Le Trésor de Sunthy, Arnaud Friedmann

Je remercie Lucca Éditions de m’avoir permis de découvrir Le Trésor de Sunthy d’Arnaud Friedmann.

PRÉSENTATION ÉDITEUR

Suite à l’annonce de la maladie grave de son grand-père, Garance réalise qu’elle ne sait pas grand-chose de lui, notamment de sa jeunesse et des circonstances qui l’ont mené loin de son pays natal, le Cambodge. Comme pour rattraper ou rallonger le temps, elle lui rend visite aussi souvent que possible et l’interroge sur son passé. Ce passé qui risque bien de changer sa propre vie et sa relation avec ses parents…

Lucca/Hikari Éditions (17 mai 2019) – 11-13 ans – 240 pages – Broché (11,90€)

AVIS

En plus de la superbe couverture qui représente à merveille le fond du livre, une jeune fille sur les traces de ses ancêtres, j’ai été attirée par l’idée de découvrir une jolie relation entre un grand-père et sa petite-fille que les non-dits et les silences ont longtemps tenus à distance… Et je peux déjà vous dire que je ressors complètement attendrie et émue par cette lecture dans laquelle Arnaud Friedmann a su m’immerger dès les premières pages.

Suite à une remarque idiote d’un ami, Garance en vient à s’interroger sur ses origines cambodgiennes qui donnent lieu à une véritable omerta au sein de sa famille. Le père de l’adolescente de quatorze ans semble avoir coupé le lien avec ses racines se refusant à interroger son propre père sur sa vie au Cambodge qu’il a été contraint de fuir, et sa mère, d’origine française, se révèle peu encline à se lancer sur la piste des ancêtres de son époux.

Garance n’aura donc pas d’autre choix pour en apprendre plus que d’interroger son grand-père paternel qu’elle connaît finalement très peu… Au fil de ses visites à l’hôpital où, gravement malade, il séjourne, elle apprend à connaître ce grand-père qui lui est longtemps apparu intimidant, voire insaisissable. C’est que discret par nature et, probablement par culture, il ne s’épanche pas facilement sur ses sentiments et sur ce passé dont son propre fils ne s’est jamais préoccupé… Touché par l’intérêt soudain de sa petite-fille pour son histoire, il consentira heureusement à répondre aux questions qu’elle lui pose que ce soit directement ou en l’encourageant à lire le mémoire d’un étudiant qui l’a interviewé, il y a quelques années, sur son passé et les circonstances de son arrivée en France. En découvrant son témoignage plein de pudeur et de retenue, j’ai été frappée par l’humanisme de cet homme qui a affronté des choses innommables et qui a perdu des êtres chers, mais qui ne tombe jamais dans la haine ni la diabolisation des Khmers rouges

Se noue entre le grand-père et sa petite-fille une jolie relation empreinte de tendresse et de douceur qui m’a beaucoup émue. Pas d’effusion ou de grandes embrassades, mais des petits gestes qui traduisent leurs sentiments. Mais le temps les rattrape et bientôt, Garance devra poursuivre son enquête sur les traces de ses origines sans son parent… Ce sera alors le début d’un voyage qui la changera à jamais et qui lui permettra de renouer avec tout un pan du passé de son grand-père, et de cette culture qui appartient à son histoire familiale et dont on l’a longtemps tenue éloignée.

Je dois avouer que j’ai été assez dubitative devant l’attitude de ses parents que ce soit sa mère, psychologue, qui manque singulièrement d’empathie et de prévenance, ou son père dont je n’ai pas réussi à comprendre, à l’instar de Garance, l’absence de curiosité et d’intérêt pour la vie de son père et du pays de ses ancêtres. Mais j’imagine que face à un déracinement, chacun réagit différemment, et qu’il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir affronter sa propre histoire, notamment quand elle est entachée de drames.

