leur temps entre virtuel et réel.

À Neo Paris, Nash Trenton, un Hybride ancien flic et désormais barbouze privée, reçoit comme mission d’enquêter sur des phénomènes en apparence surnaturels se produisant en ligne. Se pourrait-il qu’un Dieu existe dans la matrice? À New-York, Genna, jeune surdouée rejetant avec force les attraits de la réalité virtuelle, travaille pour Interpol et se retrouve sur une affaire curieuse de meurtres tous perpétrés par des Connectés. Enfin, à Tokyo, Rei, jeune junkie virtuelle, vit dans un ghetto avec son amie. Les deux sont heureuses, passant leur temps en ligne, jusqu’au jour où des hommes en noir et augmentés cybernétiquement kidnappent son amie et tentent de l’éliminer, elle. Complètement inadaptée à la vie réelle, elle va néanmoins se lancer sur la piste de son amie.

Un Hybride, une Vivante et une Connectée. Trois destins liés dans une société corrompue qui a su répondre aux problèmes d’hier en en créant de nouveaux…

Auto-édition (9 août 2020) – 311 pages – Broché (19,99€) – Ebook (4,99€)

AVIS

Je lis peu de science-fiction, mais c’est un genre que j’apprécie quand il est, comme ici, prétexte autant à divertir qu’à susciter de multiples questions d’ordre éthique et moral sur un sujet qui me fascine : les intelligences artificielles. L’auteur aborde également le thème de la réalité virtuelle et il le fait de manière convaincante !

En 2046, le monde a profondément changé : les trois-quarts de la population mondiale ont délaissé une réalité triste à souhait, a fortiori pour les moins fortunés, pour un monde de fantasmes que l’on peut plier à ses moindres désirs. La qualité de l’air dans la vraie vie est déplorable ? Peu importe, il vous suffit de vous connecter et de vous plonger dans un verse, un monde virtuel, pour prendre une bonne bouffée d’air frais. Votre physique vous déplaît fortement et vous vous rêvez en gros bras ? Pas de problème, il n’y a qu’à créer l’avatar qui correspond à vos désirs les plus profonds et vous plonger dans un verse où vous pourrez faire valoir la puissance de vos muscles à moins que vous ne préfériez jouer à l’étudiant, fêtard ou modèle, sur un campus américain. Les possibilités sont infinies…

Le rêve, non ? Peut-être, bien que l’on puisse se poser la question de la valeur d’une vie artificielle où derrière le bonheur ressenti à l’instant présent, il n’y a que du vide et l’impossibilité de se créer un futur qui ait réellement du sens. Une fuite, même virtuelle, n’en demeure pas moins une… Quel avenir à long terme pour une société où la plupart des gens sont reliés et dépendants d’une machine et des états qui acceptent de subvenir à leurs besoins les plus primaires sans pour autant leur garantir un minimum de droits ? Le plaisir immédiat et la possibilité de se vider l’esprit de tout tracas, valent-ils réellement la peine que l’on abdique sa liberté et que l’on renonce à améliorer le monde, le vrai, afin qu’il devienne enfin un endroit agréable qu’il n’est plus nécessaire de fuir dans des mondes artificiels ? Des questions, parmi tant d’autres, qui ne manqueront pas d’accompagner votre lecture…

Le nouvel ordre mondial, bien qu’éthiquement et idéologiquement contestable, semble fonctionner. Mais pour combien de temps ? Résistera-t-il aux nouvelles menaces qui planent sur la vie virtuelle et qui ne sont pas sans conséquence dans le monde réel ? Des Connectés se font tuer en ligne alors que cela devrait être impossible, des Connectés, sensés être dociles, se mettent à commettre des meurtres et d’autres se font kidnapper par les grandes entreprises dans l’indifférence générale, le statut de Connecté étant loin d’être respecté. C’est dans ce contexte difficile que nous faisons la connaissance de nos trois protagonistes : Nash, un ancien policier vivant à Paris qui, depuis le meurtre de sa campagne, s’est lancé dans une vendetta personnelle, Rei, une Connectée tokyoïte qui se voit contrainte de quitter le monde virtuel suite au kidnapping de sa petite amie, et Genna, une surdouée travaillant pour Interpol à New-York, plus douée pour la logique que les sentiments.

Ces trois personnages n’ont rien en commun, mais ils représentent à merveille les différents rapports à la réalité virtuelle qui se côtoient dans ce monde futuriste : Nash est un hybride ancré dans la réalité, mais qui n’hésite pas à se connecter pour accomplir ses missions, Rei ne considère sa vie que sous le prisme de son avatar, et Genna fait montre d’une réelle défiance envers un système dont elle sent intuitivement les dangers et les limites. En plus de leurs différences de caractère qui les rendent intéressants, l’auteur a veillé à faire évoluer ses personnages au gré de leurs péripéties et des rebondissements, ce qui ne les rend que plus humains et réalistes. Rien n’est fixé dans le marbre et petit à petit, des glissements s’opèrent dans la vie de chacun… Pour ma part, c’est peut-être l’évolution de Rei qui m’a le plus étonnée et marquée.

