Le dernier salut de l’amazone, Véronique Chauvy

Au soir de l’été 1921, Wally Costel, écrivain célèbre au passé mystérieux, raconte les circonstances et les suites du drame terrible dont a été victime son amie la baronne de Rahden en 1893. Lors d’une représentation donnée à Clermont-Ferrand, un homme meurt dans le s coulisses du cirque brésilien sous les balles du baron Oscar de Rahden, époux et agent de Jenny de Rahden. La belle écuyère se produisait alors sur toutes les scènes d’Europe dans des numéros de dressage équestre de Haute École, et s’était rendue célèbre par la « cabrade », une figure impressionnante de technicité et de prouesse. Crime passionnel ? Vengeance ? Jalousie ? Que c’est-il réellement passé ce 24 août 1893 ?

Éditions De Borée (12 mars 2020) – 288 pages – Broché (19,90€) – Ebook (9,99€)

AVIS

Le résumé m’a tout de suite intriguée, mais je ne m’attendais pas à autant apprécier ce roman que j’ai lu en deux sessions de lecture. J’ai ainsi été complètement happée par la manière dont l’autrice a su s’inspirer d’un fait divers et de la vie d’une femme talentueuse pour nous offrir une histoire cohérente et passionnante. Jouant avec notre curiosité, elle nous transporte ainsi en 1921 dans une soirée durant laquelle l’écrivain Wally Costel accepte de raconter l’histoire de son amie, la baronne de Rahden. Très affecté par son récent décès, c’est avec beaucoup d’émotion qu’il remonte le fil du temps devant une audience de plus en plus large et captivée…

Le 24 août 1893, le fameux cirque brésilien, installé provisoirement à Clermont-Ferrand, est le théâtre d’un drame. Que s’est-il passé ? Pour le découvrir, il vous faudra vous plonger dans un fauteuil confortable et écouter Wally vous expliquer les prémisses d’un drame annoncé. Si la nature du drame ne constitue pas un mystère bien grand, je ne dirai pas la même chose de Jenny qui reste relativement secrète. Issue d’une famille fortunée ayant connu un revers de fortune, la jeune femme décide de s’engager dans un cirque où ses talents d’écuyère firent merveille. Un choix de carrière qui lui permit de rencontrer son mari et de prendre le titre de baronne de Rahden. Un titre sans fortune contraignant les époux à vivre au rythme des engagements de Jenny et de ses représentations dans différentes villes…

La baronne m’a fascinée par sa relation presque symbiotique avec les chevaux pour lesquels elle ressent une sincère tendresse et qu’elle traite avec le plus grand des respects. Un murmure, une caresse, un regard lui suffisent pour entrer en connexion avec ces majestueux animaux. Une complicité unique qui lui permet d’offrir des numéros de cirque de haut vol durant lesquels tout son savoir-faire s’exprime devant un public béat et admiratif. Belle, délicate et extrêmement douée, Jenny attire les regards des hommes pour le plus grand désarroi de son époux extrêmement jaloux et impulsif… Le personnage n’est pas très sympathique, mais difficile de savoir ce que pense réellement l’écuyère qui, pudique, s’exprime fort peu sur ses émotions et le comportement de son époux. Si l’on comprend qu’elle se passerait volontiers des marques d’affection des autres hommes, il faudra attendre la dernière partie du roman pour être vraiment fixé sur ses sentiments envers le baron.

Talentueuse, la baronne fascinera également le jeune Georges tombé en adoration devant son numéro et le monde du cirque en général. Vif, attachant, très curieux, pugnace et pragmatique, cet enfant apporte beaucoup de charme à l’intrigue et une fraîcheur toute juvénile. L’autrice a su parfaitement retranscrire sa joie et son excitation devant l’arrivée du cirque brésilien qu’il perçoit comme une nouveauté bienvenue dans sa vie et une ouverture sur le monde. Intelligent, mais encore un peu naïf du fait de son âge et d’une certaine simplicité de cœur, il jouera un rôle subtil et involontaire dans l’arrivée du drame… 

En plus du plaisir de découvrir le destin grandiose et dramatique de la baronne, on appréciera la rencontre entre le monde paysan et celui du spectacle. Pragmatisme et travail de la terre contre paillettes et effervescence… Ainsi, si certains vont se laisser séduire par les apparats, d’autres vont, en revanche, faire preuve de bien plus de réserve, voire d’une certaine hostilité envers ce cirque et ses spectacles d’animaux. Même traité avec « respect », un lion n’a rien à faire dans une cage comme le dressage d’animaux s’apparente à une forme de maltraitance. Partageant entièrement ses convictions sur le cirque avec animaux, l’oncle de Georges m’a beaucoup plu d’autant que j’aime beaucoup ce genre de personnages un peu bourru, mais avec un cœur en or. Son histoire avec son amour de jeunesse m’a, en outre, beaucoup touchée…

Si l’autrice évoque avec subtilité la question animale, elle nous offre également une plongée intéressante dans l’histoire du cirque et la manière dont cet art a dû évoluer au fil des années pour s’adapter aux exigences du public et à l’arrivée d’autres formes de divertissement. Avec un souci du détail fort appréciable, elle nous immerge également dans la vie du cirque brésilien avec ses répétitions, son effervescence, son organisation, les petites rivalités et grandes jalousies, tout en nous permettant, au passage, d’apprendre quelques mots de vocabulaire propres au monde du cirque.

Au-delà du destin romanesque de la baronne et des personnages, j’ai apprécié la finesse de la plume de l’autrice et la justesse de ses descriptions aussi belles qu’immersives. Mais son style révèle véritablement toute sa puissance lors de l’alternance entre les époques, entre les événements en eux-mêmes et ces phases où Wally reprend la main. Écrivain, c’est aussi un conteur de talent qui n’hésite pas à faire des pauses afin de ménager ses effets et conserver cette flamme qu’il devine dans les yeux de son auditoire.

Il aime également se montrer sibyllin, laissant son public faire des suppositions sur le devenir des principaux protagonistes, mais également sur sa propre identité, Wally Costel étant son nom de plume. Simple narrateur ou acteur des événements ? Pour ma part, j’ai très vite deviné la réponse, ce qui ne m’a pas empêchée d’être très touchée par son amitié sincère pour la baronne et sa volonté de rendre un dernier hommage à une femme talentueuse dont la beauté aura parfois éclipsé le talent.

En conclusion, grâce à une plume fluide et immersive et un art certain de la narration, l’autrice nous offre ici ode à une femme fascinante et talentueuse, dont la vie aura été faite de drames et de passion, et à l’amitié qui transcende le temps et les différences sociales. Inspiré de faits réels, Le dernier salut de l’amazone est un récit remarquable et d’une grande beauté dans lequel vous vous plongerez avec délectation et ne quitterez qu’à reculons. Un roman à lire et à relire qui aurait toute sa place sur grand écran, la vie de notre baronne, réelle comme fictive, comportant assez de romanesque pour captiver le grand public…

Merci aux éditions De Borée pour cette lecture et à l’autrice pour sa dédicace.

13 réflexions sur “Le dernier salut de l’amazone, Véronique Chauvy

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