À travers ce récit plein de sensibilité, l’auteur aborde avec une certaine délicatesse la complexe question de l’identité, des origines, de l’immigration et de l’intégration. Est-ce que s’intégrer signifie tirer un trait sur l’histoire, la culture et le pays d’origine de sa famille comme semble le penser le père de Garance ou n’y a-t-il pas, au contraire, un moyen de faire concilier passé et présent pour construire sa propre identité comme le fait si bien Garance ? Ce livre n’apporte pas de réponse puisque cela dépendra de son propre vécu et de sa sensibilité, mais il offre une jolie réflexion sur le sujet. Il permet également, au passage, de démystifier certaines idées sur l’immigration et les problèmes d’intégration en montrant que la peur relative aux vagues d’immigration ne date pas d’hier…

En levant progressivement le voile sur le passé du grand-père de Garance, l’auteur revient sur une période mouvementée du Cambodge avec l’arrivée au pouvoir des Khmers rouges en 1975, mais il le fait de manière concise et très humaine. Plus que l’histoire avec un grand H, c’est donc celle d’un homme comme les autres pris dans les turpitudes de son pays et de son époque qui est ici au cœur du roman. Une approche efficace et accessible qui permettra aux lecteurs de tout âge de se plonger corps et âme dans un récit qui ne pourra que les toucher. Intense et sans temps mort, ce livre se lit donc très vite sans oublier son découpage intelligent en plusieurs parties qui guide à la perfection la lecture, notamment des jeunes lecteurs. Simple mais travaillée, la plume de l’auteur est, quant à elle, très agréable d’autant qu’elle dégage un certain dynamisme qui se retrouve d’ailleurs dans la personnalité de Garance.

L’adolescente va faire des découvertes parfois difficiles, mais elle ne perd jamais son entrain ni son enthousiasme pour faire la lumière sur le passé de son grand-père. C’est donc avec courage, optimisme et pugnacité qu’elle fera tomber toutes les barrières qui se dresseront sur son chemin qu’elles soient familiales, historiques ou géographiques. Pour ce faire, elle pourra compter sur le soutien de ses amis, mais aussi sur celui d’un garçon qui l’éveillera aux sentiments amoureux. N’oublions pas que Garance reste une adolescente comme les autres et que son envie de renouer avec ses racines ne l’empêche pas de partager les mêmes préoccupations que les jeunes de son âge…

Tout au long de ce travail de recherche et de mémoire que fait la jeune fille, se dessine également un certain hommage au métier d’historien dont on découvre la difficulté de plonger au cœur de l’histoire et d’en restituer avec fiabilité les événements, les sources devant toujours être questionnées et les données contextualisées… Un aspect du roman assez subtil, car très bien intégré au récit, que j’ai trouvé très inspirant que l’on apprécie ou non l’histoire.

En conclusion, Le Trésor de Sunthy, un titre énigmatique dont vous découvrirez en fin d’ouvrage l’explication, est un superbe récit qui alterne entre France et Cambodge, entre présent et souvenirs du passé. Un passé qui prend vie grâce à la quête de vérité d’une adolescente bien décidée à se réapproprier ses origines et cette histoire familiale dont on l’a trop longtemps dépossédée. Un voyage dans le temps et dans l’espace qui la changera à jamais… Cette histoire offre également une réflexion plus que jamais d’actualité sur l’immigration et l’intégration, mais aussi sur l’importance de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Touchant, plein de délicatesse et d’émotions, voici un roman intergénérationnel que je ne peux que vous conseiller.

Feuilletez un extrait /retrouvez le roman sur le site de Lucca Éditions.

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9 réflexions sur “Le Trésor de Sunthy, Arnaud Friedmann

  1. ça a l’air très intéressant.
    Je connais peu l’histoire du Cambodge, juste assez pour savoir un peu l’horreur que lui a fait vivre les Khmers.
    L’idée de se construire en découvrant ses origines, son identité, meplaît beaucoup.
    Si j’en ai l’occasion, je pense le lire 🙂

    Aimé par 1 personne

    • Comme toi, je connais assez peu l’histoire du Cambodge et j’ai apprécié que l’auteur fasse un rappel synthétique et clair du passage des Khmers rouges au pouvoir…
      D’après ton commentaire, je pense que le roman devrait te plaire 🙂 Je croise les doigts pour qu’il croise ta route…

      Aimé par 1 personne

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