En début de roman, le fossé entre l’assurance de son moi virtuel et sa réelle personnalité, déconnectée des réalités du monde, nous semble vertigineux, voire infranchissable. Mais de fil en aiguille, la jeune fille, qui recherche avec la force du désespoir sa petite amie, s’endurcit ! Dans un monde où la vie des Connectés n’a aucune valeur, elle n’a pas d’autre choix que d’avancer et de prendre les armes. De junkie virtuelle, elle devient une jeune fille sûre d’elle, bien décidée à s’imposer quitte à rejoindre un Ordre dont elle n’approuve pas l’objectif final : la destruction des verses. Sa psychologie est, du moins pour moi, la plus intéressante et la plus fine. J’ai ainsi adoré suivre son évolution et la manière dont elle quitte le chemin balisé d’une vie virtuelle entièrement sous contrôle pour une existence empreinte de brutalité. Une nouvelle vie la faisant basculer vers un obscurantisme pernicieux et vengeur…

Question vengeance, Nash n’a rien à envier à notre adolescente, son existence étant dédiée à l’élimination des Nécromants, ces personnes qui tuent aléatoirement des joueurs pendant qu’ils sont en ligne et donc vulnérables. Cela était du moins vrai jusqu’à ce qu’il se rapproche d’une femme qui l’aidera à apaiser cette haine et cette rancœur qui le consument et le guident depuis le meurtre de sa femme. Mais n’oubliez pas que l’auteur n’est pas connu pour sa clémence envers ses personnages, et que le temps de la paix intérieure n’est peut-être pas encore venu pour notre mercenaire… Nash est un personnage assez complexe qui, derrière une certaine dureté de caractère, se révèle finalement assez humain. C’est peut-être la raison pour laquelle il ne porte aucune trace d’augmentation cybernétique, des améliorations qui lui auraient pourtant été fort utiles pour son travail.

Quant à Genna, notre enquêtrice pour Interpol, elle m’a fait penser, dans une certaine mesure, à un Sherlock Holmes au féminin. Consciente de sa précocité intellectuelle et ne maîtrisant pas les codes sociaux, elle peut sembler désagréable et imbue d’elle-même. Mais plus on apprend à la connaître, plus on comprend qu’elle n’est peut-être pas aussi misanthrope que cela, et que derrière un certain manque de tact, se cache une personne qui ne demande qu’à être acceptée par les autres. En plus d’une personnalité intéressante, j’ai apprécié la manière dont sa vision de la réalité virtuelle évolue pour devenir bien plus nuancée. De la même manière, il est indéniable que son enquête, et ses échanges avec ses partenaires, vont engendrer chez elle des changements notables qui la rendent bien plus humaine et presque attachante.

Au-delà des personnages et des nombreuses réflexions soulevées autour de la réalité virtuelle et des intelligences artificielles, l’intérêt de ce roman très visuel réside également dans tout l’univers mis en place par l’auteur. Des nouveaux rapports sociaux que l’on découvre au fil de notre lecture, aux décors urbains qui tranchent résolument avec les nôtres, en passant par l’organisation socio-économique d’un monde encadré par de grands groupes aux pouvoirs quasi illimités, tout est mis en place pour nous plonger avec réalisme dans un futur que l’on espère bien différent du nôtre. Il est ainsi fascinant, bien que parfois oppressant, de se balader dans un univers où la réalité virtuelle a impacté physiquement et durablement le monde réel. Les lecteurs devraient également apprécier d’explorer différents verses, chacun ayant ses propres codes graphiques et ses propres règles…

Quant à la plume de l’auteur, elle se révèle fidèle à elle-même : immersive, fluide et rythmée ! Si on ajoute à cela une alternance des points de vue apportant un dynamisme certain, on obtient un livre qui se lit rapidement, et dont on prend plaisir à tourner les pages d’autant que l’action est au rendez-vous avec, entre autres, des scènes de combat plutôt intenses. Les personnes appréciant les romans cyberpunk bourrés d’action devraient donc trouver ici leur bonheur avant, peut-être, d’avoir envie de visionner le film qui se déroule un an après la fin du livre. Pour les abonnés Prime Video, il est d’ailleurs disponible sur la plateforme.

En conclusion, dans un style très cinématographique propre aux romans de Guy-Roger Duvert, Virtual Revolution 2046 nous propose une réflexion pleine de pertinence sur les intelligences artificielles et sur la réalité virtuelle qui, sans garde-fou, finit par emprisonner au lieu d’offrir cet espace de liberté dont elle aurait pu être le symbole. Mais Virtual Revolution 2046, c’est également un roman aux multiples facettes nous plongeant dans la vie de personnages très différents qui vont être confrontés, chacun à leur manière, à des ennemis qu’ils soient intérieurs, virtuels ou qu’ils prennent la forme d’une organisation aux valeurs et méthodes extrêmes. Dans un monde où le virtuel a pris le pas sur le réel, y a-t-il encore quelque chose à sauver ? Une question à laquelle nos protagonistes nous apporteront peut-être une réponse dans la suite de leurs (més)aventures…

Je remercie Guy-Roger Duvert de m’avoir envoyé son roman, disponible sur Amazon, en échange de mon avis.

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21 réflexions sur “Virtual Revolution 2046, Guy-Roger Duvert

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